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Après avoir visité Box en 2015, Hans et Becky Offringa y sont retournés deux ans plus tard pour rendre compte de son évolution dans ce coin de la forêt scandinave.

À 480 kilomètres environ au nord de Stockholm, dans un site idyllique de la Haute Côte de Suède, non loin de Bjärtrå, une fabrique de boîtes en bois exportées vers l’Angleterre s’installe au XIXe siècle sur les berges d’une rivière. Un gigantesque incendie la réduit en cendres en 1890. La centrale électrique qui est bâtie sur le site en 1912 ne reste en service que douze ans. Les bâtiments sont par la suite utilisés comme entrepôts puis laissés à l’abandon après les années 1980. En 2010, la bien nommée distillerie Box entreprend de produire du whisky sur ces terres. La région est connue de longue date pour son industrie du bois. Les arbres abattus plus au nord étaient descendus jusqu’à la mer par flottage sur le réseau de rivières et de fleuves qui la traverse. Rien d’étonnant, donc, qu’une entreprise de transformation du bois se soit jadis implantée dans les parages. L’actuel propriétaire des bâtiments est un artiste, Mats de Vahl, qui avait à l’origine aménagé une galerie d’art sur le site. Un séjour en Écosse avec son frère Per l’a convaincu de changer d’orientation : contaminés par le virus whisky, les deux hommes entreprennent de reconstruire Box et de solliciter les autorisations administratives requises pour y installer une distillerie. Le 23 décembre 2010, ils remplissent de distillat leur tout premier fût. Un consortium est créé par la suite pour constituer une trésorerie et développer la distillerie en entreprise.

Une question d’orge(s)

Roger Melander, maître distillateur de Box dès l’origine, prend sur son temps pour dresser le panorama de la situation. Il aborde tout d’abord la question de l’orge. Celle-ci provient en partie de chez Viking Malt à Halmstad. C’est un malt brassicole non tourbé qualité Pilsen. La malterie écossaise Simpsons livre une variété tourbée (45 ppm environ), mais notre interlocuteur avoue une prédilection pour un malt belge qu’il utilise dès que l’occasion se présente : ce malt brassicole, touraillé à la tourbe écossaise, produit selon lui moins d’alcool, mais apporte des arômes et des saveurs plus intenses. La distillerie Box produit des whiskies tourbés et non tourbés. Les deux types d’orge sont par conséquent stockés dans des conteneurs distincts qui accueillent toutes les quatre semaines une livraison de 25 tonnes. Au cours de ses trois premières années d’activité, Box a distillé pour moitié du whisky de malt tourbé et pour moitié du whisky de malt non tourbé, mais le ratio est à l’heure actuelle respectivement de 25 et 75 pour cent.

Le concasseur à malt Boby Mill dotés de quatre cylindres provient d’une brasserie de la banlieue d’Heathrow ; il a été construit en 1912. La mouture de malt est composée de son (18 %), de gruau (71 %) et de farine (9 %). La distillerie Box procède à cinq empâtages de 1,25 tonne par semaine. Trois charges d’eau sont utilisées par cycle d’empâtage. « Ce qui nous intéresse, c’est un moût de style japonais, très clair. Nous recyclons les moûts en les filtrant à travers les drêches au fond de la cuve d’empâtage avant de transvaser le liquide dans les cuves de fermentation. La température de ces trois eaux de trempe ne dépasse pas 80°C, afin d’éviter que les tanins du grain n’influencent le moût. » Roger Melander s’en tient à un cahier des charges très précis. « Dans cette région, où il n’y a pas de cheptels bovins à nourrir, les drêches servent d’engrais. L’eau de production provient du lac Bålsjön. Elle est filtrée sur des couches de sable et de charbon. »

Les trois cuves de fermentation en inox ont chacune une capacité théorique de 8 000 litres, mais elles ne sont remplies qu’à 6 300 litres maximum. Environ 5 kg de levure sont rajoutés à chaque cuvée de moût. « Ce qui m’intéresse plus particulièrement, ce sont les notes d’agrumes qui apparaissent au cours du troisième jour de fermentation. » L’alambic wash still [de première chauffe], d’une capacité de 3 900 litres, est rempli à moitié avec le contenu d’une cuve de fermentation. La passe de distillation, dont la durée oscille de 5 heures et demie à 6 heures, donne un « distillat plus propre, au caractère prononcé ». L’eau de refroidissement destinée aux condenseurs multitubulaires à calandre est puisée dans la rivière proche. « Ici, nous ne manquons pas d’eau froide. Pendant huit mois de l’année environ, la température de l’eau est inférieure à 5°C. » Le maître distillateur ne doute pas que ce fait contribue largement à la réussite de son whisky, très apprécié des amateurs dans le monde entier.

