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Comment se porte le scotch whisky ? Difficile de répondre, car la situation laisse un sentiment étrangement mitigé, notamment en raison de tendances post-Brexit à court terme, mais aussi parce qu’elle reflète le long-termisme qui caractérise la production de whisky. Le point avec Ian Buxton.

S’il faut trouver des conséquences positives du Brexit pour l’Écosse, cela concernerait tout au moins les exportations. Dans le sillage des résultats du référendum de la fin juin 2016 en faveur de la sortie de l’Union européenne, la livre sterling a enregistré une chute brutale, ce qui a minoré le prix des exportations de whisky sur les marchés internationaux. Et s’est traduit par une hausse immédiate des ventes. Bien que la baisse de la livre sterling n’ait affecté qu’une partie de l’année, les exportations, selon les chiffres de la Scotch Whisky Association (SWA), ont atteint 4,57 milliards d’euros après deux années de baisse en valeur. Les volumes ont également enregistré en 2016 une hausse de 5 %, dépassant la barre du 1,2 milliard de bouteilles. Aux États-Unis, qui représentent le premier marché du scotch whisky, les volumes vendus n’affichent qu’une hausse de 2 % seulement, mais en valeur, la croissance est de 14 %, ce qui laisse penser que le consommateur américain prend à cœur le message “buvez moins, mais mieux”. Excellente nouvelle pour les single malts et les blends haut de gamme !

En France, qui occupe depuis longtemps la place de deuxième plus important client mondial du scotch whisky, le bilan est plus mitigé. Si le volume des exportations vers l’Hexagone grimpe de 8 %, la valeur globale affiche une baisse de 2 %. Il semblerait que le consommateur français moyen reste très attaché à ces blends en promotion qui encombrent les rayons des supermarchés. Ailleurs, à Singapour, en Espagne, en Allemagne et en Inde, pays appartenant au cercle des dix premiers marchés mondiaux du scotch, on note une croissance en valeur à deux chiffres.

Nouveaux distillateurs

L’aventure du Brexit n’est pas finie : l’histoire ne fait probablement que commencer, mais pour l’heure, les distillateurs affichent un sourire confiant, dans l’espoir que la tendance sera durable. On observe davantage d’optimisme encore parmi la nouvelle vague de distillateurs installés depuis peu et qui représentent en partie l’avenir du scotch whisky. Depuis 2013, pas moins de quatorze distilleries ont été créées, de Harris dans les Hébrides extérieures à la Glasgow Distillery Company aménagée dans une zone industrielle d’aspect incontestablement ingrat à proximité de l’aéroport.

Au cours des seuls douze derniers mois, deux distilleries ont procédé au démarrage de la chauffe de leurs alambics : InchDairnie, établissement d’architecture avant-gardiste installé à Fife, a débuté en mai sa production de deux single malts différents, tandis que Torabhaig, dans l’île de Skye, a commencé ses activités en décembre (pour plus de détails, voir dans ce numéro mon article « Les Nouvelles distilleries insulaires »).

Pour l’année 2017, nous pouvons nous attendre au démarrage de sept nouvelles distilleries, et plus d’une vingtaine devrait ouvrir leurs portes d’ici 2020. Nombre d’entre elles sont de taille plutôt modeste, mais certaines affichent davantage d’ambition. Quelques-unes produisent également du gin – son retour à la mode est avéré parmi la “génération Y” et ce breuvage apporte une capacité d’autofinancement bien nécessaire -, mais d’autres, puristes, s’en tiendront exclusivement du whisky. Les distilleries Harris et Glasgow produisent du gin (le gin Harris est particulièrement excellent) tandis qu’InchDairnie se focalisera résolument sur le whisky.

Négociant-embouteilleur et distillateur

Il en va de même pour Ardnahoe, la neuvième distillerie de l’île d’Islay, située sur la petite route qui relie Port Askaig et Bunnahabhain. Elle signale l’évolution de la maison Hunter Laing qui, de négociant-embouteilleur, devient donc également distillateur. Les amateurs de whisky d’Islay seront tout particulièrement ravis d’apprendre que le légendaire Jim McEwan, ancien de Bowmore puis de Bruichladdich, a accepté de sortir de sa retraite pour diriger l’équipe chargée de la distillation.

Avec cette distillerie qui a pris le nom du loch Ardnahoe voisin, Hunter Laing a l’intention d’embouteiller et de commercialiser son eau-de-vie sous l’appellation Islay single malt. « En tant qu’entreprise, nous n’arrivons jamais à nous procurer suffisamment de whisky d’Islay pour répondre à nos besoins, précise son maître distillateur. Hunter Laing n’envisage manifestement en aucun cas de produire de la vodka ou du gin : « Nous sommes une maison de whisky », telle est l’opinion peu équivoque de Stewart Laing sur les alcools blancs.

Mentionnons également les établissements suivants qui devraient démarrer leur production au cours de l’année 2017 : Bladnoch, une réouverture, en fait, mais sur des bases considérablement plus solides que précédemment, avec des spécialistes du whisky, sérieux et expérimentés, aux manettes. Borders, à Hawick, ancienne ville industrielle ; Clydeside, le projet de Tim Morrison, qui a remplacé celui de Morrison Bowmore, retardé et confronté à de nombreux problèmes de planification et autres difficultés ; la distillerie Dornoch, à financement participatif, orchestrée par l’équipe de fanatiques obsédés par le whisky du très apprécié Dornoch Castle Hotel ; Drimnin Estate ; Isle of Raasay, elle aussi présentée dans mon autre article cité supra ; et la distillerie Lindores Abbey, sur le site même où, en attestent les archives, un célèbre moine, frère John Cor, a produit de l’aqua-vitae en 1494.

Comme nous l’avons déjà indiqué, bien d’autres distilleries sont en gestation, à différents stades de développement, certaines ayant déjà bouclé leur plan de financement et étant munies de leur permis de construire, d’autres à peine plus qu’un croquis sur une serviette de bar. Tous ces projets aboutiront-ils ? C’est peu probable. Toutes les distilleries qui démarrent aujourd’hui leur production réussiront-elles ? Répétons-le, cela semble peu probable, mais nous devons saluer l’enthousiasme qui les anime, leur énergie et leur amour du scotch whisky. Après tout, si l’effet Brexit se prolonge, ces drams seront de quelques centimes moins chers qu’on ne l’aurait imaginé il y a un an à peine !

Par Ian Buxton

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