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Comment cette emblématique marque de whiskey se porte-t-elle ? Petit tour d’horizon par Fred Minnick.

Tandis que nous garons notre voiture à côté de la distillerie Maker’s Mark, des centaines de personnes se pressent sur la prairie jouxtant la demeure victorienne où commencent les visites, et affluent vers le centre d’accueil des visiteurs. Toutes participent à la Bourbon Chase, une course de relais de 200 miles (320 km) sur la piste du Kentucky Bourbon Trail. Beaucoup découvrent les pittoresques chais peints en noir et rouge ainsi que le discret ruisseau qui serpente sur les sols calcaires, sous les branches et les feuillages. Pour tout nouveau venu, Maker’s Mark pourrait passer pour un croisement entre un vieux film de western et une page des aventures de l’explorateur Daniel Boone, pionnier de la colonisation du Kentucky. En tout cas, nombreux sont ceux à exprimer leur ébahissement face à cette distillerie hors du temps.

Un peu d’histoire

Nul whiskey américain n’a fait l’objet de plus d’attention que Maker’s Mark, car c’est lui qui a su ramener le bourbon sur le devant de la scène, grâce à d’intelligentes campagnes marketing, des expériences novatrices proposées à ses visiteurs et la promotion d’une catégorie premium. Tout ce qui a été réalisé depuis 1953, année de la mise en chai de ses premiers fûts, est un défi au conservatisme. Bill Samuels senior a élaboré un wheated bourbon [bourbon de blé] qui allait être mis en bouteille dans un flacon galbé plutôt exceptionnel pour l’époque et portant un nom de marque lui aussi unique en son genre, Maker’s Mark, deux créations que l’on doit à l’épouse de Bill, Marjorie, également à l’origine de la cire rouge s’écoulant sur le col de la bouteille. Ayant déposé ce surbouchage en cire rouge en tant qu’élément de son image de marque, Maker’s Mark a depuis adressé des centaines de mises en demeure menaçant de poursuivre en justice ses imitateurs, et a même remporté un procès retentissant contre les tequilas Jose Cuervo.

Leur fils, Bill Samuels junior, a été le fer de lance de campagnes marketing avant-gardistes parodiant la culture pop et le storytelling d’autres marques de whiskey. Quelques-unes des meilleures piques lancées à l’encontre de la concurrence ont été les publicités provocatrices visant Jack Daniel’s, dans lesquelles un simple citoyen répondant au nom de Jack Daniel laissait entendre que son whiskey préféré, c’était… Maker’s Mark. L’investissement de Bill Samuels senior, de Bill Samuels junior et de Marjorie Samuels a été salué par leur inscription au Kentucky Bourbon Hall of Fame, le panthéon du bourbon. Tels sont les effets entrepreneuriaux propres à impressionner les nouveaux visiteurs dont peu savent que Maker’s Mark s’apprête à prendre un nouvel essor.

En 2014, la distillerie Maker’s Mark consent pour son développement un investissement de 67 millions de dollars, comportant outre la livraison d’un troisième alambic en cuivre massif de plus de 13 mètres de haut et de 0,9 mètre de diamètre, deux nouvelles chaudières, vingt et une cuves de fermentation supplémentaires, un nouveau concasseur à cylindres, un évaporateur et un chai de vieillissement destiné à la maturation des fûts de Maker’s 46. Lors de la définition de ce projet d’expansion, la possibilité a été évoquée de commander un alambic de capacité bien plus importante, au lieu de se contenter d’un troisième de mêmes dimensions que les deux existants. La réponse a été négative, car les distillateurs de bourbon respectent une forme de tradition qui consiste à tout conserver à l’identique, de crainte que le moindre changement puisse se répercuter sur les arômes et saveurs. Par conséquent, Maker’s Mark dispose en pratique de trois distilleries sur un même site et prévoit d’ici l’an 2020 d’atteindre une production annuelle de deux millions de caisses, tout en développant parallèlement sa gamme d’expressions.

