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En novembre dernier, la Maison d’Armagnac L’Encatada célébrait ses dix ans. Nous avons demandé à Vincent Cornu, Maître de chais et un des fondateurs de nous faire le point sur cette décennie. Et la suivante…

 

Après dix ans, quel regard portes-tu sur l’aventure L’Encantada ?

L’Encantada, c’est une histoire de copains d’enfance, issus du même village. Des copains passionnés et épicuriens. Dix ans plus tard, l’ADN est toujours là. Nous avons toujours autant de plaisir à partager des superbes armagnac. L’Encantada a dix ans en fait, mais nous sommes toujours aussi contents de partager notre passion.

Sur ces dix ans, quelles ont été les grandes étapes ?

Au début, l’étape décisive, ça a été de travailler avec LMDW, assez rapidement. Comme un encouragement, une preuve de confiance et de qualité j’espère. Cela étant dit, il a fallu convaincre aussi des nouveaux consommateurs aux spiritueux.

Une autre étape importante a été de développer et bien travailler l’export. Notamment aux USA. Nos produits sont bien perçus, mais cela nous a poussé à réfléchir à d’autres types d’armagnac. Jusqu’ici, il n’y avait pas vraiment de stratégie d’élevage en Armagnac… On distillait, mais chacun avait sa manière de faire : en barrique neuve ou pas, souvent dans un alambic à colonne, avec des pressoirs et des terroirs différents. Entre la première barrique distillée et la dernière, on parvenait souvent à des produits différents. Avec ces nouveaux clients, nous avons mis le doigt sur des goûts qui existaient dans l’Armagnac. Nous avons essayé d’aller chercher des barriques plus intéressantes pour montrer la diversité non seulement dans notre chais mais aussi dans l’Armagnac. Ça nous a encouragé à chercher de nouveaux styles. Nous restons en Armagnac mais nous allons chasser sur les terres d’autres spiritueux.

 

Quelle serait selon toi la différence entre le consommateur français et américain ?

Je vais oser le mot, j’espère que l’armagnac est vécu comme cool aux Etats-Unis, parce que c’est un alcool de passionné. C’est petit, à deux mille lieux de l’industrie du bourbon, un truc de producteur, avec une à deux barriques par domaine. En termes de goût, ils le retrouvent dans la bouteille. En termes de prix, c’est très compétitif pour des spiritueux, même pour des millésimés. Les américains n’ont pas l’image du digestif à papa. Pour eux, c’est une catégorie capable de se renouveler, malheureusement encore trop mal connue.

Comment ont évolué les spis en dix ans ?

Je ne suis pas le spécialiste pour les spis mais je vois qu’en France, les mentalités et les goûts évoluent. Il y a dix ans par exemple, les rhums jamaïcains ont eu du mal à s’imposer, avec ces notes très typées, très corsées. La percée du rhum, c’est aussi parce qu’il se réinvente, avec une grande diversité de type et de goût. Dans l’Armagnac aussi, suivant les terroirs et mode de production, on rencontre cette diversité.

En France on est beaucoup sur l’effet série limitée, marketing, étiquette etc… Pour les clients américains, le résultat, c’est ce qu’il y a dans la bouteille, bien avant le côté packaging. Moins de spéculation, plus de consommation plaisir. Ce sont des marchés où ils goûtent. Ils se font plaisir, ils ouvrent des bouteilles, ils les partagent, ils font déguster. En France, trop souvent, on partage aussi mais on n’a pas envie de finir la bouteille, on a envie de la garder dans la cave. Or, les spis doivent aussi avoir ce côté éphémère, parce que ce qui fonctionne aujourd’hui, ne fonctionnera plus demain.

En quoi l’Armagnac est-il amené à évoluer ? Ou pas…

Notre cas est particulier : quand on disait qu’on faisait du brut de fut, les gens nous prenait pour des fous furieux. Tout le monde nous le déconseillait en nous disant  » l’Armagnac ce n’est pas ça » ou  » attention, les droits sont trop chers »… On a tout entendu. Souvent on considérait que l’armagnac avec ses 700 ans, ne devait plus bouger. C’était une vielle eau-de-vie, une belle endormie. On pensait qu’il fallait que le consommateur vienne à l’armagnac alors que, du côté de l’Encantada, nous voulions au contraire aller vers lui. Nous nous sommes donc adapté au goût du consommateur : plus boisé, moins boisé, plus puissant, avec plus de structure en bouche, plus floral, avec des arômes un peu plus fumé…

Aujourd’hui, ça se renouvelle dans l’Armagnac, il y a un frémissement sur les ventes. Je pense qu’on doit aller vers le consommateur. Ce n’est plus une belle endormie. Notre ligne de conduite reste bien entendu sur les bruts de fut, la traçabilité des domaines.

