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Avouez que ça faisait plaisir de se revoir et de partager quelques dégustations après deux années de silence ! Une fois les stands repliés, une fois les décibels de la Cocktail Street éteints, revenons sur les surprises et les tendances fortes qui ont émergé en cette édition des retrouvailles.

 

  1. Une industrie de la convivialité

Pas trop fatigué·e ? Trois jours de Whisky Live ont le don de vous laisser sur les rotules, les papilles en extase, la cervelle en enclume et les yeux en couilles d’hirondelle. Mais avouez : quel bonheur de se retrouver après deux ans de disette ! La joie de voir les sourires accrochés aux lèvres sans avoir besoin de les deviner derrière les masques suffisaient à eux seuls à faire du Whisky Live Paris (WLP) 2021 un moment de pur plaisir. Et ces retrouvailles sous la Grande Halle de la Villette nous auront rappelé avec force à quel point l’amour du whisky – et des spiritueux – perd de son éclat quand on ne peut le partager.

Au soir de la fermeture, inutile de demander à Thierry Bénitah, PDG de La Maison du Whisky et organisateur de l’événement, si le millésime 2021 lui avait apporté toute satisfaction. Il se marre : « Dès la première heure samedi, à l’ouverture, j’étais déjà projeté dans l’édition 2022. Vraiment ! La Halle est déjà réservée, rendez-vous l’année prochaine. » Oui, oui, moi aussi je suis pressée d’oublier 2021, mais permettez-moi tout de même quelques observations supplémentaires.

 

  1. L’année du whisky (et des spiritueux) français

Comme prévu (lire ici), le whisky (et plus généralement les spiritueux) français a chauffé la scène. « Pour ne pas voir l’engouement, jubile Loig Le Lay chez Eddu, le whisky de blé noir, il fallait être aveugle. Il s’est vraiment passé quelque chose autour du whisky français. Désormais les amateurs y viennent avec intérêt, sans se pincer le nez. Et c’est quand même très récent. » Même son de cloche du côté de Ninkasi : « Incroyable, souffle Alban Perret, le chef distillateur, un sourire extatique et épuisé lui fendant le visage en ce dernier jour de Live. On n’a pas eu le temps de souffler, le stand n’a pas désempli. Le public est très réceptif, très curieux, en demande de nouveautés. Nos maturations en fûts de vin peuvent surprendre, mais finalement les visiteurs apprécient que l’on propose quelque chose de différent. »

Chaque jour à 5h11 en fin d’après-midi, le Domaine des Hautes-Glaces sonnait une cloche de montagne pour rassembler le troupeau et faire déguster son premier 10 ans, XO°, distillé en mai 2011 (c’est bon, vous l’avez ?) dans un joyeux brouhaha. On commence d’ailleurs à voir apparaître quelques marqueurs de la maturité chez les distilleries historiques – le single Cask 16 ans d’Armorik, le millésime 2004 (17 ans) d’Eddu.

Tout aussi révélateur, l’afflux vers les stands de cognac : « On sent que les amateurs français reviennent vers ce spiritueux traditionnellement très tourné vers l’export, analyse Guilhem Grosperrin. Et c’est très nouveau. » Pommes réjouies également du côté du calvados : « Nous avons déjà dépassé les chiffres de 2019, notre année record, se réjouit Guillaume Drouin. Est-ce que l’heure du calvados a enfin sonné ? Je crois en tout cas que lorsqu’on reste fidèle à ses valeurs, qu’on défend une haute qualité de produits, cela éveille de plus en plus l’intérêt. »

 

  1. Les valeurs au centre du jeu

Les valeurs ? Tout de suite, les grands mots. C’est pourtant l’une des grandes tendances ayant émergé sous les poutrelles en métal du WLP 2021. Terroir, développement durable, production éthique, transparence, traçabilité, matières premières au plus près de la nature… Un nombre croissant d’amateurs se tourne vers les spiritueux capables de cocher tout ou partie de ces cases, par tradition, par évolution – par opportunisme parfois, mais au fond peu importe. Et Waterford s’impose comme le grand bénéficiaire de ce trend appelé à s’installer durablement dans nos habitudes.

La distillerie irlandaise, qui remporte le jackpot du plus beau lancement, est venue en force présenter ses whiskies de terroir, avec un Mark Reynier remonté comme un coucou prêt à challenger avec passion les amateurs déchaînés autour du stand. « It was mental ! souffle Ned Gaham, le chef distillateur en s’épongeant le front. C’est la première fois qu’on faisait déguster nos whiskies, puisque la gamme a vu le jour en pleine crise du covid. Et j’ai peur que ce WLP ait placé la barre très haut ! Les Français ont une connaissance du whisky hallucinante, ils s’intéressent aux moindres détails, ils posent des questions intelligentes… Je n’avais jamais vu cela. Surtout, ils ont très bien compris notre démarche, ils pigent le terroir, le parcellaire, la biodynamie. Ce sont des concepts qui leur sont familiers, sans doute grâce à leur culture du vin. » Même accueil chez les Lorrains de Rozelieures qui dévoilaient leurs deux premiers single malts parcellaires.

  1. Le relatif (et très provisoire) retrait du scotch

Français et Irlandais ont bien évidemment profité du vide relatif – fort provisoire – laissé par le whisky écossais (frileux, des habitués comme Macallan, Laphroaig, Talisker, Cardhu, Lagavulin, Caol Ila, Highland Park ou Arran n’ont pas fait le voyage cette année) et, dans une moindre mesure, par les whiskies du monde, asiatiques en premier lieu (Mackmyra, Suntory, Mars, Kavalan, Amrut, etc, aux abonnés absents). Mais de là à profiter de ses absences « sanitaires » pour prédire la fin du scotch… faut pas pousser granny dans les orties. Le smoky corner du WLP aimantait toujours les foules vers les whiskies tourbés. Impossible de se frayer une sente jusqu’à Bruichladdich, Ardbeg ou Bowmore, même en suivant les signaux de fumée.

« On note tout de même que les embouteilleurs indépendants n’ont plus accès aux distilleries importantes », relève à juste titre Serge Valentin, aka Whiskyfun, avant de m’entraîner au stand (asseyez-vous, vous n’êtes pas prêt·e)… des drinks sans alcool. « C’est pas mal, hein ? » (Spoiler : ce n’est pas moi qui parle.) « Tu as goûté les daiquiris ? » (Spoiler : toujours pas moi.) Deux mètres plus loin, alors que les caissons de basse de la Cocktail Street envoyaient du bois comme pour faire décoller le barnum, Angelo préparait des daiquiris nucléaires pour Velier. Trois jours après, je crépite encore.

  1. La folie des collectors

L’appétit pour les collectors, les embouteillages d’exception, les spiritueux rares ne se dément pas, on pouvait en juger au débit de l’Espace VIP et du bar Golden Promise. D’autant que La Maison du whisky, qui fêtait ses 65 ans, avait pris soin de baliser le terrain en posant quelques quilles mémorables (lire ici).

Et le rhum. Le rhum, bien sûr, qui attire désormais les amateurs avec une puissance folle. Je vous en aurais bien raconté davantage, mais en trois jours seulement, pas eu le temps de pousser vers la canne au-delà de deux daiquiris. Doit-on militer pour le Whisky Live de quatre jours ?

 

Par Christine Lambert

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