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Son nom résonne dans la tête de bien des générations. Pour les plus cinéphiles, la version hollywoodienne de James Cameron restera encore longtemps gravée en mémoire mais pour les autres, le naufrage du Titanic demeure l’une des tragédies humaines et techniques les plus traumatisantes du vingtième siècle. Sa carcasse de ferraille suscite toujours la fascination et bien que gisant à quelque 3800 mètres de profondeur, son histoire est toujours d’actualité. La preuve avec le récent drame du sous-marin explorateur disparu en juin dernier aux abords de l’épave, entraînant la mort des cinq passagers. Autre preuve de son actualité, plus réjouissante : l’inauguration d’une distillerie dans la cale sèche ayant accueilli le paquebot, la Titanic Distillers. L’histoire se déroule à Belfast et les premières bouteilles débarquent en France ces jours-ci. Récit d’une aventure aussi ambitieuse que passionnante.

Les premières minutes sont un peu rudes, il faut tendre l’oreille. Écouter, comprendre et retranscrire l’accent de Belfast n’est pas chose simple. A l’autre bout du fil Stephen Symington, l’un des fondateurs de la Titanic Distillers. Le débit est rapide, l’homme est passionné et décrit son projet avec fougue. 

“Notre ambition est de distiller et produire du whiskey dans le même esprit que les ouvriers ayant assemblé des paquebots transatlantiques comme l’Olympic et le Titanic de la White Star. C’est une forme d’hommage à Belfast aussi, à ce lieu où naissent les icônes.” 

Pour les amateurs de whisky, le nord de l’Irlande est “par définition” le berceau de Bushmills. Mais le monde bouge, désormais il faudra compter avec Belfast sa capitale, qui juste un peu avant la prohibition américaine, rassemblait le plus grand volume de whiskeys irlandais. Le whiskey a d’ailleurs joué un rôle important dans l’histoire de la ville, mais aucun projet de distillerie n’est apparu depuis près de 90 ans. Récemment une autre distillerie, McConnell’s, réhabilitant cette fois l’ancienne prison de Belfast, a vu le jour.

“Le parcours sera long, il peut y avoir du sang, il peut y avoir de la sueur, cela peut prendre des années, mais la récompense est grande” Stephen Symington

Whiskey en cale sèche

Mais alors quelle idée de poser des alambics dans la cale sèche du Titanic ? Difficile d’imaginer un projet plus complexe à présenter aux investisseurs. Quand on lui pose la question, on sent que Symington sourit de malice, il nous explique : “Notre co-fondateur, Peter Lavery, détient la marque déposée Titanic pour la catégorie des vins et spiritueux depuis plus de 15 ans. Je suis arrivé sur le projet en 2018, j’ai littéralement saisi l’occasion. La marque Titanic possède une histoire vraiment crédible, non seulement mondialement reconnue et le site était viable pour construire une distillerie là où le RMS Titanic a été assemblé il y a plus de 100 ans”. Précisons au passage que le site, avant la pandémie, accueillait quelque 800 000 visiteurs chaque année. Bien vu les gars !

Techniquement, il y a de quoi faire : le Thompson Dry Dock, nom officiel du lieu, est construit en 1904. C’est alors la plus importante cale sèche du monde, mesurant 126,5 mètres de long pour 14 mètres de large et 6,4 mètres de profondeur. Il drainait 98 413 000 litres d’eau par heure, révélant l’intégralité de la coque d’un navire pour la peinture ou les réparations.

A fond de cale

En novembre 2021, l’autorisation est délivrée pour créer la distillerie. Résultat, une cuve de brassage de 500 kg est installée avec six cuves de lavage en acier inoxydable de 2500 litres. Les 3 alambics Forsyths, fabriqués à Rothes dans le Speyside en Ecosse, produiront un single malt triple distillé. Les tailles des alambics vont de 2 500 litres pour le wash still, 1 500 et 1000 pour les alambics à repasse. La production maximale annuelle sera de 200 000 litres d’alcool pur, permettant de remplir 1 575 tonneaux.

Titanic Distillers vise à créer 41 emplois d’ici fin 2024, avec déjà 10 postes en place” précise Stephen. Un gage pour une ville comme Belfast, longtemps touchée par le chômage de masse à la fin du siècle passé.

Gamme courte pour galop d’essai

En attendant que les whiskeys produits sur le site apparaissent, Titanic Distillers commercialise un Irish blend et une vodka.

La recette du blend est un assemblage de whiskeys irlandais de malt et de céréales, en cinq parties, offrant une grande complexité et une variété de saveurs. Il s’agit d’une combinaison de malts simples distillés deux fois et distillés trois fois avec tourbe, ainsi qu’une combinaison de whiskeys de grain et de malt vieillis en fûts de bourbon, de xérès et de chêne vierge. 

L’introduction de tourbe dans l’assemblage dévoile un whiskey tourbé (rare pour un whiskey et surtout abordable). Un breuvage qui peut être apprécié pur ou en cocktail simple ou complexe. 

Il faudra donc patienter un peu encore avant d’apprécier les premiers batchs vieillis. En attendant, et avant de raccrocher, Stephen Symington insiste sur un point. Il prend un ton goguenard et en se marrant me déclare : “L’un de nos moteurs, c’est la joie. Nous savons quand prendre du recul, nous détendre et savourer un verre ou deux. Si nos spiritueux, notre équipe et l’expérience de marque ne procurent pas de joie et d’optimisme, nous aurons manqué notre cible.”

Destination pour nos prochains week-ends ? Belfast en tête de liste.

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