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Scientifique de formation, le maître assembleur de la distillerie canadienne Hiram Walker, créateur du rye Lot 40, est à l’origine d’une “roue des arômes” novatrice.

– Traditionnellement dans le whisky canadien, chaque type de céréale (maïs, orge, seigle, blé) est cuit, fermenté, distillé et vieilli séparément. Les assemblages se font après maturation. Contrairement au bourbon américain, où les grains sont d’abord mélangés (le mash bill), puis travaillés ensemble.

– En tant que master blender, je ne me dis pas : ces arômes sont bons ou mauvais. Je mets en vieillissement toutes sortes de profils de whiskies, pour pouvoir composer des années plus tard des assemblages au plus près des goûts des amateurs. Aujourd’hui, ils aiment le goût du seigle. Mais dans quinze ans ?

– J’ai dessiné ma roue des arômes en une journée. L’offre existante, qui se contentait de décrire les arômes, ne me satisfaisait pas. Je pars du centre avec les trois sources uniques des odeurs et saveurs dans le whisky : le grain, les levures, les fûts. Puis, le deuxième anneau indique tout ce qu’on peut manipuler dans une distillerie pour créer et façonner les arômes : en jouant sur la température, le pH, l’oxygénation pendant la fermentation, par exemple. Le troisième anneau les décrit, et le quatrième s’adresse aux geeks branchés science, il donne le nom des composés chimiques responsables de ces arômes. C’est une photographie du fonctionnement du whisky. On connaît l’origine des arômes, et en suivant la ligne on sait comment le whisky a été distillé, on devine quel goût il aura.

– Quand on distille en colonne au-delà de 94 %, peu importe le grain utilisé, tout aura le même goût. On ne fait plus du whisky, on fait de la vodka.

– Avant d’acheter un rye canadien, je ne demande jamais quel est le pourcentage de seigle dans le whisky mais : comment est distillé le rye ? Dans le bourbon, la proportion de seigle dans le mash bill compte énormément. Au Canada, où chaque céréale est traitée à part, ce n’est pas cette proportion qui importe, mais la façon dont le grain est distillé. Un whisky canadien 100 % seigle distillé en double colonne à 94 % aura toujours moins de caractère qu’un autre comportant une faible proportion de seigle distillé en colonne simple à 70 % et/ou en pot still.

– La distillation façonne le whisky. Elle permet de concentrer ou de supprimer certains arômes, mais ne les crée jamais. Le jour où le métal créera des arômes dans un spiritueux, il se sera passé quelque chose de grave !

– Le cœur du whisky, la source majeure des arômes, c’est la levure. Mais le public n’est pas prêt à l’entendre, on ne l’a pas éduqué en ce sens. Aujourd’hui, il a compris l’impact du vieillissement : on peut lui parler de types de fûts, de finish, il visualise, il maîtrise les bases. La prochaine étape ? Les marketeurs vont insister sur le grain comme source d’arômes. Chez Hiram Walker, on est en train de tester un hybride de seigle avec une forte teneur en lignine, donc très épicé, cela donne des résultats formidables. Et cela aussi, ça parle au consommateur : il visualise les champs d’orge ou de seigle, c’est évocateur, romantique. Mais les levures… Ça, ça ne parle à personne ! C’est pourtant l’essence même du whisky.

Par Christine Lambert

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Don Livermore est l’un des rares masters blenders titulaire d’un PhD en brasserie et distillation. Microbiologiste spécialiste des levures, il est l’auteur d’une thèse sur le chêne.

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