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L’industrie des spiritueux est l’une des plus voraces en eau. Et cela ne peut plus durer.

« Save water, drink whisky. » Le slogan s’imprime sur des T-shirts appelés à devenir collectors, témoins obscènes d’une époque insouciante – inconsciente ? – qui n’a pas voulu voir plus loin que le pied de son verre. Dans la vraie vie, celle dont on ne fait pas les slogans, il faut 6 à 10 litres d’eau pour faire une seule bouteille de whisky… laquelle contient les neuf dixièmes du temps entre 50 et 60% d’eau à la louche.

Par facilité, je vais me focaliser sur le whisky, de façon injuste car l’industrie des spiritueux dans son ensemble est une énorme consommatrice d’eau, et à vrai dire vorace en ressources d’une manière générale. H20 joue un rôle essentiel à chaque étape de la fabrication : lors du maltage, du brassage, de la fermentation, dans la chauffe vapeur des alambics, le refroidissement des condenseurs, la réduction, le nettoyage… Sans compter la culture de la céréale ou la fabrication du verre et du papier.

Une ressource captée souterrainement par des forages, en surface dans les rivières et les lacs, via les adductions municipales, et dont on a compris à présent – ou dont on devrait comprendre – qu’elle se raréfie sous les coups de bélier conjugués de l’activité humaine et du réchauffement climatique.

Alerte dans le nord écossais

Même en Ecosse, pays irrigué de sources et de ruisseau où l’on plaisante qu’il fait beau plusieurs fois par jour, manière de ne pas dire qu’il pleut foutrement souvent, le stress hydrique frappe certaines régions l’été. A commencer par Islay et la vallée du Speyside, où les distilleries ferment temporairement pour maintenance en raison de la sécheresse. Cette année, Old Pulteney, située dans le Caithness au point de plus septentrional d’Alba, a déjà annoncé sa fermeture pendant les 8 semaines estivales pour affronter le problème.

Consciente que l’industrie du scotch (2e exportatrice écossaise derrière les hydrocarbures) reposait sur la disponibilité et la qualité de l’eau, la Scotch Whisky Association (SWA) a en 2012 fixé comme objectif de ramener la consommation d’eau dans une fourchette de 12,5 à 25 l d’eau pour produire 1 litre d’alcool pur à horizon 2025.

L’enjeu est crucial : 70 % de tous les prélèvements d’eau autorisés auprès des utilisateurs industriels et commerciaux en Ecosse proviennent de distilleries (chiffres 2017), dont 80% destinés au refroidissement. Parce que figurez-vous qu’une distillerie passe son temps à chauffer et refroidir en yo-yo : chauffer pour le brassage, refroidir pour la fermentation, chauffer pour la distillation, refroidir pour la condensation…

Encore les calculs de consommation n’englobent-ils pas tous la même chose. Certaines distilleries maltent leur orge, d’autres fonctionnent en circuit fermé pour réutiliser une partie de l’eau, d’autres encore utilisent avec du liquide de refroidissement.

Rendre l’eau à la nature

Et beaucoup parmi les plus importantes insistent sur l’eau qu’elles « rendent à la nature » : celle du refroidissement, ramenée à température de rivière et renvoyée dans les cours d’eau, celle des résidus de distillation dispersée par épandage dans les champs (quand ils ne sont pas passée en méthanisation), celle humidifiant les drèches expédiées chez les éleveurs de bétail…

De plus en plus, les nouvelles distilleries intègrent le développement durable dans leur plan de conception, et les plus anciennes adaptent leur équipement, notamment avec des circuits fermés d’eau et des systèmes de récupération de chaleur. Par mesure d’économie principalement, mais peu importe !

En France ? Silence, on distille. En Charente, les distilleries qui se diversifient dans le whisky ont les plus grandes difficultés à refroidir leurs condenseurs en été (le cognac, qui ne se fabrique qu’en hiver, ignorait le problème). A bas bruit, certains évoquent la possibilité d’installer des bassins de rétention d’eaux de pluie ou d’utiliser ceux dévoués à la sécurité incendie pour le refroidissement, s’inspirant de quelques modèles écossais. On parle même irrigation… Tout pour ne pas remettre en cause un modèle en bout de course.

Mais le climat des Highlands, avec des taux d’évaporation  inférieurs ne peut se comparer à celui du sud de la Loire. Et les eaux de bassines, en surface, restent plus chaudes que les nappes souterraines. Alors ?

Alors, le temps presse. Les jeunes générations, déjà enclines à bouder les spiritueux, ne pardonneront pas l’immobilisme.

Certaines distilleries maltent leur orge, d’autres fonctionnent en circuit fermé pour réutiliser une partie de l’eau, d’autres encore utilisent du liquide de refroidissement.

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