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Le grand retour de l’irish whiskey, c’est le constat que fait depuis quelque temps Whisky Magazine & Fine Spirits et que confirment les faits. Pour Gavin Smith, c’est une certitude, irish whiskey is back !

Le single pot still

Le blend Jameson est incontestablement le plus vendu des whiskeys irlandais, mais les single pot still whiskeys n’en continuent pas moins de faire la une de la presse, affichant une saine croissance qui a eu pour origine une initiative prise en 2011 par Irish Distillers, dont le propriétaire n’est autre que Pernod Ricard. Il y a peu, seuls Redbreast et Green Spot représentaient sur le marché les Irish pot still whiskeys, mais aujourd’hui, c’est toute une famille d’expressions Redbreast qui nous est proposée, de même que différents affinages en fûts de Green Spot, Yellow Spot, Power’s John’s Lane et Midleton Barry Crockett. Dernier-né de la gamme, Red Spot a vieilli 15 ans dans différents types de fûts avinés au bourbon, xérès oloroso et marsala. La production du whiskey Red Spot d’origine avait été interrompue dans les années 1960. Les références aux couleurs qui constituent le nom des expressions rappellent que les fûts en cours de maturation étaient à l’époque marqués d’un point de peinture de couleur indiquant l’âge de leur contenu. Le bleu est la dernière couleur non encore réactivée : pourra-t-on escompter dans un proche avenir la réédition d’un Blue Spot qui compléterait ainsi la gamme ? Deux cuvées d’expressions Method & Madness peu orthodoxes produites par Irish Distillers attestent de l’audace dont peut faire preuve un single pot still de caractère expérimental. Il faut s’attendre à la commercialisation d’autres flacons de veine comparable, et pas uniquement signés par Irish Distillers. Le lancement en octobre dernier de 6 000 bouteilles du tout premier single pot still produit à Dublin par la distillerie Teeling a en effet suscité un intérêt considérable.

 

La renaissance de Dublin

Avant l’inauguration en 2015 de la distillerie Teeling dans le quartier historique des Liberties, le dernier whiskey distillé dans la capitale irlandaise avait été produit en 1986 par la distillerie Powers John’s Lane. Quelques mois auparavant, le démarrage de la production d’un nouveau complexe de distilleries intégrées, aménagé par Irish Distillers à Midleton, dans le comté de Cork, avait mis fin à la prééminence de Dublin, l’un des grands centres mondiaux de la distillation jusqu’à cette date. L’implantation de la nouvelle distillerie Teeling dans les Liberties a marqué le retour attendu de Dublin dans l’univers de la distillation ; une renaissance confirmée en 2017 par l’inauguration de la distillerie Pearse Lyons aménagée dans l’ancienne église St James, tandis que la distillerie The Liberties, distante d’une rue de Teeling, devrait entrer en production dans un proche avenir. Par ailleurs, on suivra attentivement l’achèvement de la nouvelle distillerie Roe & Co que construit Diageo à St James’s Gate, dans l’ancienne centrale électrique de son complexe de brasserie Guinness.

Distillerie distillée

On a pu critiquer la florissante industrie du whiskey irlandais en raison du fait qu’une bonne part des eaux-de-vie qu’elle commercialise sont produites par deux ou trois sources tenues secrètes et souvent conditionnées pour laisser croire qu’elles sont issues d’une nouvelle distillerie. Le consommateur se sent à juste titre grugé quand il découvre qu’il s’est laissé séduire par une nouvelle marque X, qui n’est en réalité rien d’autre qu’un whiskey Cooley sans compte d’âge, et non la toute dernière production d’une distillerie artisanale logée au fin fond d’un comté Y. Ce genre de pratiques sape la crédibilité et l’intégrité du genre. Fort heureusement, avec l’apparition de distilleries véritablement nouvelles, nous devrions voir davantage d’embouteillages réellement distillés au fin fond du comté Y.

Le tourisme du whisky

En 2013, on comptait en tout et pour tout quatre distilleries de whiskey irlandais en activité et cinq centres d’accueil des visiteurs. Depuis, 16 distilleries ont été inaugurées et 15 autres ont obtenu un permis de construire, sans parler de celles, bien plus nombreuses, qui sont aujourd’hui en projet. Plus d’un milliard d’euros sont investis dans la distillation pour la période 2010-2025. Une effervescence qui est à l’origine de nouvelles occasions de développement du tourisme du whisky : outre les distilleries ouvertes au public, Dublin peut s’enorgueillir de l’Irish Whiskey Museum, dans Grafton Street, et du site touristique de Jameson Distillery Bow St, à Smithfield, dont le réaménagement l’année dernière a coûté 11 millions d’euros. Selon le rapport publié par l’Irish Whiskey Tourism Strategy 2017, l’année 2015 a enregistré 653 277 visiteurs de whiskey ; l’objectif est d’atteindre 1,9 million de visiteurs en 2025, qui dépenseraient 1,3 milliard d’euros au total. La création d’une route du whiskey irlandais est en projet, de même que la constitution d’un réseau d’hôtels, bars et restaurants ambassadeurs de l’Irish whiskey.

 

Old Midleton Distillery.
Image: John Sheehan
John Sheehan Photography,
Adelaide House,
Adelaide Street,
Cork,
Ireland. Phone 00 353 21 4274777

Des acteurs mondiaux

Jusqu’à la fondation de la distillerie indépendante Cooley dans le comté de Louth en 1987, Irish Distillers détenait un monopole de production de whiskey en Irlande. L’année suivante, l’acquisition de la firme par Pernod Ricard marque le début d’une vague d’investissements réalisés par plusieurs opérateurs mondiaux dans l’industrie du whiskey irlandais. Diageo, le principal concurrent du groupe français, rachète à ce dernier en 2005 la distillerie Bushmills, pour la revendre à peine neuf ans plus tard au producteur de tequila Casa Cuervo, abandonnant ce faisant de manière spectaculaire la scène du whiskey irlandais. En 2010, William Grant & Sons Ltd devient propriétaire de la marque Tullamore Dew et construit une nouvelle distillerie à Tullamore, comté d’Offaly. L’année suivante, Cooley se fait avaler par la société américaine Beam Inc, aujourd’hui Beam Suntory ; la distillerie Slane récemment achevée dans le comté de Meath appartient à The Brown-Forman Corporation, plus connue pour sa marque Jack Daniels. Diageo a réintégré l’industrie du whiskey irlandais en 2017 avec son nouveau blend Roe & Co. À l’instar de l’Écosse, la kyrielle de distilleries indépendantes apparues ces dernières années a apporté de la diversité et nombre d’innovations, mais la majeure partie de l’activité étant contrôlée par des multinationales, il faut s’attendre à les voir faire main basse sur les plus belles pépites indépendantes dans un proche avenir.

 

Par Gavin D Smith

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