
C'est bien connu, le monde des spiritueux aimante les mythes et les légendes. Quelles soient celtiques, vikings, galloises ou bretonnes, magiciens, fées ou dragons s'en donnent à cœur joie trustant les étiquettes et les coffrets de nos flacons préférés. Si la plupart du temps, ces mythes s'appuient sur un imaginaire millénaire, la plupart du temps marketé, quelques distilleries ont décroché le statut de mythe ces dernières décennies et l'engouement des geeks dépasse largement l'excuse mercantile. C'est le cas d'Hanyu, distillerie nipponne aujourd'hui disparue. L'aura des 58 flacons de la série des Cards (cartes à jouer) suscitent une convoitise prisé par les collectionneurs du monde entier. Un ouvrage récemment paru en France : "Whisky - The Final Edition", revient sur ce mythe et parcourt les notes de dégustations des 58 flacons. Pour Whiskymag.fr, son auteur Ulf Buxrud s'est prêté, quelques minutes, au jeu des questions réponses.
Un macaron sur la couverture de "Whisky - The Final Edition", précise qu'en 2020 une série des Hanyu s'est vendu aux enchères à Hong-Kong à 1,5 Million de Dollars. Un compteur qui en l'espace de quelques années, s'est littéralement affolé autour de cette série d'embouteillages entré au panthéon des Collectors. "C'est LA collection ultime, de par la qualité et la rareté des whiskies bien évidemment, ainsi que la réputation de Ichiro Akuto et de sa propre distillerie Chichibu,..., Mais, Ce qui la rend irrésistible pour les collectionneurs, c'est justement cette quête de la série complète !" estime Didier Ghorbanzadeh le Responsable de la Communication de LMDW.
L'histoire de cette série est intimement liée à celui d'un homme: Ichiro Akuto. Pour comprendre le mythe, il faut revenir aux origines. La famille Akuto produit du saké depuis 1626. En 1941 dans le village d'Hanyu (un village de la province de Saitama, non loin de Tokyo), le grand-père d'Ichiro, Isouji, se lance une première fois dans la distillation de whisky. Les essais ne sont pas concluants et selon Stefan Van Eycken, le journaliste historien spécialiste du whisky japonais, "la production de la distillerie Hanyu est voué à devenir ingrédient de pâtisserie."
Vestige de la distillerie Hanyu
Au début des années 1980, Isouji relance sa distillerie. Il rachète 2 modestes alambics de 4000 et 2000 litres. Hanyu fume pendant un peu plus de 10 ans avant que le contexte économique (les accords monétaires du Plaza en 1985 défavorisent la production de whisky au Japon), forcent Akuto à éteindre ses alambics. Le feu sera rallumé quelques années au début des années 2000 mais trop tard, "leur destin était scellé,..., le père d’Ichiro est contraint de vendre" souligne Van Eycken.
Ichiro Hakuto
Le nouveau propriétaire ne s'intéresse pas au whisky, Ichiro Akuto, le petit fils, aujourd'hui à la tête de la distillerie Chichibu, rachète le stock et se donne pour mission de le vendre un peu partout au Japon. Nous sommes au début des années 2000 et comme Van Eycken précise quà l'époque "il doit batailler ferme contre un préjugé : le « whisky nippon » ne sera jamais un breuvage de qualité", le monde d'avant, comme dirait l'autre. Le mythe prend forme lorsque Akuto lance l'idée d'embouteiller ses flacons à l'image d'un jeu de carte, la série des Cards est née, une légende avec.
Pour parler de ce mythe, Ulf Buxrud n'a pas son pareil et son imposant ouvrage en atteste. Suédois d'origine iranienne, il est l'une des figures européennes du malt. Amateur éclairé intronisé Keeper of the Quaich en 1995, il est l'auteur de plusieurs ouvrages remarqués "Rare Malts" en 2007 (consacré aux embouteillages d'une autre gamme mythique écossaise) , "Japanese Whisky" en 2009. Il est par ailleurs 'lun des rare propriétaire de la globalité d'une série.
Je lui ai demandé de revenir pour nous sur ce qui est vraiment l'ADN d'Hanyu, et comment les 54 flacons ont-ils pu atteindre une somme, qu' Ichiro Akutu qualifiait déjà en 2015 de "démentiel" (Cf l'ouvrage Whisky Japonnais de Brian Aschcraft)
Whiskymag.fr : Quand as-tu entendu parler la première fois de la série des Cards ?
Ulf Buxrud : En 2005, lors de mon premier voyage au Japon, Ichiro Akuto a sorti les quatre premières versions tests. Ca m'a passionné ! À cette époque, Chichibu n'était qu'un terrain vague. J'ai acheté les flacons et je les ai ramenés en Suède.
W.fr : Tu t'es lancé quand dans la collection entière de la série ?
U.B. : Tu sais je connais depuis un moment Ichiro, et quand il a décidé en 2006, de réaliser son plan d'embouteiller les 54 versions chacune avec une carte comme étiquette, j'ai décidé de suivre le développement de la série jusqu'à ce que le dernier fût soit embouteillé en 2014.
W.fr : Tu t'attendais à un tel enthousiasme ?
U.B. : Tu sais j'étais un des premiers membre Malt Whisky Maniacs et d'autres cercles de geeks du whisky sur le Web depuis le début des années 90. Nous parlions tous le même langage et à l'époque déja Hanyu suscitait l'engouement des geeks. On a donc suivi de près la montée des enchères et le mythe de la Players Cards. Je crois que nous avons tous ressenti la même curiosité, la volonté d'innover et d'explorer de nouveaux horizons. Le whisky japonais représentait un vrai eldorado pour nous.
W.fr: Pour The Final Edition, qu'est ce qui t'as poussé à le rédiger ?
U.B. : Je vieillis et j'ai décidé qu'il était temps d'encapsuler les informations et les connaissances accumulées, pour que d'autres explorent et approfondissent.
W.fr: Qu'est ce qu'un amateur y trouvera ?
U.B. : Tout d'abord, mes notes de dégustation. Je crois que je suis l'un des rares à les avoir tous goûtés...
L'ouvrage est disponible en ligne sur whisky.fr
Par Nicolas LE BRUN
Commentaire
Aucun commentaire