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Cette année nous a réservé quelques jolies surprises en matière de whisky, de rhum, de cognac… Néanmoins, si un jour quelqu’un invente la machine à remonter le temps, merci de laisser un message dans la boîte à gants : « Surtout, ne vous arrêtez pas en 2020 ! »

Une année où mes mains ont reçu plus d’alcool que ma glotte mérite que j’en dresse le bilan. Alors que mon inclination personnelle me pousse plutôt début janvier à épingler les tendances à venir (lire ici ou ), autorisez-moi exceptionnellement un coup d’œil dans le rétro. Un coup d’œil un peu personnel.

En 2020, comme beaucoup d’entre vous, je n’ai guère eu l’occasion de pousser la porte d’un bar ou d’une brasserie. Non pas que je fréquente assidument les premiers – s’entasser à 150 dans une pièce grande comme ma salle de bain en faisant le sémaphore pour attirer l’attention du bartender, les tympans vrillés par les basses, il y a longtemps que j’ai abandonné –, mais j’avoue un faible pour les secondes : ce sont mes sorties théâtre à moi, tout aussi inconfortables pour le postérieur que le spectacle subventionné, la comédie humaine à portée d’ouïe et du regard, l’entracte et le rideau de velours en moins.

En 2020, quasiment pas de reportages ni de visites de distilleries. J’ai roulé-boulé de l’avion qui me ramenait d’une virée chez HSE (lire ici) en Martinique directement dans le confinement. Si j’avais su… Pour la première fois en une décennie, je n’ai pas vu l’Ecosse en 2020, et c’est de loin mon plus gros manque sans sevrage, puisque je m’y balade en moyenne 4 à 6 fois par an. Rester à quai sans pouvoir se déplacer, pour un·e journaliste spécialisé·e sur une matière aussi vivante que les spiritueux, cela signifie tarir les échanges humains, couper le robinet d’informations, déplacer sa curiosité, ne plus pouvoir sentir la matrice de son sujet (la gnôle). Vous avez donc lu sous ma plume davantage de papiers « jus de crâne », de points de vue et d’articles historiques, que je ne dédaigne pas mais que j’aurais apprécié de pouvoir caler entre des récits au long cours.

Et le Pangolin d’Or est attribué à…

En 2020, j’ai appris à déguster masquée (lire ici). Pas littéralement bien sûr, encore que certains ont posté leurs photos de masques percés pour laisser passer la paille du cocktail – les mêmes génies sans doute qui préfèrent les préservatifs avec un trou pour pisser. De toute façon, la plupart des dégustations se sont organisées en « distantiel », l’un des mots phares de l’épidémie : « Zoom tasting le 9, t’es dispo ? Il y aura le master blender en visio, on t’envoie le kit. » Et on se retrouvait à 5, 10, parfois 50 ou plus sur tous les continents, en split-screen pour une conversation en esperanto.

Pangolin d’Or au Zoom de la mort organisé par une distillerie écossaise avec un decorum Downton Abbey et un traducteur lunaire qui confondait les fûts avinés (seasoned casks) avec les fûts de saison. Je me moque, je me moque… mais non je ne me moque pas en fait. Car ces moments virtuels, dans leurs moments de grâce (big up aux masterclasses de la Confrérie du Rhum sur Facebook, souvent passionnantes) et jusque dans leurs ratés, ont paradoxalement allégé la mise à distance générale dont ils étaient l’émanation, et dont on ne sortira pas indemnes. D’autant que…

2020 nous a tristement privé·es de Salons et Festivals. Point de Whisky Live à la Villette : j’ai dû l’organiser en off sur le parquet de mon salon (lire le résumé ici, les whiskies français ici, les écossais ici, les trucs de geeks ici et, last but not least, la tournée VIP ). Pas de Rhum Fest au Parc Floral, zéro Cocktail Spirits, no Whisky Show in London, ni Lyon Whisky Festival… Ne nous leurrons pas, tous les Zooms du monde ne remplaceront jamais l’échange autour d’un verre en compagnie d’un producteur qui attend vos impressions avec autant d’excitation que vous en avez à goûter ses produits.

2020, l’année qui a fait tomber les masques sur notre rapport à l’alcool

En 2020, les apéros Skype avaient le goût de l’ennui et la grimace forcée du temps suspendu dans l’inquiétude. Mais cette année où l’on s’est dissimulé le visage aura pourtant fait tomber les masques de notre rapport individuel et collectif à l’alcool : dépouillé de sa dimension conviviale et de son rôle de lubrifiant social, le spiritueux perd un tantinet de sa magie. On s’est beaucoup replié sur les valeurs sûres, si j’en crois les retours des cavistes, sur les classiques réconfortants davantage que sur les embouteillages craft – un vieux réflexe des temps de crise. Un petit pastis l’été, un gin-to pour faire passer, et tiens, je ressors le Lagavulin dès la rentrée. A titre personnel, les whiskies tourbés ont opéré un retour consolant dans ma vie à peine l’hiver tombé sur le second lockdown, manière d’allumer le feu dans mon absence de cheminée.

Au rythme des confinements et de la déconfiture, les consommateurs de spiritueux se sont semble-t-il divisés en deux camps au fil de 2020 : ceux qui ont davantage levé le coude, et ceux qui ont au contraire laissé les quilles prendre la poussière. De quoi faire mentir le vieil adage qui prétend que quand tout va mal les Français boivent pour oublier, et que quand tout va bien ils boivent pour célébrer. Mais en vertu d’un effet secondaire peu étudié, le covid-19 aura laissé les deux camps avec la gueule de bois. Alors, en 2021, qu’est-ce que je vous sers ? Mes meilleurs vœux pour commencer. Il nous reste quelques mois pour choisir les bouteilles.

 

Par Christine Lambert

 

 

 

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