Je ne parle pas de débriefer les nombreuses découvertes lors des 3 jours sous la Grande Halle de la Villette, non, non : j’ai vu vos photos sur Insta, sur Facebook, sur LinkedIn et sous X. Mais au-delà des dégustations, ce phénoménal salon dessine une cartographie du marché des spiritueux et mesure l’évolution des tendances. Allez, on décortique.
Vous me pardonnerez les phrases simples, sujet-verbe-complément, ou les digressions interminables, mais j’ai écrit ce papier à chaud, à J+1 : les yeux en couilles d’hirondelle, la mine fripée en museau de sharpei, les fils qui se touchent dans ce qu’il me reste de cerveau et les jambes qui ne reçoivent plus d’ordres. Mais le sourire banane, les étoiles sur les rétines et des pelletées de souvenirs à partager sans attendre. Comme vous, quoi ? Enfin, comme vous qui avez enquillé les 3 jours du Whisky Live Paris (WLP), exposants, organisateurs ou amateurs passionnés.
Au 3e et dernier jour des festivités, Thierry Bénitah, l’organisateur et patron de La Maison du Whisky, a déjà l’œil rivé sur fin septembre 2024 – car, oui, le « Live » retrouve sa place habituelle dans le calendrier dès l’année prochaine. Figurez-vous qu’il reste quelques mètres carrés non exploités sous la Grande Halle. « On pourrait encore étoffer la partie cognac et armagnac, mieux structurer la Rhum Gallery, enrichir l’offre VIP. » Un scoop ? En 2024, le WLP révélera les résultats des French Spirits Awards (le nom peut encore changer), un nouveau concours réservé aux spiritueux français. Plus d’infos dès que.
De la profondeur, de la complexité
L’édition 2023 lève toute ambigüité : le WLP s’est imposé comme le plus important salon de dégustation B2B et B2C au monde. Au-delà de la taille – qui compte quand même un peu –, le « Live » est un événement qui rassemble les publics, qui fédère les univers, qui efface les frontières. « C’est un salon qui a, je crois, de la profondeur. C’est en tout cas ainsi que je le conçois », résume Thierry Bénitah.
Il suffisait de se percher sur l’une des galeries pour observer de facto la profondeur du champ couvert. Pour observer à quel point le scotch semble rétrécir. « Sauf que le scotch ne réduit pas sa part, affirme un habitué écossais. Mais le reste du monde et les autres catégories gagnent du terrain. » Du terrain calculé en surface, pas en litres car dans cette unité de mesure l’Ecosse engloutit (encore) tous les autres.
Néanmoins, l’intérêt pour les spiritueux français, et en premier pour le whisky français qui s’est fondu sous la Grande Halle comme à la maison, se confirme. De même que la curiosité pour le saké, l’emballement pour le rhum. Et le délirant accueil autour de la mixologie et de la Cocktail Street.
Le Whisky Live, baromètre des tendances spiritueuses
Le Whisky Live, en véritable baromètre des tendances, nous montre à quel point les amateurs de spiritueux sont devenus des consommateurs avertis et zappeurs, capables de passer d’un univers à l’autre et de suivre des chemins de goûts transversaux plutôt qu’une même famille d’eau-de-vie. Déguster des single malts, se régaler sur les armagnacs et les cognacs, s’aventurer dans les rhums agricoles, se retrouver au comptoir des mezcals, faire une pause au bar Kwant…
On observe à quel point le marché et les habitudes de consommation se fracturent, entre un espace VIP et un bar collector dont le succès s’envole, et un plateau plus riche que jamais qui concentre la foule. Les grandes marques et distilleries, conscientes de la compétition qui pousse, ont judicieusement sorti le grand jeu pour affirmer leur expertise : Benriach proposait son 40 ans sur le stand, pas au VIP, tandis que Glenlivet, Mortlach, Craigellachie et quelques autres débouchaient des comptes d’âge de plus de 20 ans.
