Pour ce nouvel épisode de Velier Explorer, nous faisons une escapade en Normandie au cœur du Pays d'Auge à Pont-l'Evêque précisément. Balade dans les vergers de la distillerie Drouin, au coeur d'un écosystème dynamique, symbole du terroir normand et acteur responsable face au réchauffement climatique.
par Christian Drouin
Les vergers de pommiers et poiriers normands sont renommés pour donner des cidres exceptionnels et, en particulier, la plus célèbre des eaux-de-vie de cidre, le calvados. Toute personne voyageant pour la première fois de sa vie en Normandie, s'attendra à voir des paysages merveilleux, des pommiers, des poiriers, de paisibles pâturages de vaches normandes, célébrés par des écrivains, peintres et revues.
Combien de fois, des visiteurs descendus du train à la gare de Pont-l'Évêque m’ont dit, avec stupeur, ne pas avoir vu durant leur voyage les iconiques vergers normands ! Ces anciens vergers ont été remplacés, avec le temps, par des champs de blé ou des vergers basse-tige, conçus pour une production intensive.
Les vergers de pommiers et poiriers favorisent la biodiversité tout en limitant les effets du réchauffement climatique. La question de la biodiversité est aujourd’hui source d'inquiétude et de préoccupations. Les pommiers et les poiriers haute tige sont des fructifères extrêmement résistants aux maladies et, n’ayant pas besoin de traitements chimiques, ils contribuent à préserver la biodiversité. Les vergers traditionnels sont de véritables écosystèmes.
Le sol est vivant, aéré par des microorganismes et des vers qui transforment les substances ingérées en engrais de qualité. Les abeilles favorisent la pollinisation : il faudrait idéalement deux ruches par hectare de terre.
Les mésanges et les moineaux protègent les fruits en mangeant un grand nombre d’insectes. Les haies les abritent et l'installation de nichoirs permet leur reproduction.
Les vaches broutent pendant que leurs déjections fertilisent le sol.
"En calculant l’impact environnemental de notre Calvados, nous avons récemment découvert que chaque bouteille produite élimine 2,9 kg de CO2 de l’atmosphère ! Le Calvados pourrait devenir le distillat le plus durable du monde."
Pour calculer l'impact environnemental, les équipes ont pris en compte, le gaz consommé pour la distillation, l'électricité, les quantités de cartons et de verre utilisés ainsi que le transport lié à notre activité. Tous les fruits proviennent de vergers situés à moins de 15 km de la distillerie, tandis que les bouteilles et les cartons sont produits dans un rayon de 200 km.
L’alambic est équipé d’un brûleur dernier cri pour limiter la consommation. L’utilisation d’un chauffe-cidre qui récupère une partie de la chaleur dégagée pendant la distillation contribue à réduire la consommation. Grâce aux vergers, exclusivement composés de pommiers haute-tige et des haies qui les entourent, la production du Calvados absorbe presque le triple du CO2 qu'elle émet. En valorisant un savoir-faire fondé sur le bon sens et des méthodes naturelles, le Calvados est réellement l’un des spiritueux les plus vertueux au monde.
Un verger de pommes à cidre absorbe 5,3 t de CO2/ha, soit presque la même quantité qu’une forêt, tandis qu’un champ de céréales à whisky absorbe 2 t/ha, un champ de canne à sucre 1,8 t/ha et une vigne à peu près 1t/ha ! Rien n’empêche aux producteurs de Calvados qui cultivent des vergers à hautes tiges de réduire davantage leur impact environnemental. À notre connaissance, aucun autre spiritueux ne contribue autant que le calvados à la lutte contre le réchauffement climatique. L’impact environnemental n’est pas neutre, il est largement positif.
Les variétés de fruits, le terroir, le climat et l’histoire justifient l’aspect du verger normand moderne
Il existe de nombreux distillats à base de pommes, mais aucun distillat de cidre n’est plus célèbre que le Calvados produit en Normandie, région qui couvre près de 60% de la production française de pommes à cidre. Mais son panorama a subi des changements considérables au cours des 50 dernières années.