Un nouvel essor

On compte déjà Maker’s Mark, Maker’s Mark Cask Strength, Maker’s 46 et Maker’s 46 Cask Strength, toutes expressions qui gagnent chaque jour de nouveaux adeptes, qu’il s’agisse de particuliers ou de bars. Depuis longtemps court la rumeur du lancement d’un Maker’s Mark 12 ans, information démentie par la marque qui déclare vouloir répondre en priorité à la demande intérieure. S’agissant de la gestion de la demande, « nous faisons au mieux de nos possibilités », déclare Rob Samuels, directeur de l’exploitation de Maker’s Mark, et repreneur de la marque en 2011. Toutefois, Maker’s Mark ne dépend pas d’une autre distillerie : c’est une marque ayant pour seule source d’approvisionnement sa propre distillerie, chose suffisamment rare pour être mentionnée, « et nous sommes en mesure de soutenir notre propre croissance à l’avenir », précise Rob Samuels. Cet avenir prévoit notamment l’aménagement d’un restaurant sur le site de la distillerie, ce qu’autorise le projet de loi SB 11 adopté par le sénat du Kentucky en 2016, habilitant les distilleries à proposer à leur clientèle chambres d’hôtes, restaurants et cocktails.

Maker’s Mark est une installation incorporée dans une exploitation agricole kentuckienne en activité depuis le XIXe siècle. Environnée d’arbres et de granges, elle est desservie par des routes à voie unique. L’ouverture d’un restaurant Maker’s Mark dans un site aussi pittoresque relève du parfait bon sens. Signalons également le Maker’s Select Barrel Program qui propose aux clients de la marque d’acquérir un fût unique fabriqué à façon avec des douelles de chêne spécialement sélectionnées réparties en cinq catégories : Baked American Pure 2, douelles en chêne américain, à découpe classique et bousinées lentement, cédant les riches saveurs traditionnelles du whiskey américain – sucre de canne et vanille ; Seared French Cuvée, douelles en chêne français bousinées aux infrarouges et creusés de cannelures, qui offrent des notes de chêne, de caramel et une douceur grillée ; 46, douelles en chêne français, à découpe classique et bousinées aux infrarouges, qui concentrent des arômes de fruit sec, de vanille et d’épices ; Roasted French Mocha, douelles en chêne français cuites dans un four à convection dont la chauffe aromatique et la découpe classique donnent des notes carbonisées, de sirop d’érable et de cacao ; Toasted French Spice, douelles en chêne français, à découpe classique et bousinées à basse et haute température dans un four à convection, produisant des notes fumées, de cumin et d’épices. Après la dégustation d’échantillons affinés avec ces différentes douelles, le client crée son assemblage personnalisé de whiskeys élevés sous ces cinq types de bois, ce qui donne un choix de 1 001 profils aromatiques différents.

Un portefeuille grandissant

La culture du Kentucky gravite tout entière autour du bourbon et des courses hippiques. Le cheval fait partie de l’ADN de toutes les marques de bourbon, de Woodford Reserve, le bourbon officiel du Kentucky Derby, au Limited Edition Barrel Pick de Knob Creek, celui de la course hippique de plat des Belmont Stakes. Maker’s Mark a écoulé sa première caisse au Keeneland Race Track en 1958 et a créé il y a quatre ans le cocktail officiel de l’hippodrome, le Keeneland Breeze : 3,7 cl de Maker’s Mark, un trait de triple sec curaçao orange DeKuyper et un trait de ginger ale, servi dans un verre rocks décoré d’un quartier d’orange. Trente mille cocktails ont été vendus au cours de la seule première semaine. L’hippodrome de Keeneland a également sélectionné le premier Maker’s Select Barrel puis s’est associé au Kentucky Derby Museum et à la Breeders’Cup en pour commercialiser des embouteillages en édition limitée.

Maker’s Mark fut la marque d’un seul produit jusqu’en 2011, année du lancement de Maker’s 46. Elle est aujourd’hui à la tête d’un portefeuille grandissant de whiskeys NAS, sans compte d’âge, chaque expression proposant un wheated bourbon au profil aromatique unique en son genre. Maker’s Mark ayant pris pied dans l’univers des éditions spéciales, son avenir repose désormais moins sur sa cire de surbouchage rouge et davantage sur ses nouveaux profils aromatiques. Désormais, chaque fois que nous dégustons cette marque, nous devrons nous attendre à une nouvelle première.

Par Fred Minnick

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