Avec 10.000 m2 sous la Grande Halle de la Villette et quelque 300 nouveautés présentées, ce millésime du plus beau salon de dégustation de spiritueux promet d’être grandiose. Je vous déblaie le terrain ?
Vous entrerez par la France et quadrillerez jusqu’à la tourbe, avant d’escalader en crabe vers le rhum et le VIP. Non, non, ce n’est pas un ordre, tout juste une indication préalable. L'espace French Spirits (alcools français, avec les sous-titres) ouvre le Whisky Live Paris 2022, c’est donc là que vous vous échaufferez, à peine aurez-vous attrapé un verre à pied. Et les scénographes ont bien entendu collé les single malts d’Islay au fond de la Grand Halle, pour vous obliger à traverser, sachant que vous étiez prêt à parcourir la distance à genoux s’il le fallait. Le rhum ? En mezzanine.
Quelque 10.000 m2 à écumer sous la Grande Halle cette année : 6.000 m2 pour le plateaux principal, 1.000 pour la Rhum Gallery et 3.000 à la louche pour la Cocktail Street font du WLP le plus grand salon de dégustation de whisky et spiritueux en Europe. Chaussez-vous confortablement, vous êtes assuré de faire les 10.000 pas quotidiens que l’OMS préconise vivement pour vous maintenir en bonne santé. Bon, en revanche, vous risquez de fusiller un chouille ses recommandations relatives à la consommation d’alcool. Mais regardez bien autour de vous : les crachoirs posés sur les stands ne sont pas des objets décoratifs. Les bouteilles d’eau non plus.
Le WLP offre deux plaisir : s’enquérir des têtes connues qu’on aime saluer d’une année sur l’autre, avec l’impression « d’en faire partie » ; et partir à la découverte des nouveaux noms. Moyennant quoi, on ratisse ainsi tout le salon. Parmi les ajouts au casting, citons d’abord les Français, venus en force, tant dans l’armagnac (Dartigalongue, Delord, Laubade, Janneau), le cognac (Pasquet, le retour d’Abécassis. Et le retour de Grosperrin – OK, ça date de l’an dernier, mais qui s’en est remis, hein ?) ou le whisky (TOS, Distillerie de la Seine, Hériose, Arlett, Vilanova, Lefort…).
Vous découvrirez également Rabbit Hole, le whiskey du Kentucky racheté par Pernod Ricard, Two Brewers, une jeune distillerie canadienne, du Yukon plus précisément, Scapegrace, la future plus importante distillerie néo-zélandaise. Ou encore une nouvelle maison de négoce, JG Thomson, créée en 2021 par les tauliers de la Scotch Malt Whisky Society… laquelle pose pour la première fois ses quilles au WLP (mais à l’espace VIP seulement).
A l’étage, la Rhum Gallery posée sur 3 mezzanines et 2 passerelles welcomera (je passe au québécois) entre autres HSE, Depaz, Montebello, Papa Rouyo, la nouvelle petite distillerie guadeloupéenne créée par un collectif de planteurs de cannes, Santiago de Cuba, Takamaka, le rhum des Seychelles, les Réunionnais Rivière du Mât et Isautier…
Sans même débourser le coût d’un billet VIP, le visiteur pourra déguster sur le plateau du WLP quelques raretés et comptes d’âge élevés. Et cette année, on trouve du lourd. Le nouveau Mortlach 20 ans, la cuvée Eddu Graal 21 ans (le plus vieux whisky français, lire ici), Glenrothes 31 ans chez Elixir Distillers, Dalmore 30, 40 et 45 ans, Redbreast 27 ans Port Pipe, la série 13 des Octomore, Chichibu Paris Edition 2022, les 2 Kilchoman French Inspiration, Loch Lomond 30 ans (rarement présenté), Glen Scotia 21 ans (qui a valu à la distillerie de Campbeltown le titre de distillerie de l’année en 2021) et 25 ans, BenRiach The Thirty, Bunna 30 ans, Glenfarclas 50 ans + quelques Family Casks de derrière les fagots, Bowmore 25 et 30 ans, Michter’s 20 ans, Weller Antique 107, Neisson Nonaginta, Grosperrin Fins Bois 1980 ou Grande Champagne N.72…
Un amical conseil si vous espérez poser les lèvres sur les flacons rares : ne vous pointez pas en meute au stand. Quand un producteur (surtout dans les petites distillerie) voit arriver une bande de 4 ou 5 personnes, il sait que s’il dit oui à l’un il devra servir tout le monde et sacrifier une bonne partie de sa quille. Trouvez un moment de calme, venez seul. Et ne réclamez pas directement le 50 ans sans avoir goûté d’autres références pour échanger avec celles et ceux qui vous présentent leurs produits. Parce que 1) c’est pas poli, 2) c’est même grossier, 3) on vous répondra qu’il n’y en a plus, ou que, non, désolé, on n’a pas apporté ce compte d’âge, Christine a encore écrit n’importe quoi.
Pour vous distraire entre les dégustations, amusez-vous à compter le nombre de finishes proposés. De tête, sinon c’est pas drôle. Vertige assuré. Un autre jeu rigolo ? Entamez un débat sur le « terroir » dans le whisky au stand Waterford – Mark Reynier parle bien français et il adore s’empailler. Vous pouvez réitérer au Domaine des Hautes-Glaces, puis chez Rozelieures, qui présente 2 nouveaux parcellaires, voire chez les producteurs de whisky cognaçais, qui aiment bien le mot eux aussi.
