Skip to main content

Deux ans après sa sortie au Japon, le single grain de Suntory arrive en France. Un assemblage de trois distillats et de cinq profils de whiskies qui redéfinit les contours de la mécanique du grain.

Aux yeux des amateurs de malt, c’est un peu l’incompris, l’alcool peu cher à produire, à base de blé ou de maïs la plupart du temps, distillé en colonne comme une banale vodka. Le whisky de grain, ce bouche-trou vaguement neutre qui donne du volume aux bouteilles de blends bon marché, voué à un destin anonyme et ingrat, n’étaient les quelques rares embouteillages indépendants qui font frétiller quelques experts pervers (rime riche). Mais qu’il nous arrive du Japon et voilà l’émotion à son comble parmi les foules, l’ébullition en mode vapeur dans le landernau des aficionados de whisky nippon. Avant même de frotter son culot sur les étagères des cavistes, The Chita crée donc l’événement, le buzz comme on dit quand on hésite sur les accents.

Trois distillats

Sorti il y a deux ans au Japon, c’est le premier single grain de Suntory à s’inviter sous nos latitudes. Il vient placer sur la mappemonde une distillerie inconnue, Chita, construite en 1972 dans les brumes bleues talquées de bord de mer, sur une péninsule pas très éloignée de Kyoto. Le cadre est idyllique ; la distillerie, elle, ressemble à une raffinerie pétrochimique, comme toutes ses sœurs dédiées à la production d’eau-de-vie de grain. Mais l’esthétique et l’harmonie se conquièrent sur l’éphémère, et dans la bouteille de préférence.

Chita produit uniquement du whisky de maïs, quand en Écosse le blé domine depuis le milieu des années 1980. Il est mélangé à une faible portion d’orge maltée, une orge à six rangs en l’occurrence, pauvre en amidon et riche en protéines, utilisée pour démarrer la fermentation. Et à partir de ces seuls ingrédients, Chita élabore trois distillats, comme nous l’explique par email le master blender Shinji Fukuyo : « Nous produisons un light distillé en quatre colonnes, un medium passé en trois colonnes et un heavy en double colonne. Chacun diffère en outre par son ratio de maïs et de malt et par sa fermentation. »

Cinq whiskies

Les whiskies produits à Chita remplissent essentiellement les blends Hibiki et Kakubin, piliers du groupe. Mais entre un single grain destiné à s’enrouler autour du malt dans l’assemblage et un autre qui doit faire carrière en solo, il y a un monde. The Chita ne se contente pas de marier des distillats ; il unit des whiskies. Cinq whiskies. “Clean”, le silent spirit, nerveux, alcooleux, sweet, joue le rôle du dashi, ce bouillon riche en umami qui forme la base de la cuisine japonaise. On le fera vieillir en fûts de bourbon et de xérès, pour couler les fondations, mais également pour une petite partie en tonneaux de vin taillés dans le chêne européen, d’où il sort suave et saturé de fruits, rouges surtout. “Medium”, passé en ex-bourbon, arrive en soutien. “Heavy”, enfin, apporte la structure, le supplément de caractère.

Suntory ne demandait qu’à explorer ce grain de folie, convaincu que les amateurs recherchent « autre chose », des whiskies épurés mais non dénués de personnalité, parfaits en highball et qui se marient à merveille avec la cuisine. Mais les distilleries de grain, qui ne s’équilibrent qu’en raison de leur gigantisme, ne sont pas équipées pour innover. Impossible de produire des small batches tests quand tout est calibré pour cracher de monstrueux volumes. C’est donc à Hakushu que se prépare le futur. « La taille de la distillerie de grain d’Hakushu représente 10 % de celle de Chita, reprend Shinji Fukuyo. Elle se prête donc mieux aux expérimentations : on peut y distiller d’autres céréales, comme le seigle et le blé, et baisser le degré de coulage à la sortie. » À ces fins, Hakushu s’est d’ailleurs discrètement dotée, il y a quelques années, de colonnes Coffey, qui permettent de produire des whiskies plus « riches » que les systèmes multi-colonnes. « Bien que nous n’ayons pas de projets plus précis, j’adorerais pouvoir explorer toutes les opportunités qu’offre le grain », se réjouit le master blender. To be continued, donc.

Par Christine Lambert

Laisser un commentaire

Inscrivez-vous à notre newsletter