Ils sont de ceux qui nous font vibrer. Pour nous, sans eux la terre ne tournerait pas dans le même sens. Eux, ce sont les distillateurs, les créateurs et les producteurs de quelques uns de nos flacons préférés. Visionnaires décomplexés ou créateurs de tendance, ce sont surtout et avant tout des passionnés. Maintenant que les guirlandes sont rangées et le sapin réduit en compost, Whiskymag se tourne vers ceux qui, tout au long de l’année, nous embarqueront dans leurs bagages, sur les traces des spiritueux les plus fins à l’autre bout du monde ou au coin de la rue, de la commune ou du département, pour de nouveaux regards croisés sur 2022.
2021: un souvenir ?
Sans hésitation, c’est lorsque le 3 décembre dernier j’ai participé à une vente aux enchères de la « Worshipful Company of Distillers » au château de Barnbougle, près d’Edimbourg: un Glendronach N0.1 50 ans s’est vendu pour 40.000 de livres et les bénéfices ont été versés à la Scottish Young Action Fund, qui vient en aide à des milliers de jeunes gens défavorisés en Ecosse. Ca a été vraiment une magnifique expérience, une leçon d’humilité.
Votre « dram » de la Saint Sylvestre ?
J’ai fêté le nouvel an avec un Glenglassaugh 30 ans, en admirant un superbe feu d’artifice près de la mer. Pour moi, le Glenglassaugh 30 ans a la délicieuse saveur de la côte et représente un éveil, avec de nouvelles perspectives et une propension à savourer le moment présent, ce qui est une excellente manière de débuter l’année 2022. Le temps passe, cette année ça fera 30 ans que je fais du whisky. Tout a commencé en 1992.
« 2022 sera l’année des whiskies exceptionnels! »
Vos projets pour 2022 ?
On va avoir de nouveaux whiskies, des éditions limitées et des embouteillages. Benriach a été la star de 2021 avec la nouvelle gamme et après un essor spectaculaire, j’espère qu’il va se développer encore plus en 2022; on ajoutera une autre version vieillie, ainsi que des Malting Season et Smoke Season.
C’est aussi une période formidable pour Glenglassaugh: le whisky distillé depuis sa réouverture fin 2008 a trouvé sa voie. On va aussi se concentrer sur des jus extrêmement rares et anciens. Avec un très petit nombre d’anciens fûts restant, 2022 sera l’année des whiskies exceptionnels!
Vos attentes pour 2022 ?
J’ai hâte que les distilleries se développent. Les trois distilleries, Glendronach, Benriach et Glenglassaugh, vont distiller plus en 2022 pour permettre leur expansion, et on va avoir un nouvel entrepôt sur le site de Glendronach, prêt à accueillir des milliers de fûts de sherry. Je suis très heureuse de faire partie de ce projet, d’avoir l’opportunité de façonner le caractère de chaque malt jusqu’à la perfection.
Un souhait pour l’année à venir ?
J’aimerais être en bonne santé et avoir la liberté de pouvoir explorer et revoir mes amis! Après presque deux ans de restrictions, j’ai vraiment envie de voyager à nouveau et de retourner sur les sites, de retrouver les producteurs, de pouvoir goûter à différentes cultures, et de rassembler les gens autour du whisky!
Son nom résonne désormais bien au delà des frontières de l’hexagone. Il aura en l’espace de quelques années réussi à imposer un modèle unique en son genre. Partageant sa passion pour l’histoire et les spiritueux, c’est un conteur né autant qu’un visionnaire pragmatique à la tête d’une Maison respectée par ses pairs et célébrée par les amateurs. Alexandre Gabriel suspend quelques minutes son agenda (qu’on imagine frénétique) pour nous parler de ses goûts, ses choix et ses envies pour l’année à venir.
2021: un souvenir ?
Lorsqu’après plusieurs mois de confinement, j’ai pu enfin retourner à la Barbade pour goûter les premières gouttes de rhum venant d’un alambic bien spécial : le Hot Pot. C’était un moment fort en émotions : WIRD est la seule distillerie qui a maintenu la tradition de la distillation à repasse. Aux cotés d’icones de la distillation comme Don Benn (Master Distiller depuis 23 ans), Henderson « Digger » (distillateur depuis 41 ans) et David Pym (coppersmith et patron de la mythique John Dore & Co), nous avons dessiné et façonné cet alambic suivant des vieux documents d’archives qui se trouvaient dans notre « Vault » à la distillerie. C’est ici que nous préservons précieusement plus de 125 ans d’archives. J’étais très ému de voir l’aboutissement délicieux de ce projet
Alexandre Gabriel
Ton « dram » de la Saint Sylvestre ?
Tu me connais, il serait triste de commencer l’année avec un seul spiritueux! J’aime beaucoup déguster des échantillons provenant directement de mes futs, ceux qui m’ont le plus étonné lors de ma semaine de « travail ». Je pense par exemple à un rhum de notre légendaire Vulcan (seul alambic à chambre d’origine encore en fonction au monde) distillé en 2019 et vieilli en futs de châtaigner que j’ai d’ailleurs partagé avec mon ami Dave Wondrich en guise de cadeau de Noël! Ou bien un jeune Cognac (3 ans) 100% Colombard, délicieux de fruits et de floralité. Ainsi qu’un nouveau gin sur lequel je travaille, et là je ne peux pas t’en dire plus!
Tes projets ?
