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Il règne dans le monde des spiritueux comme une ambiance de fin de cycle. Et c’est (peut-être) une bonne nouvelle si l’industrie en profite pour remettre des paillettes dans nos vies et des moulures au plafond. Tentatives d’explications – en plein Dry January, vous me pardonnerez.

Avant d’attaquer les choses pas sérieuses, laissez-moi d’abord vous souhaiter à tous et à toutes un excellent millésime 2024, douceur dans vos vies, tempête dans vos verres – à moins que vous ne préfériez l’inverse. Et commençons par changer nos habitudes en sacrifiant le rituel du papier tendances de début d’année contre quelques réflexions et interrogations, car l’époque se prête davantage aux questions qu’aux réponses. Pas forcément une mauvaise nouvelle, puisque cela nous promet des surprises.

On flaire dans le monde des spiritueux comme une ambiance fin de cycle, en Occident du moins. Oh, rien d’inattendu, juste le point de bascule générationnel classique, avec des jeunes qui ne veulent plus boire ce que sirotent leurs parents – qui ne veulent plus boire du tout, pour beaucoup, mais c’est un autre sujet. Et qui redécouvrent les goûts de leurs grands-parents. Ce même mouvement de balancier a remis le whisky sur les rails il y a 20-25 ans. Alors, quoi de neuf en 2024 ? Le pastis ? Les eaux-de-vie de fruits ? L’armagnac ?

Les référentiels culturels changent, aucun doute à ce sujet. Au Whisky Live Paris, on a vu apparaître depuis deux ans un public ayant une lecture différente des spiritueux, snobant les grands classiques qui ne leur parlent pas, moins attentifs aux comptes d’âge élevés, fixant leur attention sur d’autres critères que le goût – l’origine, l’éthique environnementale, une identité de marque bien ficelée…

C’est pas la possession qui compte (sauf pour les Belges)

Dans les spiritueux en général et le whisky en particulier (je vous renvoie au chapitre sur “l’ère du Fast Whisky et de l’obsolescence programmée”), les amateurs sont tellement sollicités par le renouvellement permanent de l’offre que leur capacité d’attention baisse au même rythme. Rien n’imprime. Et tout le monde se passe la balle sans toucher les filets – producteurs qui dégainent des nouveautés dans tous les sens, distributeurs et détaillants qui les y encouragent, sous la pression des consommateurs (vous et moi, donc, futiles papillonneurs déplorant les effets dont on chérit les causes).

Corollaire dommageable, la fascination pour les beaux spiritueux disparaît, en même temps que l’émotion, l’intérêt et la “coolitude” liés à leur dégustation. La scission du marché en 3 segments de plus en plus étanches en est-elle une cause ou une conséquence ? Avec d’un côté, à ras de carrelage dans les supermarchés, des eaux-de-vie dont la raison d’être n’a jamais été de vous faire rêver et, à l’autre extrémité du spectre, des liquides hors sol et des collectors intouchables, niche pour happy few véhiculant d’autres valeurs que le plaisir de libérer le bouchon.

Entre les deux, une vaste Terre du Milieu (sans Hobbits) où il est difficile de faire entendre et de valoriser sa différence. D’autant que, pour ne rien arranger, l’amateur est devenu ultra-sensible au prix après avoir vu flamber non-stop les chiffres précédant le signe euro sur l’étiquette – malgré un gros coup de patin, les tarifs ne redescendront pas, inutile de se leurrer.

Alors, comment ré-enchanter le whisky, le rhum, le cognac… ? Sans doute en remettant du sens dans les verres, en repassant par la case pédagogie. En éduquant les consommateurs, sur les catégories de spiritueux et non les marques. Demandez à de fines gueules non spécialistes autour de vous : quelle est la matière première de l’armagnac ou du cognac, qu’est-ce que le malt ou la tourbe, qu’appelle-t-on un brut de fût ou un single cask ?

Racontez-nous des histoires (mais pas des bobards)

Une autre piste ? En reconnectant le produit à sa dimension agricole. Un spiritueux tire toujours son origine de la terre, du champ, de la vigne, du verger. Mais le lien à la matière première s’est pour beaucoup effacé, en particulier (mais pas seulement) chez les grandes marques et distilleries. Rendons grâce aux petits producteurs militants, de plus en plus nombreux, qui s’efforcent de le maintenir ou de le ramener au centre.

On a perdu en route dans la narration l’histoire de la terre et des humains qui façonnent les eaux-de-vie – et, non, plaquer le mot “terroir” à tout va sur les communiqués de presse ne suffit pas à habiller la quille. Comme si marques et distilleries n’avaient plus rien à dire, à commencer par celles qui visent le Graal du luxe et se réduisent trop souvent à des ambiances “lifestyle, des décors, reléguant le liquide à la figuration dans des carafes en cristal.

Amis producteurs, marketeurs, racontez-nous des histoires, nom de Zeus ! Racontez-nous des histoires, mais pas des bobards. Faites preuve de transparence sur l’essentiel (âge, origine, ingrédients…), donnez-nous des détails sur la fabrication (et pas seulement le vieillissement et le type de bois), mais embarquez-nous dans une aventure.

En 2024, une belle brochette de grands du scotch fêteront leurs 200 ans : Mortlach, Macallan, Glenlivet (sous licence), Fettercairn, Longrow, Balmenach, Cameronbridge… Le moment parfait pour nous faire rêver, nous coller des paillettes dans la vie et des moulures au plafond. Attendez, je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Cette année, Whisky Magazine et le Whisky Live Paris souffleront leurs 20 bougies. Et voilà, tout de suite, votre année commence bien.

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