Notre interlocuteur n’est pas avare de détails. « Pour le whisky tourbé et le whisky non tourbé, les points de coupe sont différents : le cœur de chauffe se situe respectivement entre 67-71,6 % et 60-67,5 %. Le distillat tourbé est enfûté à 15 ppm de composés phénoliques et réduit à 60 %. En commençant par les cuves recevant les distillats, les deux types d’eaux-de-vie sont soigneusement différenciés tout au long de la chaîne de production, pour éviter toute contamination, comme c’est le cas pour les conteneurs à malt. Au début de notre activité, nous réduisions le distillat à 63 %, mais comme la part des anges est ici quasi inexistante, nous pouvons nous permettre d’enfûter avec une teneur en alcool plus faible. »

L’heure de la maturité

Le whisky est élevé dans des fûts de 250 litres ou de 500 litres de capacité. Jusqu’à présent, le whisky est embouteillé en flacons standard de 50 cl dont la silhouette est inspirée d’une bouteille ancienne repêchée au fond d’un lac voisin. « Nos clients ont la possibilité d’acheter des fûts de 40 litres et de les laisser vieillir ici, dans les chais de Box. Cette contenance rappelle une ancienne mesure suédoise correspondant à 39,25 litres. Ils peuvent également choisir entre différents types de bois d’élevage : ex-fût de bourbon ou de xérès, ou bien en chêne de Hongrie, de France ou de Suède. Le chêne hongrois, plus particulièrement, cède à l’eau-de-vie une agréable note épicée. » Dans les chais, la température peut descendre en hiver jusqu’à moins 20°C (mais jusqu’à moins 33°C à l’extérieur !). « En hiver, la rivière est entièrement gelée. On peut la traverser à pied », précise Roger Melander en souriant. Au cours de sa première année d’activité, la distillerie Box a produit 71 000 litres de distillat. La capacité actuelle des chais est de 12 500 fûts.

Le festival annuel organisé par la distillerie Box attire quelque 2 000 visiteurs qui réussissent à trouver leur chemin jusque dans ce lieu reculé car, malgré la proximité d’un aéroport, ils sont nombreux à venir en voiture. « Après la visite de la distillerie, on peut vouloir séjourner dans le coin pour pêcher le saumon », explique Roger Melander. Et les merveilles de la nature ne manquent dans cette région de la Haute Côte de Suède. Dans le magnifique centre d’accueil des visiteurs qui fait également office de restaurant et de boutique, nous avions dégusté en 2015 différentes expressions des eaux-de-vie et single malts produites par Box. Toutes étaient certes très jeunes, mais tout de même d’une étonnante maturité. En raison du Systembolaget, le monopole de l’État suédois sur les boissons alcoolisées, la vente de whisky est interdite dans l’enceinte de la distillerie, mais il y a une astuce : on peut s’y procurer un flaconnage vide que l’on remplira avec un whisky acheté ultérieurement.

Nous avons observé en août 2016 que la distillerie avait toujours un même souci de la qualité et de l’efficacité, la différence principale étant le nombre aujourd’hui bien plus important de fûts dans les chais. Nous avons été très agréablement surpris par une nouvelle expression, la deuxième édition de The 2nd Step Collection, une version produite à 5 000 flacons, dont 2 000 réservés au marché international. Ce single malt bien équilibré, élevé en ex-fûts de xérès oloroso et de bourbon, non filtré à froid et sans adjonction de colorant, affiche un robuste 51,1 %. Box envisage également de lancer un whisky spécialement conditionné pour l’étranger en flacon de 70 cl. Ayant dépassé son statut d’établissement locavore, la distillerie s’apprête désormais à conquérir le monde étape par étape. Son whisky est en passe de sortir de la boîte – et du bois -, avec quelques idées marketing. Gardez un œil sur elle, car je suis certain qu’elle fera de grandes choses dans un proche avenir.

Par Hans Offringa

FICHE TECHNIQUE

Malt : Malt brassicole qualité Pilsen non tourbé, et malt tourbé à 45 ppm

Empâtage : Cuve-matière semi-filtrante ; capacité de trempe : 1,25 tonne ; cinq trempes par semaine.

Fermentation : Trois cuves de fermentation en inox ; charge : 6 300 litres Fermentation : 80 heures.

Distillation : Deux alambics pot still Forsyth ; charges : 3 150 litres (bière) et 1 600 litres (bas vins).

Fûts : Essentiellement des fûts de bourbon de premier remplissage, mais aussi fûts de xérès et fûts de chêne neufs. Depuis 2011, 4 000 fûts environ ont été vendus à des particuliers.

Capacité de production de la distillerie : 127 000 lap (litres d’alcool pur) environ ; production annuelle : 102 000 lap.

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