Variété de pommes et poires
Le Calvados est différent des autres distillats de pommes fermentées car sa fabrication prévoit l’emploi du jus fermenté. Il se différencie aussi des distillats de pommes à base de fruits de table. Ce qui rend le Calvados unique est l’emploi de variétés spécifiques de pommes et de poires : ce sont des fruits exclusivement destinés à la production du cidre. Ils n'ont pas les mêmes caractéristiques que les fruits de table qui, eux, ne sont pas autorisés car trop riches en tanins (polyphénols).
Il existe de nombreuses variétés de pommes, qui peuvent être classées en macro-catégories : amères, douces-amères, douces, aigres, acidulées, primeurs, de mi-saison, tardives...
Les pommes amères sont riches en tanins et donnent du corps. Les pommes douces-amères contiennent elles aussi beaucoup de tanins, mais elles sont aussi plus sucrées. Les pommes acidulées, peu tanniques, donnent un goût plus fruité, mais aussi un caractère plus marqué aux distillats. Les pommes douces contiennent plus de sucres, moins de tannins et d’acidité, mais elles augmentent la teneur en alcool du cidre.
Le Calvados peut également être obtenu à partir de poires Perry, qui ont tendance à être plus acides par rapport aux pommes.
Au XIX siècle, plus de 2000 variétés de pommes à cidre ont été identifiée. Selon certaines études datant de la seconde moitié du XIX siècle, il y avait dans les vergers beaucoup de variétés imparfaites, qu'il convenait d’éliminer. Aujourd’hui, plusieurs centaines de variétés de pommes et de poires ont été recensées sur l’ensemble des vergers normands, soit une superficie de 7500 hectares.
Chaque appellation contrôlée, Calvados, Calvados Pays d’Auge, Calvados Domfrontais, prévoit un cahier des charges spécifique et une réglementation qui autorise certaines variétés de pommes et pas d'autres.
Pour le Calvados Pays d’Auge, le producteur peut choisir parmi 103 variétés de pommes et 30 variétés de poires, sélectionnées en fonction de leur teneur en polyphénols et d’autres caractéristiques agronomiques spécifiques.
La plupart des vergers compte entre 15 et 40 variétés différentes. Les vergers plantés après 1997 doivent avoir au maximum de 10% de fruits acides et au minimum 70% de fruits amers et doux-amers, riches en polyphénols.
En arboriculture, les gelées de printemps peuvent avoir des conséquences néfastes sur la floraison et la formation de fruits. Mais grâce au fait que les variétés de pommes ne fleurissent pas toutes à la même période de l’année, et que la floraison dure 6 semaines, il est très rare qu’un verger entier puisse être endommagé par le gel. L’association de pommiers primeurs, de mi-saison et tardifs permet, en plus, une répartition du travail.
À quelques exceptions près, comme dans le cas du britannique Somerset Cider Brandy et de l’asturien Aguardiente de Sidra, la plupart des eaux-de-vie de cidre sont obtenues à partir de pommes de table, ayant par conséquent moins de caractère et de complexité que le Calvados.
Le climat
Le climat tempéré et humide de la Normandie a favorisé, jusqu’à présent, la culture des pâturages, de pommiers et de poiriers. Toutefois, le réchauffement climatique pourrait compromettre l’avenir de ces productions.
Le terroir
Le sol joue, lui aussi, un rôle important dans la culture des pommiers et des poiriers, car il subvient aux besoins des racines, en retenant l’eau, les nutriments minéraux et permet de drainer. Les sols normands sont très variés et, de la même manière, les calvados changent en fonction de leur zone de production.
Le Pays d’Auge est situé sur un plateau calcaire. L’argile est répandue dans toute la région et les sols normands peuvent être argileux, argilo-siliceux, argilo-calcaires ou argilo-limoneux. Ce sont des conditions optimales pour les racines peu profondes des pommiers.
Le sol du Domfrontais combine des couches de granit, enfouies sous des couches d’argile et de schiste. Le système racinaire des poiriers évolue parfaitement dans ce type de sol. Les poiriers, en effet, y poussent plus facilement que les pommiers.
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