Sinon, repérez les affinages ou maturations en fûts de Caroni. Je vous jure, le marketing de la douelle imbibée de Trinidad se décline sur moult étiquettes : sur le calvados Drouin Caroni Angels 17 ans, le rhum Vieux Sajous 5 ans 2017, l’Ardmore 13 ans 2008 Antipodes de Berry Bros, l’amaretto Adriatico Caroni Cask Aged… De vous à moi, celui qui en déniche le plus offre un verre à l’autre sur la Cocktail Street. Mais j’exige des preuves photo.
Y a aussi le rhum. Et, cela vous sautera aux yeux, le spiritueux de canne a gagné des mètres carrés à foison sous la Grande Halle de la Villette, preuve de sa remarquable santé. Au point que certains producteurs choisissent désormais ce terrain de jeu pour dévoiler leurs nouveautés : la cuvée anniversaire des 90 ans de Neisson, Nonaginta, le 2e lot (#7) des Ephémères de Saint James, la plus grande collection de Demerara jamais révélée (feat. Velier), les Isautier blancs Agent Double, le Hampden The Younger LROK 2018, la nouvelle salve de clairins et le Papalin Haïti, les premiers jus vieillis de Renegade (la distillerie de la Grenade), l’Opéra de Longueteau, possiblement les Foursquare 2010 et Isonomy (avec Richard Seale on n’est jamais sûr de rien)…
Evidemment, si vous avez eu le réflexe d’agrafer un Pass VIP, bienvenue dans les jardins d’Eden : les Clarendon de Whisky Sponge, le Long Pond STCE Antipodes 1995 de Plantation, le Vieux Straight From the Barrel de Neisson, la salve de Hampden 12 ans de LM&V… Allez, venez, redescendez sur Terre, allons faire un tour à la Cocktail Street, y aura des daiquiris.
C’est ici que vous viendrez vous sustenter auprès des food trucks, vous aérer le ciboulot et vous mettre en jachère les papilles entre deux parcours de dégustation : la Cocktail Street, ouverte en accès libre, même sans détenir un billet d’entrée pour le WLP.
Prévoyez les pilules d’iode, on approche du stand radioactif. Velier a imaginé All Possible Daiquiris, une halte où se fondre les neurones avec des drinks nucléaires – Hampden Daiquiri ? Respirez par le ventre avant de tirer sur la paille. Si vous n’entendez plus rien dès la première gorgée, blâmez les caissons de basse qui vous torpillent les tympans : sur la Cocktail Street, you take a walk on the wild side. Faites une pause chez Tanqueray le temps d’un Gin To, allez découvrir le bitters Cocoa au bar Angostura Bitters. Commandez un drink au BenFiddich x Nikka, association entre l’un des hauts lieux de la scène mixo tokyoïte et le géant nippon.
Pour se rincer la glotte, 4 becs à bières artisanales proposent des petites mousses céréalières. Essayez la Moorburn de La Débauche, à base de malt 100% Islay de Kilchoman. Repérez le stand Seedlip : c’est celui qui ne sert pas d’alcool. I know…
Pour se reposer les pattes arrière, puis-je vous suggérer une demi-heure éducative dans l’une des nombreuses masterclasses animée par les professionnels de la profession (programme riche et complet à compulser ici). Pssst ! Je passe le micro sur l’une d’elles, entre deux monstres de la dégustation, Fun et Sponge (prénoms : Whisky), histoire d’alléger un peu le niveau – pas celui des verres, rassurez-vous. Si vous voyez de la lumière, poussez la porte, on va bien se marrer.
J’ai déjà eu l’occasion de vous l’écrire, je suis sans aucun doute la seule journaliste whisky qui pour rien au monde ne raterait une journée du Whisky Live Paris… sans jamais franchir (ou si peu) les portes de l’espace VIP. En général, je m’y autorise un petit saut le temps de saluer Jean-Marc, le plus précieux monument du WLP, et j’en profite pour m’enquérir des tendances liquides, des réactions des amateurs : dis-moi un peu, sur l’échelle de la grogne et du c’était-mieux-avant, où se place le curseur du whiskyphile français cette année ?
Invariablement Jean-Marc met la conversation sur pause pour me tendre un verre dans lequel il vient de verser un whisky dont il a aussitôt escamoté la quille sans me montrer l’étiquette. Invariablement, je me transforme en invertébrée amollie par le ravissement. Un état dangereux. Dont je m’échappe en retournant sur le « plateau », là où circulent les consommateurs qui dessinent le marché, là où on échange avec les producteurs. Si vous décidez de cirer le comptoir de la VIP Room du coude pendant tout le Live, laissez-vous guider par les MC, vous verrez, le voyage vous embarquera plus loin, en douceur.
Sur le plateau, justement, près de 300 nouveautés vous attendent. Et je ne sais point si vous mesurez à quel point c’est énorme – et à quel point ma légendaire paresse m’empêchera de vous en dresser la liste complète. C’est ici, et pas à Londres ou à Tokyo, que les producteurs du monde entier, que les distilleries les plus prestigieuses, lancent en avant-première leurs liquides de velours et de feu.
Ici que vous découvrirez les premiers tourbés de Waterford (que devient le terroir sous la fumée ? Une minute trente pour convaincre), l’Ultramarine de Compass Box, le 15 ans et le Yeun Elez pineau brut de flûte d’Armorik, les Miyagikyo et Yoichi Aromatic Yeast (avec des essais sur les levures), le whisky nippon Tancho (planqué parmi les sakés), le Glenmorangie A Tale of the Forest (avec une orge fumée sur des baies de genévrier, de l’écorce de bouleau et de la bruyère) , le GlenAllachie 8 ans, le Glenfarclas 8 ans aussi, les Jack Daniel’s Bonded et Triple Mash, Starward Ginger Beer Cask (whaaaat ?), Mars The Y.A., les premiers Nagahama… Soyez prévenu : vous ne pourrez pas tout faire. N’essayez même pas. Allez, on se voit ce week-end ?
Par Christine Lambert
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