Jura Two-One-Two, soit 212, si l’on préfère, rend hommage aux habitants de cette île très particulière de l’archipel écossais des Hébrides intérieures. On trouvera davantage d’informations concernant l’île et sa distillerie sous la rubrique “Faits et chiffres” publiée dans ces pages.
Jura est une île certes merveilleuse à visiter, mais où les conditions d’existence sont rudes. C’est pourquoi, il n’était que justice que la plus récente expression produite par sa distillerie distingue l’ensemble des insulaires y ayant élu domicile. Au dernier recensement, on en comptait très exactement 212, d’où le nom de ce whisky.
Il s’agit de la première édition d’une future série limitée annuelle. Mais de quel breuvage parlons-nous ? C’est un single malt âgé de 13 ans et titrant 47,5%. Il est élevé en ex-fûts de bourbon en chêne blanc d’Amérique de premier et second remplissages, puis affiné (la durée n’est pas précisée) sous bois de chêne chinkapin (ou chinquapin) provenant des monts Ozark, dans le Missouri.
C’est ici que l’histoire devient intéressante, car le chinkapin n’est pas d’usage courant en Écosse. Selon Gregg Glass, de la maison Whyte & Mackay, c’est «une essence que l’on voit rarement… mais son influence sur l’eau-de-vie légère et claire de Jura mérite d’être expérimentée». Ce n’est cependant pas la première fois qu’il est utilisé ; on connaît quelques précédents.
La nouvelle distillerie Raasay met à l’épreuve ce bois peu commun et une expression Glenmorangie 2005, de la série Rare Limited Edition, est l’unique exemple ayant été commercialisé. Mais avec moins de trois cents bouteilles mises sur le marché, et dans l’hypothèse où l’on en dénicherait une qui soit à vendre, il faut s’attendre à débourser 1000 euros, au minimum.
Il convient donc de féliciter Jura pour avoir opté pour quelque chose de différent et d’intéressant. Avant de vous faire part de mon avis sur ce whisky, je dois préciser que, depuis quelque temps, cette distillerie a grandi dans mon estime, les investissements consentis par ses plus récents propriétaires ayant commencé à porter leurs fruits. Jura avait été précédemment privée d’un financement nécessaire qui lui aurait permis d’être réellement compétitive, et cela se voyait.
L’élégant nouveau packaging signale que la situation s’est améliorée. Je ne doute pas qu’elle continuera à évoluer dans le bon sens, en témoignent les intelligentes et créatives campagnes marketing qui viennent soutenir la production en cours.
Commercialisé au prix de détail avoisinant la centaine d’euros, ce n’est pas à proprement parler un whisky bon marché, mais il devrait être à mon avis plus largement apprécié hors du cercle habituel des amateurs de Jura, car son affinage singulier n’a rien d’un gadget et mérite la plus grande attention.
C’est un Jura, à n’en pas douter, mais ponctué de fascinantes notes inédites, notamment au nez avec cette attaque de zeste de citron et d’épices qui introduit une bouche suave, de compotée de fruits, vanille et noix. Le tout me rappelle un dessert de mon enfance, un crumble de poire aux amandes nappé de crème anglaise, aussi réconfortant que chaleureux.
Un bémol, cependant : la présence sur l’étiquette de la mention redoutée Mit farbstoff (Zuckerkulör) qui signale le recours au colorant caramel. On n’en comprend guère l’utilité : tout acquéreur de ce whisky acceptera volontiers, voire préférera sa couleur naturelle.
Mais n’ergotons pas ! Les 212 insulaires habitant Jura se féliciteront d’être ainsi honorés et je parie que les 6 000 flacons de cette édition limitée seront vite épuisés. Ce nombre est, curieusement, celui de la population de cerfs élaphes vivant dans l’île. On peut se demander si quelqu’un leur a demandé leur avis.
Par Ian Buxton
Nez : doux avec des notes de fruits, nectarine et citron.
Bouche : pâtissière avec des notes de caramel, cake aux fruits, poire et pistache rôtie.
Finale : longue et satisfaisante.
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