La distillerie des Orcades présente son plus vieux compte d’âge officiel. Un événement. Mais savez-vous qu’à l’âge de 40 ans, ce single malt a remis sa vie en question? Oui, les whiskies ont une vie.
Derrière l’épaisseur du verre embossé, le liquide luit comme un brasier, un coucher de soleil liquide, de la lave en fusion. Highland Park dévoile son plus vieux compte d’âge officiel, un rare single malt de 54 ans, dernier opus über âgé en date d’une liste qui ne cesse de s’allonger – surtout, ne jamais s’y habituer.
Mais on parle d’Highland Park, le diamant des îles Orcades, distillerie aux murs de pierre noirs, retranchée au-delà de la furie des vagues, terres plates derrière les Highlands, tout au nord, dans la conquête Viking de l’Ecosse. Un statut à part, Highland Park. Une distillerie culte, wet dream de collectionneurs.
Les très, très vieux spiritueux nous disent bien des choses. Mais derrière leur romance se cachent un art, une technique, un savoir-faire, un travail sur l’eau-de-vie que même le whisky écossais, longtemps adepte de la méthode « On enfûte, on attend, et on verra bien », apprend et développe. Ceux que cela intéresse liront mon papier sur le sujet dans le numéro de Whisky Magazine spécial collectors.
Distillé en février 1968, ce « HP » 54 ans a livré 225 carafes célébrant le 225e anniversaire de la distillerie. Il assemble 10 fûts de réemploi, 4 barils et 6 hogsheads. Et les plus attentifs auront tiqué: 10 fûts, 225 bouteilles? Les anges auraient-ils pillé le chai? On y vient.
A 40 ans, l’heure du premier bilan existentiel. Ils sont remarquables, ces fûts, mais ils n’ont pas le profil Highland Park. En particulier, ils sont beaucoup plus tourbés. Ce sont des choses qui arrivent. Quand la distillerie maltait son orge les jours sans vent (pas le plus fréquent sur les Orcades), le malt était plus tourbé: la fumée, au lieu d’être chassée de la pagode du kiln par les bourrasques, y stagnait, déposant un surcroît de phénols sur le grain. Le problème fut résolu il y a une trentaine d’années avec l’installation d’un système de ventilation.
A l’époque, comprenez-vous, le gros des volumes alimentait la production des blends: personne n’encourageait les écarts de consistance dans le distillat. De nos jours, à peine sortis des alambics, tous les new makes de Highland Park sont analysés en labo avant enfûtage – s’ils ne correspondent pas aux spécifications maison, ils partent à la vente en vrac sans avoir même touché une barrique.
A 40 ans, disais-je. Nous sommes en 2008, ce qu’il reste des 10 fûts quitte les Orcades, direction les chais de Glasgow, pour être transféré dans 4 barriques de xérès de premier remplissage en chêne européen. Ils y passeront ces 14 dernières années, gagnant 1,5% de TAV (46,9%) au passage dans l’atmosphère plus sèche. En réalité, un seul fût suivra ce cheminement complet: les 3 autres furent embouteillés à 50 ans. Voilà bien nos 225 bouteilles.
Mais seules 2 carafes ont fait le voyage en France. Deux privilégiés qui humeront les notes terriblement exotiques, cireuses, les roses fanées aussitôt rattrapées par les fruits secs et à coque dans une fumée presque imperceptible. Qui saliveront sur cette même trame riche, onctueuse, ponctuée de bois précieux et de fruits tropicaux sur laquelle se posent les marqueurs du xérès, très sucrés en bouche avant une finale anisée. La tourbe a presque disparu. Reste les rêves de 68. Le prix? Oubliez.
Par pure curiosité, j’aurais bien aimé’ avoir le prix du Highland Park 54 ans. la new letter est très bien faite et digne d’intérêt. Félicitations
Bonjour, je vous remercie pour votre retour sur la newsletter. Pour information, le Highland Park 54 ans est estimé à 45 000 euros. Bonne journée.