Jusqu’à fin mai, les boutiques de LMDW, le site whisky.fr et le bar Golden Promise réactivent le Mois du Whisky français. Avant de se roder le palais sur les nouveaux embouteillages, et si on faisait le point sur nos connaissances ?
1 – Le point SM
Jusqu’en janvier 2017, un « single malt » français pouvait le plus légalement du monde avoir vieilli 2 mois seulement*. Voire moins. Et être élaboré sans orge ! Jusqu’à ce que le décret 2016-1757 réserve l’emploi du terme « single malt » au « whisky élaboré exclusivement à partir d’un moût d’orge maltée, dans une seule et même distillerie et par distillation discontinue simple ». Deux ans plus tard, le Règlement européen UE 2019-787, dans son Annexe I, au point 2-e, enfonçait le clou en réservant ce terme au « whisky distillé exclusivement à partir d’orge maltée dans une seule distillerie ». On ne dira jamais assez l’influence de la paperasse sur le goût de la gnôle.
2 – Le point consultant
Armorik partage un point commun avec Kilchoman, Kavalan, Penderyn, Lindores Abbey et quelques autres distilleries de par le monde : le plus célèbre des consultants, Jim Swan (disparu en 2017), y a prêché quelques bien utiles conseils pour améliorer les process de production.
3 – Le point rendement
Le gros point faible du whisky français ? Son rendement alcoolique. Là où les Ecossais arrachent entre 400 et 420 LAP par tonne de malt, les distilleries de nos terroirs stagnent à 270 LAP en moyenne – avec de grandes variations cependant. Un jour, si vous êtes sages, je vous expliquerai pourquoi.
4 – Le point alambics
Si en Ecosse le single malt doit être impérativement distillé en pot stills de cuivre, ce n’est pas le cas en France, où une grande variété d’alambics coule du whisky : alambics type charentais, alambics sous vide, hybrides, colonnes armagnacaises, alambics à vases, alambics à repasse automatique… Tenez, on trouve même des pot stills ! Et je vous fais grâce des bousins génialement imaginés par quelques producteurs azimutés du bulbe.
5 – Le point pot still
En parlant d’alambics. Plusieurs distilleries de whisky français sont équipées de pot stills à l’écossaise – citons Warenghem, Glann Ar Mor, Maison Victors (ex-Straw Bale) – mais 2 seulement ont cassé leur tirelire pour s’offrir d’authentiques Forsyth’s fabriqués par le chaudronnier de Rothes. Des noms ! Des noms ! FDC, qui élabore le whisky Bale Bro près de Brest, et De Sutter, dans l’Eure, qui sortira son premier batch en 2025.
6 – Le point châtaigne
A plusieurs reprises au début de sa reconversion dans le whisky, la distillerie corse Mavela a dû répondre aux courtoises et néanmoins fermes demandes d’échantillons émanant de la puissante Scotch Whisky Association. Sous prétexte que leur brassin était fourni par Pietra, qui produit la fameuse bière à la châtaigne, la SWA voulait s’assurer qu’on ne retrouvait pas de traces incongrues de ce fruit à bogue dans le whisky. Conclusion ? Y en avait pas. Pietra brassait à part pour les besoins de la distillerie.
7 – Le point G
L’initiale G sur les étuis et flacons de Rozelieures est un vestige du premier batch, baptisé Glen Rozelieures – rappelez-vous qu’à l’époque, mes petits lapins, vous exigiez du scotch en fronçant le museau devant le whisky français. Las, la SWA, encore elle, a gentiment convaincu la distillerie lorraine que ce n’était pas une bonne idée d’emprunter les mots du patrimoine highlander. Et quand les gens aidés d’une armada d’avocats trop bien payés disent certaines choses, ceux qui n’en ont pas les moyens les écoutent. Aujourd’hui, chacun peut imaginer que le G renvoie à Grallet, le nom de la famille qui fonda la distillerie lorraine.
8 – Le point surproduction
Les distilleries françaises distillent aujourd’hui 6 fois plus qu’elles ne vendent. De quoi remplir les chais… mais gare à la chute des prix. En Ecosse, le ratio est moitié moins élevé.
9 – Le point France-Albanie
En l’absence de définition légale du whisky français, certaines marques non distillatrices continuent à embouteiller ou à assembler des jus distillés hors de nos frontières en les faisant passer pour du pur french. Les abus, il est vrai, ont tendance à se calmer. Néanmoins. L’une des sources d’approvisionnement les plus prisées ne se trouve pas en Ecosse, mais en… Albanie. A Tirana, la distillerie Aquila Liquori alimente en vrac toutes sortes de producteurs de spiritueux, y compris de whisky. Grâce notamment à une filiale tournée vers l’export, Tradexal, créée en partenariat avec des intérêts français. Le dossier vers une Indication géographique « whisky français » protectrice avance, mais pour l’instant moins vite que le malt des Balkans.
* Dès lors que la mention « whisky », obligeant à un vieillissement minimum de 3 ans, ne figurait pas sur l’étiquette.