«Votre production est-elle respectueuse de l’environnement ?» C’est une demande de plus en plus fréquente chez le consommateur. Le développement durable n’est plus un lointain mirage dont on se soucie fort peu, il est devenu un acteur essentiel, même dans les distilleries.
Le whisky écossais possède un lexique qui lui est propre, notamment les termes dunnage (“chai à l’ancienne, sur sol en terre battue et cales en bois”), valinch (“pipette taste-whisky”) et bung (“bondon”). Toutefois, une locution plus universellement employée, “développement durable”, figure désormais elle aussi dans les conversations à propos du scotch whisky. Une affinité naturelle lie whisky écossais et durabilité, car tous deux exigent une approche à long terme portant sur différents aspects sociaux, économiques et environnementaux. La stratégie de développement durable adoptée cette année par la Scotch Whisky Association (SWA) balise la voie que devra suivre l’industrie du whisky pour atteindre l’objectif zéro émission d’ici 2040.
«Notre première stratégie environnementale fixant des objectifs à long terme a été présentée en 2009 et mise à jour en 2016, explique Morag Garden, la responsable de la SWA pour le développement durable et l’innovation. En 2021, nous avons défini un cadre général de discussion avec les branches professionnelles associées, comme l’agriculture, les malteries et les transporteurs, qui devrait soutenir nos activités et nous permettre d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés en matière d’émissions de gaz à effet de serre, de gestion des ressources en eau, d’économie circulaire et d’aménagement du territoire.»
Faisant écho à ces principes directeurs, on assiste à la multiplication des initiatives individuelles de la part des distilleries, selon les situations individuelles et définitions particulières du développement durable de chacune d’entre elles. «J’aborde la question de la durabilité de la manière la plus globale possible, en y incluant les émissions de CO2, la biodiversité, les déchets, les énergies renouvelables, les emballages recyclés et recyclables», précise Annabel Thomas, fondatrice de la distillerie Nc’nean. En la matière, le point de départ de toute discussion, et de toute production, c’est l’orge, car cette céréale met en évidence les pratiques agricoles. L’agriculture biologique étant synonyme de développement durable, Nc’nean a commercialisé l’année dernière son embouteillage inaugural, élaboré avec une orge bio provenant de la côte est de l’Écosse.
«Nous sommes convaincus que les agriculteurs devraient cultiver les variétés d’orge les mieux adaptées aux sols et aux conditions météorologiques de leur exploitation, qui varient considérablement dans les différentes régions de la côte orientale, ce qui explique pourquoi nous utilisons un certain nombre de variétés d’orges maltées ensemble, notamment Concerto et Laureate», poursuit Annabel Thomas.
Autre initiative durable, l’exploitation des ressources locales
«Pour la mise en valeur des sols de notre exploitation, soit 730 hectares de terre arable, nous utilisons des déchets de jardin compostés, indique Alex Bruce, directeur général d’Adelphi Distillery, propriétaire de la distillerie Ardnamurchan. La gestion des sols est un élément essentiel de la durabilité et de la qualité des récoltes, et au final, du distillat d’Ardnamurchan.»
L’une des dépenses les plus considérables que doit budgéter une distillerie, et qui représente le plus grand coût pour la planète, c’est celle afférente au combustible nécessaire au fonctionnement de la chaudière sans laquelle il n’y a pas de distillation. Il s’agit habituellement de fioul ou de gaz, mais il existe des solutions alternatives comme les chaudières biomasse à bois qui équipent les distilleries Nc’nean et Ardnamurchan.
«Nous disons de notre distillerie qu’elle est la plus verte d’Écosse, poursuit Alex Bruce. Cela signifie que nous travaillons avec notre environnement immédiat, en achetant par exemple nos granulés de bois dans une exploitation forestière de la péninsule d’Ardnamurchan, ce qui finance indirectement un programme de plantation d’arbres. Notre chaudière biomasse chauffe l’eau des cuves d’empâtage et des alambics, tout en assurant le chauffage du centre d’accueil des visiteurs.»
Même si le climat écossais se caractérise par d’abondantes précipitations, la consommation d’eau n’en fait pas moins l’objet d’une gestion scrupuleuse. L’eau de refroidissement des condenseurs peut être recyclée, comme à Torabhaig, dans des bassins de refroidissement où l’eau perd la chaleur qu’elle a accumulée lors de son passage dans les condenseurs et peut être ainsi réutilisée.
Autre préoccupation déterminante, le rejet dans l’environnement d’eau chargée en déchets organiques. En collaboration avec l’université Heriot-Watt, Glenmorangie a restauré dans le Dornoch Firth un récif pérenne d’huîtres indigènes disparues il y a plus d’un siècle, victimes de la surpêche. À ce jour, quelque 20 000 huîtres ont été mises à l’eau ; sachant qu’une huître filtre jusqu’à 200 litres d’eau par jour, cela représente un volume total stupéfiant. Mise en service en 2017, l’unité de digestion anaérobie (méthaniseur) de la distillerie a permis de réduire de plus de 95 % la charge biologique pesant sur le Dornoch Firth, et le récif d’huîtres devrait absorber les 5 % restants.
«Nous nous approchons du zéro émission nette, mais il serait bien plus intéressant de parvenir à un résultat net positif, en créant un nouvel équilibre dont les avantages seraient réels», conclut Hamish Torrie, directeur de la communication de Glenmorangie en matière de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).