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Technique

Alambic

Le rôle du col-de-cygne

La longueur du bras de liaison raccordant le col-de-cygne de l’alambic au condenseur est-elle un paramètre significatif ?

Par Ian Wisniewski

En matière de distillation, on porte habituellement une attention prioritaire aux dimensions et à la forme du pot still, l’alambic à repasse de type écossais, considéré comme les principaux paramètres influençant le caractère du distillat. Les systèmes de condensations sont à cet égard une considération secondaire, bien que leur type (serpentin traditionnel ou condenseur moderne multitubulaire à calandre) influe aussi sur le caractère du distillat. Mais le lye pipe, ou colonne à reflux, ainsi qu’on l’appelle en Écosse, qui est en fait techniquement le lyne arm ou col-de-cygne, est rarement mentionné. Le col-de-cygne conduit les vapeurs d’alcool du chapiteau du pot still au condenseur. Sa fonction pourrait paraître de prime abord strictement pratique, mais le lye pipe étant un tuyau de cuivre, il contribue également au caractère du distillat, et son inclinaison – vers le haut, vers le bas ou horizontal -, n’est pas non plus neutre.

Réactions chimiques

Le rôle du cuivre est essentiel : quand les vapeurs d’alcool entrent en contact avec ce métal, il se produit différentes réactions chimiques, qui ne sont pas toutes connues et font encore l’objet de recherches scientifiques. Les interactions complexes qui interviennent à la surface du cuivre entre les acides et l’alcool contenus dans les vapeurs d’alcool sont par exemple à l’origine des esters (les notes fruitées). Ces derniers sont majoritairement créés dans la chaudière de l’alambic où la surface de cuivre est bien plus importante, mais des esters supplémentaires peuvent se former dans le lye pipe.

Plus la colonne à reflux est longue, plus le contact avec le cuivre est important. Ce paramètre est également fonction de la vitesse de distillation, laquelle est déterminée par l’intensité de la chauffe de l’alambic : plus la température de chauffe est élevée, plus rapide est la distillation.

«Nous distillons très lentement, de sorte que les vapeurs circulent lentement, ce qui favorise un contact maximal avec le cuivre. Si nous distillions plus rapidement, les interactions avec le cuivre seraient moindres et le distillat plus riche», explique Allan Logan, directeur de production chez Bruichladdich.

Le cuivre absorbe également les composés soufrés présents dans les vapeurs. Se formant essentiellement au cours de la fermentation, ces derniers regroupent notamment les notes charnues, caoutchouteuses et végétales. Présents en quantités infimes, les composés soufrés n’en sont pas moins très affirmés : ils “masquent” des caractéristiques plus subtiles. Par conséquent, la diminution de la teneur en composés soufrés “révèle” des notes plus légères, comme les notes fruitées, ce qui altère de manière significative le caractère du distillat. Le chapiteau de l’alambic et le condenseur absorbent la majeure partie des composés soufrés (car ils constituent la surface de cuivre de loin la plus grande), mais le col-de-cygne et son bras de liaison y contribuent également. Dans quelle mesure ?

«En quelques mois, les vapeurs qui passent dans le lye pipe laissent sur sa paroi interne un dépôt cireux et huileux, qui réduit probablement le taux d’interactions des vapeurs et du cuivre, diminuant par conséquent l’absorption des composés soufrés de même que la production de nouveaux esters. L’épaisseur de la couche déposée dans le lye pipe est plus importante que dans le chapiteau de l’alambic et il n’existe pas de moyen simple pour décrasser ce conduit, à la différence de la chaudière du pot still qui peut être nettoyée simplement au jet d’eau à travers l’ouverture du regard de l’alambic», ajoute Andy Cant, gestionnaire principal de site chez Cardhu Group, filiale de Diageo.

Une question d’angle

L’angle du col-de-cygne influence également la proportion de composés aromatiques légers ou intenses qui seront présents dans le distillat.

Les plus légers d’entre eux, comme certains esters sont en effet physiquement légers, c’est-à-dire qu’ils s’évaporent de la charge (le liquide alcoolique en cours de distillation) à basse température. Ce n’est qu’ultérieurement au cours de la distillation, alors que la température s’élève, que les composés aromatiques les plus riches, physiquement les plus lourds, comme certaines notes de céréales, commencent eux aussi à s’évaporer.

Les vapeurs qui s’élèvent dans le chapiteau de l’alambic puis continuent leur trajet par le col-de-cygne et son bras de liaison jusqu’au condenseur rencontrent des températures progressivement plus froides, proportionnelles à la longueur du col-de-cygne. Cela se traduit par la condensation de certains composés les plus riches dès l’arrivée des vapeurs dans le col-de-cygne. Par conséquent, les vapeurs qui atteignent le condenseur contiennent une proportion plus importante de composés aromatiques légers. Le destin du condensat dans le lye pipe dépend de l’angle d’inclinaison de celui-ci.

«Si le lye pipe est orienté vers le haut, le condensat chargé des composés aromatiques plus riches s’écoule vers l’arrière et retombe dans le chapiteau puis dans la chaudière de l’alambic. Une proportion plus importante de composés aromatiques légers poursuit donc son chemin jusqu’au condenseur, ce qui favorise un caractère de distillat plus élégant. À l’inverse, si le lye pipe est incliné vers le bas, le condensat s’écoule en avant vers le condenseur, entraînant avec une proportion plus importante de composés aromatiques plus riches, de sorte que le distillat sera lui aussi plus riche. L’action d’un lye pipe horizontal est à mi-chemin des précédentes. Bien entendu, l’influence de l’angle du col-de-cygne est toute relative, mais elle n’en existe pas moins», précise Alan Winchester, maître distillateur de The Glenlivet, chez Chivas Brothers.

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En quelques chiffres

«La longueur du lye pipe est généralement de trois mètres environ, parfois davantage, pour une épaisseur habituelle de quatre millimètres. Cette épaisseur est mesurée chaque année, car la distillation érode progressivement le cuivre. Quand elle est inférieure à deux millimètres, il est temps de remplacer le lye pipe. Dans le wash still (l’alambic de première chauffe), les vapeurs d’alcool sont très volatiles, de sorte que son lye pipe s’érode rapidement et doit être remplacé tous les huit à douze ans. Dans le spirit still (alambic de seconde distillation), les vapeurs sont bien moins volatiles : la longévité de son lye pipe peut atteindre trente ans. Le remplacement d’un lye pipe s’effectue en deux à trois jours environ. Les extrémités du lye pipe étant le plus souvent munies de collerette, ils sont assemblés au col-de-cygne et au condenseur au moyen de boulons, ce qui est bien plus pratique que la soudure», indique Richard Forsyth, président de Forsyths, entreprise de production, d’installation et de maintenance de matériels de distillerie.

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