Skip to main content

Après un travail remarqué sur les esters, Camus explore encore le champ des possibles avec Carribean Expedition, un cognac affiné un an à la Barbade après un long voyage en voilier. Entretien avec le président d’une maison en mouvement.

 

Pourriez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?
Dans notre démarche que nous appelons la “science de la tradition”, nous cherchons constamment dans le passé des techniques abandonnées que nous reproduisons et étudions. Le but est d’amplifier l’intensité aromatique dans nos cognacs. Au XVIII et XIXe siècle, le cognac était transporté par bateau à travers les océans et parfois les fûts reposaient dans des entrepôts subissant une nouvelle maturation dans des conditions environnementales très différentes. L’idée est donc venue d’utiliser un grand voilier traditionnel pour charger des fûts de cognac et les embarquer vers une île tropicale.

Pourquoi avec choisi de travailler avec Richard Seale à la Barbade ?
Comme Camus, Foursquare est une société familiale dirigée depuis des générations par la famille Seale. Richard, l’arrière-petit-fils du fondateur, est une pointure en matière de distillation et de vieillissement, donc la meilleure personne pour héberger nos fûts et nous conseiller dans cette expérience inédite.

En termes de rendu final, qu’est-ce que le voyage en voilier et l’affinage tropical apportent à ce cognac ?
La maturation océanique a renforcé certaines réactions très spécifiques qui se seraient produites à un rythme beaucoup plus lent dans les conditions météorologiques du continent. Par exemple, le tangage du cognac à l’intérieur du tonneau amplifie le contact le liquide et le bois. La chaleur accélère également de nombreuses réactions chimiques qui font partie du processus de maturation. Au fur et à mesure que le navire traversait différentes zones climatiques, certains des processus cruciaux de maturation se sont produits plus tôt.

Pour la partie de maturation tropicale, nous avons conservé deux fûts du même cognac pendant la même période et ensuite comparé les deux liquides à l’aide d’un chromatographe. Les résultats de l’analyse montrent une contribution significative des tanins du bois, qui donnent une plus grande structure et complexité par rapport à une maturation égale en climat continental. Les composants aromatiques représentés par les esters ont également subi une augmentation beaucoup plus importante par rapport au liquide affiné en Europe, les notes fruitées et épicées ayant un impact plus important en bouche.

Comment vous accommodez-vous du cahier des charges très rigoureux de l’appellation cognac pour aller toujours plus loin dans l’innovation ?
Nous continuons bien entendu à produire de l’innovation tout en respectant la réglementation. Il nous manque cependant encore aujourd’hui un espace pour expérimenter au-delà des cahiers des charges et obtenir le feedback des consommateurs.

Votre gamme s’oriente vers des profils très aromatiques, quels sont les processus de distillation qu’il a fallu changer pour aboutir à un tel résultat ?
C’est un travail qui a duré environ quinze ans avec des optimisations à tous les niveaux de production : une augmentation des distillats des Borderies dans nos assemblages, pour intensifier les arômes floraux, des distillations sur lies et l’élevage en fûts à grain fin et légèrement grillées pour équilibrer les arômes boisés. Le consommateur ne se rend pas toujours du compte du travail et du temps nécessaires à l’élaboration de ces produits qui brisent les codes.

L’innovation ne serait-elle pas également un travail de patience ?
Effectivement, de tels résultats ne peuvent être obtenus en seulement quelques semaines ou mois, mais nécessitent souvent plusieurs années avec un investissement économique et en travail à long terme, parfois de génération en génération.

On imagine que vous travaillez déjà à d’autres produits innovants, pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets futurs ?
L’innovation est au cœur de notre processus, il n’y a donc aucun doute qu’il y aura d’autres produits issus de cette démarche de “science de la tradition”. Dans un autre domaine, en ce moment nous travaillons beaucoup sur le concept de valorisation de l’expérience client, pour développer des produits qui enrichissent le parcours du client entre on line et off line.

 

Par Jonas Vallat

 

 

Laisser un commentaire

Inscrivez-vous à notre newsletter