Le Canada et le Danemark viennent de signer l’armistice mettant fin à une « guerre » qui s’éternisait depuis près d’un siècle. Vous n’en aviez jamais entendu parler (et moi non plus). Mais Stauning, la plus importante distillerie de whisky danoise, avait cherché un moyen créatif de mettre fin au conflit. Voici donc la chronique postée en février 2022 sur WhiskyMag, mise à jour à l’aune des derniers développements.
Depuis 1930, le Canada et le Danemark se disputent la propriété d’un confetti rocheux inhabité de l’océan Arctique, l’île Hans, dans l’indifférence quasi générale. La situation s’envenime en 1984, quand la marine canadienne accoste pour planter témérairement le drapeau national ainsi qu’une pancarte indiquant “Bienvenue au Canada” accompagnée… d’une bouteille de whisky. Du Canadian Club, une provocation inacceptable.
Dès lors, c’est l’escalade : un ministre danois fait le déplacement avec son propre fanion et son écriteau “Welcome to the Danish Island” (in english), déposant à son tour une quille. De schnapps. Grave erreur tactique, dissuasion faiblichonne ! Mais comprenez bien qu’à l’époque le royaume ne produit pas encore de whisky pour riposter comme il se doit. La guerre s’enlise pourtant sous le nom de Whisky War, menée à coups d’échanges de bannières et de gnôle. Le carnage ne pouvait plus durer.
Stauning, pionnier du whisky danois (2005) et plus important producteur du royaume – qui produit, entre autres, un fantastique rye –, s’est donc mis en tête de jouer les casques bleus en posant un ultimatum menaçant. Si les belligérants ne trouvent pas rapidement un accord, la distillerie cessera la production le 21 mai, jour du World Whisky Day.
“L’ambassade du Canada nous a appelés en saluant l’initiative, se réjouit Alex Munch, le PDG de Stauning, joint au téléphone. Les officiels veulent rencontrer le gouvernement danois dès cette semaine. En outre, plusieurs distilleries canadiennes, dont une importante, nous ont contactés afin de rejoindre le mouvement.”
Pour résoudre ce conflit international, Stauning a sorti les missiles nucléaires longue portée : un hashtag (#WhiskyPeace) et un site internet (whiskypeace.com). Boom ! “Quand on a annoncé cette procédure, tout le monde se foutait de nous”, reconnaît Alex Munch. Les gens sont d’un cynisme. “On nous disait : mais c’est une guerre pacifique, pourquoi vous en mêler ?” Pour faire parler de la distillerie, peut-être, voire booster les ventes (les journalistes sont d’un cynisme… On dirait les gens).
“Mais Stauning n’a pas besoin de cela ! C’est une petite distillerie, on ne parvient même pas à satisfaire la demande, ni au Danemark ni à l’export. Non, simplement on trouve que l’alcool, les spiritueux, sont déjà associés à énormément de choses négatives, et de plus en plus : problèmes de santé, accidents, violences, notamment familiales… On n’a pas besoin d’associer le whisky à un truc plus négatif encore : la guerre.” Fût-elle oxymorique et pacifique.
Renoncer à une journée de production (ah oui, une chose : finalement, l’ultimatum ne durera que 24 heures) aura des conséquences sur le stock, sur les finances de la distillerie, insiste Alex : “On ne fait pas cela pour le fun. C’est la première – et la dernière fois, promis – qu’on interfère dans une affaire de politique internationale, en escomptant une résolution à un conflit qui traîne depuis 92 ans. On espère que les producteurs et les amateurs de whisky nous aideront à faire pression.”
N’empêche. Quatre mois après ce coup d’éclat malté, le Canada et le Danemark annonçaient avoir enfin trouvé une solution (lire ici) : ils se partageront désormais la propriété du caillou. On devrait intégrer plus souvent le whisky dans la diplomatie, si vous voulez mon avis.
© Photo marine danoise : Per Starklint / Wikicommons, 2003.
© Photo île Hans : Touble tap / Wikicommons
Par Christine Lambert
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