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Quelle influence exerce le fût de xérès sur la saveur d’un whisky ? Tout dépend concrètement de ses états de service. Ian Wisniewski s’est intéressé aux différentes options.

Les fûts de xérès sont réputés pour leur contribution en termes de richesse des arômes et des saveurs, de variété des notes de fruits frais et secs, de raisins secs et d’abricot, par exemple, de même que pour leur suavité prononcée. Toutefois, la gamme spécifique et l’intensité des flaveurs qu’ils cèdent dépendent d’un ensemble de facteurs, tels que le type de chêne, leur contenance, le style de xérès qui a été élevé dans leurs flancs et la durée de ce vieillissement. Si les distilleries ont la possibilité d’acquérir des fûts de xérès sur le marché libre, auprès de courtiers ou de tonnelleries, elles préfèrent cependant en général conclure des accords avec les bodegas de Jerez de la Frontera, ce qui leur assure un approvisionnement “à la carte” en fûts de xérès.

Une question de bois

Le premier paramètre guidant leur choix, c’est l’essence du bois : chêne d’Europe, majoritairement espagnol et provenant de régions du nord de la péninsule ibérique, comme la Galice, ou chêne d’Amérique importé des États-Unis sous forme de planches assemblées dans les tonnelleries de Jerez. On fabrique avec l’une ou l’autre de ces deux essences des fûts hogshead (de 250 litres de capacité), des butts ou des puncheons (tous deux de 500 litres environ), le second étant plus court et plus arrondi.

«La longueur du merrain détermine le type de fût pour lequel il est utilisé, pour en optimiser l’efficacité. Un merrain mesurant environ 130-140 cm de long servira à fabriquer les douelles d’un butt. Mais s’il présente des fentes ou des altérations diverses, il doit être écourté ; un merrain de 120 cm de long sera utilisé pour assembler un puncheon. Si un écourtage plus important se révèle nécessaire, on fabriquera un hogshead», précise Stuart MacPherson, le maître du bois de The Macallan.

L’étape suivante, la chauffe aromatique, ou bousinage, consiste à exposer à une flamme l’intérieur du fût, ce qui crée une couche toastée d’environ 2-3 mm de profondeur. Le bois de chêne renferme divers constituants, notamment des sucres, qui sont décomposés par la chaleur de la chauffe et transformés en toute une palette de composés aromatiques comme les notes de vanille, par exemple.

La solera

Les fûts sont ensuite remplis de xérès afin “d’extraire” le caractère excessivement épicé et boisé que manifeste inévitablement tout fût de chêne neuf. Cette étape comporte deux options. Soit le fût est aviné, c’est-à-dire rempli de xérès d’un certain style, qui y séjournera pendant une période d’élevage spécifique. Soit, il s’agit d’un ex-fût de bodega, c’est-à-dire d’un fût ayant transité par une solera.

La solera, la méthode traditionnelle d’élevage du xérès, est un empilement de plusieurs rangs de fûts disposés les uns sur les autres. Le premier rang, au niveau du sol, est appelé “solera” : il contient le xérès le plus âgé. Le rang situé immédiatement au-dessus – la première criadera – contient un xérès un peu plus jeune. La seconde criadera, située immédiatement au-dessus de la première, contient un xérès un cran plus jeune que celui de la première criadera, et ainsi de suite jusqu’au sommet de l’empilement, le rang supérieur contenant le xérès le plus jeune.

Périodiquement, une certaine quantité de xérès est prélevée dans les fûts du rang inférieur de la solera, environ un tiers de leur contenu, voire moins, puis mise en bouteille. Le contenu des fûts de solera est alors complété par une quantité égale de xérès prélevée dans les fûts de la première criadera, lesquels sont à leur tour ouillés par une même quantité de xérès prélevée dans la seconde criadera, et ainsi de suite. Les barriques de la dernière criadera sont ouillées avec le xérès le plus jeune.

L’origine du chêne

Mais l’influence du fût de xérès sur le whisky de malt varie également selon l’origine du chêne.

