La fin de l’année approche, j’en profite donc pour vous livrer mon palmarès perso, tous spiritueux confondus… à l’exception du rhum, dont j’ai dégusté trop peu de références en 2023 pour en donner une photographie fiable. Il s’agit de toute évidence d’un Top 10 subjectif (c’est le principe), et terriblement lacunaire : que ceux qui ont réussi à goûter les centaines de nouveautés sorties depuis janvier dernier se dénoncent (affabulateurs !)
Catégorie décollage immédiat
Amrut New Vibrations Port Pipe 2014 (8 ans)
Du concentré de whisky. Sous ses airs de brute (60% tout de même), ce single cask tendu comme mes trapèzes en fin d’année lâche plein pot des fruits tropicaux sur-mûris, presque, confiturés dans les copeaux de cacao amer, les zestes d’orange et les tannins boisés. A déguster au goutte à goutte – non, pas en intraveineuse, enfin.
Catégorie Miaou !
Craigellachie 1999 (23 ans) Oloroso Exceptional Cask Series
Au temps pour la lassitude des fûts de sherry que je sentais poindre en moi. Parce que, là, je vous le dis franchement : miaou ! Et dans un premier temps j’ai même songé arrêter là la note de dégustation : vous me comprenez, non ? Non ? C’est un Craigellachie, donc pas un poids plume en bec, roulé 23 ans dans une couette (moins les plumes) de fûts de xérès. Riche, onctueux, chocolaté, malté, habillé de cuir, frotté de fruits secs et de couenne de bacon. Un truc un peu SM qui sort le fouet à 55%. We need a safe word.
Catégorie j’ai fait un rêve
Cognac Frapin millésime 1990 (30 ans)
Une merveille. Et à chaque fois que j’en parle, je le redéguste aussi sec pour m’assurer que je ne l’ai pas rêvée – la bouteille a pris une claque, j’en parle souvent voyez-vous. Intégralement récolté, fermenté, distillé (sur lies) et vieilli (en chai humide) au domaine, il pose un fin rancio de fruits confits sur un boisé délicat, rafraîchi de zestes d’orange. Et s’éternise en bouche : une gorgée vous emmène loin.
Catégorie les damnés de la terre
Domaine des Hautes-Glaces Indigène
Indigène capture le Trièves dans sa petite bouteille plate, jusqu’à la ligne de crêtes qui se dessine, embossée au fond. Toutes les ressources qui l’ont façonné proviennent du Domaine dont il restitue l’essence et l’esprit : la céréale bio au centre, la fraîcheur, les notes confites. Les hauts sommets en 50 cl : un coup de cœur absolu.
Catégorie Young is beautiful
Cognac Pasquet 2017 Berry Bros & Rudd
Ce jeune cognac bio de la maison Jean-Luc Pasquet a été présenté au Whisky Live dans la nouvelle gamme Collective #1 The Pionneers de Berry Bros, au sein de laquelle l’embouteilleur britannique réunit des producteurs attentifs à la planète. Vif comme un feu follet, minéral, sur le fruit (pêche, abricot, agrumes) : une vision séduisante et moins clichée du cognac.
Catégorie le japonais pour se la péter
Saburomaru The high Priestess
Cette modeste distillerie nipponne ne coule que des whiskies puissamment tourbés : des petits batchs de single malts distillés en pot still de cuivre et des blends très réussis (posez les lèvres sur The Son, superbe) avec un apport de whiskies de grain importés. Mais arrêtons-nous sur cette “Grande Prêtresse” d’une exquise finesse, un single malt fumé, cendré, fondant sur les sucs de chêne, la pomme au four vanillée. Je cherchais en chute une vanne à base de culte et de commode – j’abandonne.
Catégorie Old is beautiful aussi
Compass Box Delos
Il m’arrive de plaindre les “amateurs” (alerte guillemets) de whisky qui ne jurent que par les single malts et froncent la truffe à l’idée d’un blend. Ils passeront à côté de ce gracieux Delos, follement exotique, plus fondu que la banquise à la veille de la COP, et qui sur une note de fumée de bois déroule une symphonie pâtissière, crémeuse, chocolat au lait, miel, cire d’abeille. Le 2e volume du quatuor “extinct blends” à la recherche des blends du passé, assemblage de Cameronbridge, Glen Elgin, Imperial.
Catégorie nouvelle gamme
Meikle Tòir The Chinquapin One 5 ans
L’une des bonnes surprises du dernier Whisky Live, la nouvelle gamme tourbée de GlenAllachie. Meikle Tòir (prononcer mèkeul tor) se décline en 4 expressions de 5 ans, et mention spéciale au Turbo (71 ppm) et au Chinquapin (35 ppm), du nom de la variété de chêne américain qui a donné les fûts d’affinage. Du roudoudou réglisse caramélisé dans la fumée de feu de bois, alangui de miel et de zestes d’orange. Une petite douceur de l’enfance réservée aux adultes consentants.
Catégorie commission de surendettement
Benriach The Forty
Il a le goût du passé qu’on voudrait retenir à pleine bouche, les notes tourbées que Benriach a souvent abandonnées avant d’y revenir, irrésistiblement, en cuvées limitées. Les touches de mandarine, de pamplemousse, les fruits exotiques cadrés par un boisé précieux, la pêche de vigne, les éclats de cacao. Une beauté quadragénaire, émouvante. Bon, il a le goût du passé, disais-je, mais le prix d’aujourd’hui, alors… (Alerte divulgâchis : les points de suspension douillent).
Catégorie mixo
Boudier Gin Olive
Allez, on se quitte sur un gin, une fois n’est pas coutume. Et sur une branche d’olivier. La vieille maison dijonnaise Gabriel Boudier, bien connue des amateurs de fines liqueurs, s’évade sur le genièvre avec une création qui met en valeur les olives de Nyon – 5 aromates au total, on fonce à l’essentiel sans tortiller du noyau. Histoire de rappeler qu’en 1945 Boudier était devenu le fournisseur de gin exclusif de l’armée américaine stationnée en France. A twister en Gin-To avec une olive en garniture et quelques gouttes de saumure. A la nôtre !