Skip to main content

Bientôt la Saint Patrick. Et même s’il n’est pas utile de maîtriser la théorie avant cette épreuve purement physique – de l’ordre du marathon liquide –, la révision des basiques n’a jamais fait de mal. C’est parti pour l’interro écrite.

 

En Irlande, whiskey s’écrit toujours avec un “e” en plus

VRAI. Les Irlandais (comme les Américains) ont pris l’habitude d’intercaler un “e” avant le “y” final de whisky. Pourquoi ? Parce que. Manière de dire qu’on n’en sait rien, même si l’explication le plus souvent avancée est le besoin de se distinguer du frère ennemi le scotch – et qu’à titre personnel j’hésite entre “pour emm…nnuyer les correcteurs de presse” et “parce que ça rapporte plus au Scrabble”. Ce qu’on sait avec certitude, en revanche, c’est que cette voyelle intrusive n’est apparue qu’à partir de la fin du XIXe siècle sur les étiquettes (comme aux Etats-Unis d’ailleurs). Mais Paddy, par exemple, l’a adoptée dans les années 1960 seulement. Et ce “e” n’a rien d’une contrainte légale.

L’Irish whiskey, c’est juste du scotch distillé trois fois

FAUX. FAUX. FAUX. Je préfère l’écrire trois fois avant que ma tête ne soit mise à prix en Irlande. D’abord, la triple distillation n’a jamais été une obligation en Irlande, y compris dans les temps passés. Alfred Barnard, fin XIXe, relevait déjà parmi les 29 distilleries qu’ils avaient visitées sur l’île verte pour son ouvrage The Whisky Distilleries of the United Kingdom, que les pratiques étaient à cet égard diverses. Les whiskeys de Cooley – Connemara, Kilbeggan et Tyrconnell – font l’objet d’une double distillation. Autre différence notable : alors que le scotch doit légalement vieillir en fûts de chêne, l’irish whiskey autorise dans un œcuménisme louable toutes sortes de bois dans ses chais. Et là où le scotch définit 5 catégories de whiskies, l’Irlande n’en reconnaît que 4, avec quelques subtilités : les pot still irish whiskeys (voir plus bas), les malt irish whiskies (l’équivalent des single malts, 100% orge maltée, distillé en alambics pot still), les grain irish whiskeys (comprenant au moins 30% d’orge maltée + tout autre grain non malté, distillé en colonne) et les blended irish whiskeys (assemblage d’au moins deux des trois catégories précitées).

 

Il doit vieillir trois ans et un jour

FAUX. Trois ans seulement. C’est l’un des pipeaux qu’aiment raconter les Irlandais sur l’air du “T’as vu, on est plus exigeants que les Ecossais”. Mais il fut un temps pas si ancien où cette course à qui urinerait le plus loin ne se mesurait pas à 24 heures près : en 1926, la jeune République d’Irlande vote l’Immature Spirits (Restriction) Act obligeant la gnôle à vieillir au moins 5 ans. Et je vous invite à lire les débats de l’époque , où les parlementaires se désolent de ne pas réclamer plutôt 7 ans, âge décent minimum pour un whiskey de qualité. Cette obligation sera réduite à 3 ans en 1969 seulement.

L’irish pot still est le whiskey traditionnel, un mélange 50/50 d’orge maltée et non maltée

VRAI ET FAUX. Le pot still irish whiskey (ne pas confondre avec les alambics) est en effet considéré comme the real thing. S’il se compose d’orge maltée et non maltée, les proportions de chacune peuvent varier à condition de ne pas tomber sous la limite des 30%. Le producteur peut en outre ajouter jusqu’à 5% de toute autres céréales non maltées – les jeunes distilleries irlandaises tempêtent en ce moment contre cette recette trop limitative. Le pot still doit obligatoirement être et distillé en alambics pot still (ben tiens), mais pas forcément trois fois, bien que ce soit l’usage. Le goût ? C’est le moment de se servir un Redbreast, un Powers, un Midleton ou un Green Spot pour les travaux pratiques.

A part Pernod Ricard, pas de grands groupes dans le whiskey irlandais

FAUX. Ce fut longtemps vrai, et le géant français continue à archi-dominer l’île au trèfle avec le rouleau compresseur Jameson. Mais le boom irlandais a attiré d’autres big players : Beam-Suntory le premier (Cooley, Kilbeggan), mais aussi Bacardi (entré chez Teeling), William Grant (Tullamore Dew), Brown Forman (qui a repris la jeune marque Slane), Diageo (qui construit la distillerie Roe & Co à Dublin quelques années après avoir laissé filé Bushmills).

Le whiskey irlandais doit être fabriqué en Irlande

VRAI. QUOIQUE… Techniquement, Bushmills, en Ulster, est au Royaume-Uni et pas en Irlande. Mais la distillerie relève de l’Indication géographique Irish whiskey. Si le Brexit tourne vinaigre, ce cas particulier risque de provoquer quelques gueules de bois. Sans avoir bu.

On recense moins de miracles à Lourdes que dans le whiskey irlandais

PAS FAUX. De quatre distilleries en 2012, le pays est passé à près d’une trentaine aujourd’hui. Bel exploit sur une île où, depuis des décennies, whiskey s’épelait en 7 lettres : Jameson. Plus admirable encore, il semble que cette frénésie soit à l’origine de quelques miracles qui mériteraient reconnaissance auprès du Saint-Siège, si l’on en juge par les quantités de vieux whiskeys produites par d’aussi jeunes distilleries. Glendalough, fondée en 2011, réussit à produire un 13 ans d’âge, Dublin Liberties, ouverte en février dernier, a déjà craché un 10 ans et – celui-là fait des jaloux à Lourdes – Roe & Co, qui inaugurera la distillerie au printemps, commercialise son whiskey depuis déjà deux ans. Liste non exhaustive. A côté des nouvelles distilleries qui embouteillent sous leur nom, et sans le préciser, du vrac acheté à un tiers, on trouve une multitude de marques qui s’inventent sur leurs étiquettes des masters distillers – avec signature imprimée en profession de foi – sans avoir vu un alambic de près. Les plus grands conteurs au monde sont irlandais, dit-on souvent, et quand on a une réputation à tenir, ma foi…

Par Christine Lambert

Retrouvez Christine sur Twitter

Laisser un commentaire

Inscrivez-vous à notre newsletter