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La Fédération française des spiritueux (FFS) pointait de vives tensions sur le marché dans sa conférence de presse, mardi, alors que les prix flambent, que l’inflation galope. Et que notre porte-monnaie encaisse un taux d’évaporation supérieur à la part des anges dans un chai des Caraïbes. En résumé : c’est chaud. Et ce n’est pas fini.

L’inflation galopante vient nous rappeler une réalité primaire : les spiritueux ne font pas partie des produits de première nécessité et, à l’heure des arbitrages pour remplir le panier, l’alcool trinque. Pour la seconde année consécutive, les ventes de spiritueux en grande distribution reculent : – 5,08% en volume (263 millions de litres vendus en 2022), -4,38% en valeur (5 milliards d’euros).

Certes, les cafés, hôtels et restaurants ont repris des couleurs depuis les débuts de l’épidémie de covid qui avait vidé les établissements. Mais cette embellie ne compense pas les pertes en grandes et moyennes surfaces, canaux qui en France drainent 90% des ventes d’alcool.

La Fédération française des Spiritueux s’en alarme, pointant « une dégradation rapide et préoccupante qui semble s’installer sur le long terme ». Car les premiers mois de l’année 2023 renforcent l’inquiétude, avec des producteurs français qui tirent la langue et des distributeurs roulés en boule devant la valse des étiquettes.

Qui va payer l’addition de la hausse des coûts ?

L’industrie accuse désormais la grande distribution (GD) de lui serrer le col jusqu’à l’étranglement. « Alors que les entreprises de la filière ont fait preuve de tempérance en limitant les demandes de hausses de leurs tarifs au plus fort de la crise de 2022, la séquence commerciale de ce début d’année a été calamiteuse pour notre secteur qui n’a effectivement pas pu répercuter 18 mois de hausses de coûts de production », constate le président de la FFS, Jean-Pierre Cointreau. Avant d’en appeler à l’intervention de Bercy pour faire entendre raison aux grandes enseignes de la GD.

Dans ce grand bonneteau des prix, chacun se repasse la patate bouillante. Les producteurs pointent les hausses des coûts faramineuses des matières premières et sèches (lire ici). Autant dire qu’ils sont quelques-uns à s’être étranglés avec le bouchon en voyant le CA du premier trimestre de Verallia, l’un des géants de la bouteille en verre, grimper de 40% au premier trimestre 2023 alors que les prix des bouteilles encaissaient +20%.

Un producteur taquin

« Mais si j’étais taquin, observe un producteur français qui ne se plaint pas, je dirais que les spiritueux vieillis qu’on vend en ce moment ont été produits AVANT la hausse des matières premières, de l’énergie, du verre, etc. »

Chez les cavistes, les prix s’envolent. « Sur le whisky écossais, on a pris +30 à +80%, s’émeut Thierry Bénitah, PDG de La Maison du Whisky. On n’a jamais vu ça sur autant de marques en même temps. Cependant avec l’inflation et le ralentissement mondial, le sujet est moins au cœur des discussions : tout le monde cherche à vendre, et tous les moyens sont bons y compris du price support. » Les marketplaces sœurs d’Amazon se frottent les mains.

« On a peur que les consommateurs décrochent, s’alarme un distributeur qui ne tient pas à s’afficher. D’autant que, ne nous leurrons pas : si la situation économique et internationale se détend, les prix ne baisseront pas derrière. »

Beaucoup continuent à miser sur la montée en gamme, sur ces consommateurs aux poches profondes qui ne sentent pas passer la hausse du lubrifiant social. « Nombre de marques cotées sont sous allocation, renchérit le même distributeur. Elles se vendent quel que soit le prix. »

« Les très vieux whiskies et les whiskies rares continuent de flamber, confirme Thierry Bénitah. D’autant que l’Asie redémarre. C’est en train de devenir un énorme business, très financier. Le whisky français continue à très bien marcher. Ceux qui risquent de souffrir, ce sont les whiskies du monde : trop de petites marques exotiques lointaines très chères et compliquées à importer. »

Le whisky français dans ce contexte ?

Sauf que. Le segment ultra-haut de gamme se circonscrit à une niche – très rentable et terriblement valorisée, certes, mais une niche tout de même. Hors d’atteinte de la plupart des consommateurs. Prenez le whisky : plus de 80% des ventes en France portent sur des blends de moins de 20€.

Cela n’a pas échappé à Alexandre Sirech, cofondateur des Bienheureux (Bellevoye, Lefort, Bercloux…), qui entend capter sa part du gâteau. « Le whisky français n’a pas les comptes d’âge pour aller chercher les niveaux de premium du scotch », analyse-t-il, en insistant sur la nécessité de ne pas miser sur les seuls cavistes et de déployer une stratégie prix bien pensée. « En grande distribution, Bercloux est un single malt vendu à 30€, Lefort, un blend à moins de 20€. Et chez les cavistes, Bellevoye, notre référence haut de gamme, commence à moins de 40€. Moyennant quoi, nous sommes sur 67% de croissance sur les premiers mois de 2023. On assiste à une accélération de la paupérisation de la classe moyenne : cela va peser. »

Les spiritueux, bientôt un luxe réservé au 1% ? Tenez, j’en ferai bien un papier.

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