«Le chêne d’Amérique cède typiquement la même palette d’arômes et de saveurs que son homologue européen, mais avec moins d’intensité, bien que sa teneur en notes de vanille soit plus importante, tandis que le chêne d’Europe apporte une plus grande richesse. Les interactions du chêne américain avec l’eau-de-vie en cours de maturation sont aussi plus lentes comparées au chêne européen. C’est le caractère du distillat qui dicte le type de chêne à utiliser. Le chêne américain est adapté à l’élevage d’un distillat de style plus léger : le fût est en effet moins dominant, de sorte que, comparé au chêne européen, le caractère de la distillerie d’origine, c’est-à-dire le caractère du distillat, se manifeste davantage dans le whisky de malt à l’issue de sa maturation, alors que le chêne d’Europe se prête davantage à l’élevage d’un style de distillat plus riche», précise Stuart Urquhart, directeur associé responsable de l’approvisionnement en whisky chez Gordon & MacPhail.

La taille du fût

Autre aspect à prendre en considération : un hogshead a un impact plus immédiat et plus intense qu’un butt ou un puncheon, car dans les fût de plus petite capacité, le distillat en cours maturation est au contact d’une plus grande surface de chêne relativement au volume de liquide. Mais qu’en est-il de la différence entre un butt et un puncheon ? A-t-elle un quelconque effet ?

«Il est probable qu’un puncheon exerce une influence légèrement différente de celle d’un butt, mais les variables sont si nombreuses d’un fût à l’autre qu’il est difficile de savoir en quoi consiste précisément cette différence», explique Gordon Motion, maître créateur de whisky chez Edrington.

De plus, l’influence d’un fût de premier remplissage, c’est-à-dire rempli de distillat pour la première fois, est plus intense que celle d’un fût de deuxième ou troisième remplissage, car l’impact d’un même fût diminue à chaque remplissage successif. Cela signifie également que le caractère de la distillerie d’origine demeure plus perceptible dans les remplissages ultérieurs.

«L’impact d’un fût en chêne d’Espagne de premier remplissage, par exemple, est très puissant. Entre six et dix-huit mois, on constate un renforcement massif du caractère, notamment des notes épicées et chocolatées, accompagné par une intense coloration, à la différence d’un second remplissage qui cède dans le même laps de temps une palette identique d’arômes et de saveurs, mais avec moins d’intensité et de coloration», explique Stuart Harvey, maître assembleur chez Inver House.

Origine du xérès

Un autre paramètre dont il convient de tenir compte, c’est le xérès contenu à l’origine dans le fût. Ce dernier est vidangé avant de quitter Jerez de la Frontera, mais ses douelles, à leur arrivée en Écosse, peuvent encore être imprégnées, dans le cas d’un butt, par exemple, de 10 à 20 litres d’un “liquide extractif du bois” ainsi désigné, de préférence à xérès, car il contient différents composés extraits du bois des douelles. On jugeait naguère qu’il exerçait une influence significative, mais on considère aujourd’hui que le facteur déterminant, c’est le type de chêne, européen ou américain.

«Le liquide résiduel imbu dans les douelles n’a qu’un impact négligeable sur le whisky de malt parvenu à maturité. Ce qui est fondamental, c’est le chêne», poursuit Stuart Harvey.

Les malts sont souvent constitués d’un mélange de whiskies vieillis en fûts de bourbon et en fûts de xérès, mais certains sont élevés intégralement en fûts de xérès.

«Les fûts de xérès représentent près de 90 % de notre inventaire. C’est notre style maison. Le distillat de The Macallan n’est pas tourbé et ce que nous recherchons, c’est un caractère légèrement huileux, céréalé et fruité, qui doit être assez robuste, car il sera soumis au puissant impact du fût de xérès. La gamme sherry oak de The Macallan est exclusivement élevée en fûts de xérès fabriqués en chêne européen et américain, les notes de fruits secs des fûts en chêne d’Europe étant équilibrées par un soupçon crémeux de vanille provenant des fûts de xérès en chêne d’Amérique», conclut Gordon Motion.

Par Ian Wisniewski

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