Appelez-la désormais Celtic Whisky Distillerie. Si la perle de Pleubian, rachetée en juin dernier par Jean-Sébastien Robicquet, continuera à élaborer ses deux single malts historiques, Glann Ar Mor et Kornog, elle entend désormais occuper davantage de terrain. En lançant, dès le mois de mai, un nouveau whisky hors gamme. Et en mettant en chantier une révolution qui va vous obliger à lire ce papier.
Puisqu’on vous dit que le whisky français se porte bien. S’il y a un secteur qui se tamponne allègrement le coquillard de la crise du covid, c’est bien celui-là. Et ce n’est pas Jean-Sébastien Robicquet qui nous contredira. Le fondateur de Maison Villevert, qui fête cette année ses 20 ans, s’est offert un peu en avance son cadeau d’anniversaire – on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même – en rachetant en juin dernier l’une des perles originelles du malt frenchy, la distillerie Glann Ar Mor. En principe, si vous n’avez pas passé ces derniers mois confiné·e dans un terrier sans 4G, vous aviez déjà cette info.
Mais le créateur et distributeur de spiritueux cognaçais en dévoile aujourd’hui un peu plus sur ses ambitions en Bretagne. Tout d’abord, la distillerie Glann Ar Mor change de nom et devient laCeltic Whisky Distillerie. Elle continuera à fabriquer ses deux gammes historiques : Kornog, la star des single malts tourbés français, et Glann Ar Mor (non tourbé), un peu moins recherché mais qui héritait néanmoins du nom de la maison mère, source de confusion.
Le bonheur de goûter un whisky de Pleubian sans fusiller son PEA
Alerte scoop : dans le courant de la 2esemaine de mai, un nouveau produit verra le jour : Gwalarn (vent d’ouest, en celte, je vous laisse chercher quelle consonne ne se prononce pas). Un single malt plus abordable, commercialisé aux alentours de 35€. Liesse de poser les lèvres sur un whisky de Pleubian sans avoir à fusiller votre PEA. Un second embouteillage inédit verra le jour à la rentrée, mais il faudra aller le chercher en duty free si les avions se remettent un jour à battre des ailes.
Jean-Sébastien Rocbiquet entend bien réveiller la belle endormie, en y investissant 3 millions d’euros plutôt qu’un baiser. « On va doubler très vite la production et la capacité de stockage,promet-il. Mais l’objectif à terme, c’est de la quadrupler, pour partir à l’export. » La distillerie va donc être agrandie : « Le chai du haut accueillera la salle de brassage, séparée du reste de la distillerie. Une partie du stockage sera délocalisé du site, mais nous espérons acquérir un terrain proche pour y construire des chais. »
Pour les amateurs, le réveil de Glann Ar Mor, fût-ce sous un autre nom de scène, est une excellente nouvelle. La maison fondée en 1997 par Martine et Jean Donnay, partis varier les plaisirs sous des cieux moins pluvieux en créant il y a un an la Distillerie de Toulon pour y fabriquer un excellent gin (Cicada), s’était quelque peu assoupie. L’épisode de la vraie-fausse fermeture, en 2015, avait agacé (understatement de l’euphémisme) nombre de cavistes et journalistes tombés dans le piège, ternissant la réputation du joyau breton.
Glann Ar Mor et Kornog s’offrent un relooking
Quand Jean-Sébastien Rocbiquet a sorti son chéquier pour y inscrire la somme de 3,5 millions d’euros, le dossier de vente circulait discrètement depuis un an, à un prix bien plus élevé. « Il n’y avait pas de stocks », commente tranquillement l’acquéreur. Or, de nos jours, c’est le liquide et non l’outil qui donne sa valeur à une distillerie de spiritueux âgés.
La Maison du whisky a réussi à racheter quelques fûts avant le changement de mains : certains happy few eurent ainsi l’heur de goûter un splendide Kornog Over 10 Years dans la collection Artist International ainsi qu’un duo Kornog et Glann Ar Mor 2007 dans la gamme Version Française. Ô joie – même si les flacons ont à peine eu le temps de toucher les étagères chez les cavistes pour se vendre.
La suite ? La distillerie, logée au cœur d’une somptueuse propriété face à la mer, va s’habiller d’un centre d’accueil des visiteurs, tandis que Glann Ar Mor et Kornog s’offriront de nouveaux packagings. La qualité des produits, elle, restera l’exigence première. « Glann Ar Mor, depuis juin, est élaboré uniquement à base d’orge Maris Otter. Jean Donnay a testé différentes variétés, mais c’est celle que l’on pérennise », révèle Jean-Sébastien Rocbiquet.
Quid de la patte de maître Jean, justement ? Il s’est engagé à accompagner la production pendant deux ans, et a passé l’été à transmettre son savoir-faire à la relève. « L’innovation vient souvent de la contrainte. Quand j’ai fondé Maison Villevert il y a vingt ans, j’ai commencé avec 2 tréteaux et une table quand Cognac était en crise »,rappelle Robiquet. Le groupe dégage aujourd’hui 55 millions d’euros de CA. Alors, imaginez ce qu’on peut faire quand on a au moins les alambics, une crise épidémique et un créneau porteur.
Par Christine Lambert