Sans les embouteilleurs indépendants, le WLP n’aurait pas existé, rappelle Thierry Bénitah. Le salon s’est créé avec eux, autour d’eux, il y a presque 2 décennies (le Whisky Live fêtera ses 20 ans en 2024, pô, pô, pô, réservez vos billets). Les voici aujourd’hui montés à l’étage VIP : pour la première fois, Gordon & MacPhail et Signatory Vintage étaient absents du plateau, entérinant la fin d’un modèle dans le négoce.
Le Whisky Live, ça c’est Paris
Le Whisky Live, c’est aussi Paris encapsulé sous une nef de métal et de verre. Paris dans toute sa diversité, une ville internationale à l’identité affirmée, sophistiquée et décontractée dans un même élan. On arpente la Grande Halle comme on se promènerait sur des avenues, changeant de quartier au gré de la balade, de monument en maisonnette pleine de de charme, pour s’égarer dans les petites rues, flâner sur les ponts, faire la fête sur le pavé de la Cocktail Street.
Paris dans toute sa diversité, les spiritueux dans toutes leurs dimensions. Sur un marché plus fractionné que jamais, les petites maisons artisanales confidentielles côtoient les marques au rayonnement international.
Attardons-nous sur le whisky français, véritable pôle d’attraction du salon avec des stands pris d’assaut sans exception. La qualité générale et la diversité de l’offre suscitent une curiosité et une reconnaissance folles, qui doivent à présent se concrétiser sur un plan commercial. Traduction : le whisky français est en train de conquérir les cœurs des amateurs, il va falloir désormais qu’il les touche au portefeuille. Derrière les solidarités nées dans la catégorie va vite se dessiner une saine compétition – dans une période compliquée (inflation, pouvoir d’achat en berne, contexte international chaud patate…). Les deux ou trois années qui viennent vont nous coller des palpitations, et je reviendrai très vite sur le sujet dans une future chronique.
Le colossal succès de la Cocktail Street (29.000 visiteurs cette année) a tué le game et enterré la compétition : les salons dédiés au monde du bar en France vont devoir se réinventer sous une autre forme. Entre parenthèses, le bloody mary de Kwant (bloody hell, la mousse de moutarde !), on en parle ? Tellement mortel que ça devrait être illégal.
Mes coups de cœur whisky
Dernier point : le marché français de la distribution connaît un mercato d’une ampleur inédite dans son histoire. Jamais entendu autant de rumeurs sur un WLP ! Et l’année n’est pas terminée. Au rayon rencontres, merci et bravo à toutes celles et ceux qui sont venus nous rendre visite ou s’abonner au stand de Whisky Magazine : comment diantre avez-vous réussi à nous trouver dans le maquis ? Non, ne répondez pas, que cela reste l’un de ces mystères insondables.
Mes coups de cœur whisky pour finir ? En vrac et dans le désordre (cf premier paragraphe, fils qui se touchent dans le cerveau, tout ça…) : la nouvelle gamme des Hautes-Glaces, celle de Glenglassaugh, The Forty de Benriach, le Unpeated Port Pipe New Vibrations d’Amrut, les nouveaux permanents d’Eden Mill (qui a déjà arrêté de produire… en attendant sa nouvelle distillerie), le Craigellachie Exceptional Cask oloroso 23 ans, le gentil petit The Hearach (prometteur pour la suite), le Arran 27 ans 1995 oloroso (merci Jean-Marc de m’avoir poussée dessus). Et tant d’autres découvertes à lister. Bref. On se retrouve l’année prochaine ?
Merci de donner un peu d’humour à ce monde sinistré par l’intermédiaire d’un ou deux drams ..
Ma chère Christine
Je reviens sur ton « tuer le game. »
Je pense, avec tout le respect que j ai pour cette superbe machine et une organisation incroyable que vous avez surtout tué la cocktail street. Pourquoi une marque paie t elle 20k€, recrute t elle les meilleurs bartenders de la place, pour faire de l envoi à des borrachos dans un hangar ou on ne distingue plus les rhums des gins après 2 verres (bonjour les melanges) en écoutant un brouhaha de musique sans ligne conductrice… hmmmm
Je parle pas en mon nom parce que je n ai pas un salon du cocktail et pas d ambition de ce côté là mais tu t es un peu enflammée très chère.
Signe
Un admirateur qui le reste