Cela confirme votre stratégie donc ?

Oui, très modestement, cela prouve que nous étions dans le vrai. Cela nous pousse à continuer dans cette direction. Il faut que le consommateur voyage en dégustant nos armagnac. Ça bouge dans toutes les catégories, on le voit avec le whisky français. Pourquoi pas dans l’armagnac ? Après, il est clair que certaines catégories sont financièrement plus fortes. L’armagnac reste une petite catégorie. Pour ne citer que quelques chiffres : l’armagnac a distillé 16 000 hectolitres l’an dernier, tandis que le cognac était à 850 000 hectolitres. Autrement dit, nous distillons, dans l’appellation, 53 fois moins que le cognac. Autre élément de comparaison, sur toute l’appellation armagnac, on est trois fois plus petit que Glenfarclas.

Vous ne voulez pas tenter l’expérience d’autres aventures de distillations ?

Non, vraiment pas ! On a beaucoup à faire en armagnac. On veut surtout aller sur les finishes, on s’autorise à faire d’autres choses, tout en restant dans les règles, ne serait-ce que pour montrer notre modernité.

Pour répondre à ta qyuestion donc, de savoir si nous ferions du gin ou du whisky, la réponse est non : nous faisons partie des gens qui pensent qu’on ne peut pas être bons partout. Il faut bien faire ce qu’on a a faire. C’est très clair aujourd’hui, on s’éclate. Beaucoup de choses à faire sur les finishes et élevages en bois. Une vie ne suffira pas !

Comment célébrez-vous cet anniversaire ?

Nous avons sorti un domaine 2002 avec un finish en fût de rhum jamaïcain. L’accueil qui lui a été réservé au Whisky Live a été très bon. On a gardé une édition limitée avec une étiquette spéciale 10ème anniversaire. Nous sortons aussi une autre édition limitée que nous terminons d’embouteiller, sur le domaine Lous Pibous de 2002, mais depuis quelques années en marie-jeanne pour garder la puissance et la typologie de ce 2002 gourmand. Dans la foulée, nous avons renouvelé tous nos packagings, toutes nos étiquettes, nos étuis. Nous gardons la couleur orange, bien sûr, le lion de la Gascogne, la rapière de d’Artagnan. C’est une étiquette de geek.

Quels projets pour 2022 ?

Plein de projets. On va ouvrir notre maison d’hôte à la fin de printemps, accolée à notre chais. Nous voulons développer le spiritourisme, pour les initiés, mais aussi les non-initiés parce qu’on a besoin de se montrer et de faire connaître cette région, qui a un capital sympathie, le Gers. On va continuer à planter de la vigne en folle blanche au printemps, continuer des élevages innovants, avec des finishs en préparation encore secrets. On espère en 2022 pouvoir aller à la rencontre des clients et que les choses se calment. Il y a quand même une grande frustration, née de la crise sanitaire à faire les choses à distance. On veut avoir à nouveau l’avis des clients en direct.

Il y aura aussi une première vendange à l’automne avec des cépages bacot et folle blanche, une petite production mais de qualité. La vigne est un peu loin mais c’est un très beau terroir. On espère que ce premier millésime tiendra ses promesses.

Que peut-on souhaiter à l’Encantada pour les dix prochaines années ?

Je ne sais pas. Le succès bien sûr, mais aussi la bonne humeur, continuer à proposer des armagnacs sympas, arriver à déguster et à maintenir notre engagement sur la qualité. On essaye que les dix prochaines seront aussi belles que les dix premières. Quand nous sommes allés aux premiers Whisky Live, nous ne connaissions pas grand monde… Aujourd’hui, les amateurs viennent nous voir. Voilà une belle récompense !

 

François de Guillebon

 

 

 

 

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