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La Fédération du whisky de France a déposé le projet de cahier des charges d’une future IG auprès de l’INAO. Le whisky français va – enfin – faire l’objet d’une définition gravée dans la règlementation. Alléluia !

Porté par son succès, le whisky français se structure à grandes enjambées. Fin juin, la Fédération du whisky de France a déposé auprès de l’INAO  un projet de cahier des charges d’une future IG en vertu duquel sera français tout whisky « brassé, fermenté, distillé et vieilli en France ».

« L’INAO a nommé une Commission d’enquête pour instruire le dossier, révèle Christian Bec, cofondateur de la distillerie Twelve et président de la Fédé. Une IG, cela peut prendre entre 2 et 20 ans… Mais nous avons un cahier des charges abouti, et cela pourrait se faire en un an environ. »

A ce jour, l’Europe ne reconnaît que 4 IG de whisky (celles de l’Ecosse, de l’Irlande, de la Bretagne et de l’Alsace – consultables sur eAmbrosia), auxquelles s’ajoutera bientôt le Pays de Galles. La plupart des producteurs français appelaient de tous leurs vœux à rejoindre ce Club des 5. « C’était nécessaire, tranche Christophe Dupic chez Rozelieures. Pour le lien à l’origine géographique, très important dans un grand pays céréalier comme le nôtre. Et pour dissuader les indélicats. »

« L’IG va permettre de faire le ménage, abonde Loig Le Lay à la Distillerie des Menhirs. Mais il ne faut pas qu’elle soit trop contraignante, trop usine à gaz. » Le Cognaçais Jérôme Tessendier, qui ajoute en cette rentrée un finish rhum de la Barbade à son trio d’Arlett, rebondit aussitôt : « Il faut rester sur des principes généraux : une charte de fabrication, de la transparence. Et ensuite laisser libre cours à la créativité de chacun. Le whisky français est une page blanche, on ne va pas se mettre le carcan règlementaire du cognac ! »

Le plus court chemin vers l’IG est un peu long

Concrètement, que va-t-il se passer dans les mois qui viennent ? La Commission d’enquête nommée par l’INAO va étudier le cahier des charges remis par la Fédé, et papoter avec les producteurs qui tenteront de défendre les spécificités du whisky français. Une fois ce grand oral informel passé, la copie est revue si nécessaire.

Puis le projet d’IG est rendu public pour passer en procédure nationale d’opposition. Traduction : le cahier des charges publié au JO devient consultable sur le site de l’INAO, et pendant deux mois tout un chacun peut envoyer ses commentaires ou faire des propositions pour l’enrichir ou l’amender. Lâchons-nous, ils ont promis de ne pas publier de bêtisier.

L’INAO compile alors les retours et les envoie à l’ODG (l’Organisme de défense et de gestion), l’association responsable du cahier des charges de l’IG, qui va se créer d’ici peu. L’ODG, par la suite, nommera un organisme de contrôle, validera les nouveaux adhérents, organisera les dégustations d’agrément… « Au début du cahier des charges, on définit toujours le produit, explique David Roussier chez Warenghem. Et on décrit le profil. Mais, contrairement aux AOC où il existe des typicités de profil organoleptique à respecter, dans les IG ces dégustations servent plutôt à détecter les défauts. »

Comment, de fait, définir le style du whisky français ? « C’est des conneries !, résume Loig Le Lay sans mâcher ses arguments. On arrive sur une page blanche, sans contraintes d’antériorité. Le profil commun, je ne le vois pas, et je trouve cela très bien : il n’y a rien de plus chiant. » De fait, comment décrire dans un même ensemble le whisky de blé noir d’Eddu, les tourbés de Kornog ou Rozelieures, les jus cognaçais souples et fruités ou les futurs whiskies de maïs qui se trament en Corse et dans le Sud-Ouest ? A moins de décider une bonne fois pour toutes que le whisky devra avoir le goût… du whisky. Pendant ce temps, les Shadoks pompaient, pompaient.

Pourquoi pas une matière première française ?

Certains consommateurs s’inquiètent d’un cadre réduit à son plus petit dénominateur commun et aux plus basses exigences. Si l’IG doit souligner le lien à l’origine, pourquoi ne pas exiger que les grains utilisés soient d’origine nationale, par exemple ? On voit mal qui cela pénalisera – en dehors des producteurs important du malt tourbé écossais (à la qualité et au rendement alcoolique sans équivalent) ou bio –, puisque la France trône parmi les grandes puissances céréalières.

« On n’est jamais à l’abri d’une récolte pourrie en France, plaide David Roussier. Quant au lien à l’origine, il s’agit tout autant de l’origine culturelle, historique, climatique, hydro-géologique. Toutes ces spécificités qui font qu’un whisky peut être français. Mais, oui, l’origine de l’orge sera forcément un point que la Commission d’enquête va étudier. » Au risque d’instaurer une distorsion de concurrence puisqu’aucune autre IG whisky n’exige des céréales locales.

« Il ne faut pas s’y tromper : une IG, c’est du protectionnisme ! conclut le DG de Warenghem. Il s’agit de se protéger contre ceux qui seraient tentés d’usurper l’image du whisky français avec des produits trompeurs. Il existe toujours des whiskies français vendus aux Etats-Unis, dont personne ne sait d’où ils viennent. Les Anglo-Saxons ont bien compris cela : ils bâtonnent des cahiers des charges light alors que nous, héritage des AOC oblige, on a tendance à définir les trucs dans tous les sens. »

Si vous arrivez en fin de lecture de ce pensum, vous avez bien mérité de vous imbiber la glotte : RDV à la Promesse Dorée pour poursuivre la réflexion. Le Golden Promise, le célèbre bar à whisky parisien de la rue Tiquetonne, change de nom pendant tout le mois de septembre pour mettre en avant une carte hallucinante de malts français.

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