Tu me connais, en tant que fanatique de grands rhums et grands Cognacs, je souhaite aller encore plus loin dans ces actes de recherches et de créations. J’ai trouvé des choses fabuleuses dans les archives cette année, qui m’ont inspiré des produits qui sortiront cette année : un nouveau bébé, Canerock, qui sortira mi février en France, une fabuleuse collection d’Extrême Plantation de la Barbade, de vraies pépites, le Renegade barrel n°4 en fut de rhum car j’adore le rhum. Je n’en dis pas plus car Angélique va encore … « me disputer » …
« Mon rêve le plus cher actuellement c’est que l’on puisse se retrouver ensemble de nouveau afin de partager de vrais moments de plaisir! »
Tes attentes pour 2022 ?
Comme toujours, c’est la création. Depuis la plantation des matières premières avec lesquelles nous travaillons jusqu’aux spiritueux d’exception que nous produisons. Nous avons par exemple un partenariat avec le centre de recherche de canne à sucre de la Barbade : nous distillons différentes variétés de canne avec les gens qui les créent depuis 1888. Pour moi, un grand spiritueux a les pieds dans la terre. 2022, nous continuerons d’expérimenter, de découvrir, d’apprendre encore et toujours pour pouvoir créer.
Un souhait pour l’année à venir ?
Dans un premier temps, que nous sortions de cette pandémie. Car plus que jamais celle-ci nous a rappelé que l’Homme est un animal social et que les bars, restaurants sont des endroits vitaux de rencontre où l’on déguste des choses fabuleuses. Mon rêve le plus cher actuellement c’est que l’on puisse se retrouver ensemble de nouveau afin de partager de vrais moments de plaisir. Mes plus grandes sources d’inspiration proviennent de ces moments précieux. Lorsque j’échange avec mes amis distillateurs ainsi que tous les passionnés de ce secteur, comme les Plantation Addicts par exemple !
C’est l’un des agitateurs de tendance de ce nouveau siècle. Avec Compas Box, il a imposé une nouvelle vision du blending en jouant la carte de la transparence et de la créativité. Son travail s’approche davantage de l’art visuel tant qu’olfactif, des disciplines artistiques telles que le graphisme et la peinture classique qui ornent ses différents embouteillages. Depuis Londres, le fondateur de Compass Box jette un coup d’oeil sur 2022.
John Glaser
2021: un souvenir ?
Certainement la finalisation et le lancement d’Orchard House un peu partout sur la planète. Ca nous a pris mine de rien 1 année complète. C’est notre premier whisky créé à partir de distillat vieilli dans des fûts que nous avons nous même crées.
Ton « dram » de la Saint Sylvestre ?
Quelque chose de très classique, un Hedonism accompagné d’un gâteau au chocolat crème de marron.
Tes projets ?
Continuer à sensibiliser le monde sur le besoin de réduire nos émissions de carbone. Je suis conscient que nous ne sommes qu’une toute petite société mais notre impact est déterminant à notre échelle.
Tes attentes pour 2022 ?
Nous avons quelques jolis projets pour le futur mais il est encore trop tôt pour en parler.
Un souhait pour l’année à venir ?
Encore plus de joie. C’est ce que nous créerons tout au long de l’année de toute façon.
Son verbe tranche autant que ses whiskies émerveillent. Bousculant les conventions, il pourfend volontiers ses détracteurs en rabattant les cartes de l’establishment parfois ronronnant de l’industrie du whisky. Depuis Islay avec Bruichladdich, son instinct poussa la marque au firmament de l’industrie. Depuis, Mark Reynier s’est choisi l’Irlande pour terre d’adoption, et c’est depuis les rives de Waterford qu’il partage désormais sa vision transparente, locale et responsable du whisky.
Mark Reynier
2021: un souvenir ?
Le Whisky Live à Paris sans hésitation ! Ce fut notre toute première rencontre avec le public, nos consommateurs et nos partenaires. Une belle émotion aussi que de présenter le Waterford Biodynamic « Luna. J’ai adoré !
Waterford The Cuvée
Ton « dram » de la Saint Sylvestre ?
Oh divers Waterfords bien sûr, je partage avec mes amis, on compare ensemble les uns avec les autres, le Biodynamic “Luna”, l’Organic “Gaia, The Cuvée ou la Micro Cuvée – ces embouteillages que nous réalisons de temps à autre sont parfois aussi convaincants que nos single cask.
Tes projets ?
Une nouvelle année, c’est forcément un peu plus de maturité (et même si tout va bien, qui sait ce que nous réserve l’avenir?) ) une distillation d’orge historique et puis une ou deux surprises à venir.
Tes attentes pour 2022 ?
Avoir la chance de voyager à nouveau pour présenter la philosophie de Waterford – la quête des saveurs naturelles et authentiques en toute transparence – aux personnes qui sont curieuses et passionnées par le monde du whisky. C’est un peu ce que nous sommes nous- mêmes.
Un souhait pour l’année à venir ?
Je vais te dire, un retour à la normale et puis voir disparaître ces petits bâtons qui vont et viennent dans mon nez, ce serait une très très bonne chose.
Son attachement à la Normandie n’est un secret pour personne, c’est même sa marque de fabrique. Ambassadeur décomplexé d’une marque qu’il incarne à merveille en redessinant de nouvelles frontières gustatives. Fervent adepte de mixologie et passionné de spiritueux, Guillaume Drouin incarne une génération de producteurs de Calvados capable de jongler avec le cahier des charges de l’appellation et produire des batch innovants. Depuis Pont-l’Evêque, Guillaume revient pour nous sur ce qui a fait et qui fera son quotidien. Tout sauf pingre, il nous lâche une exclu: en 2022 tout est dans la pomme !
Guillaume Drouin
2021: un souvenir ?
La dégustation des fûts de Caroni utilisés pour le vieillissement d’un calvados Pays d’Auge de 18 ans. Il s’agit d’anciens fûts de Caroni Trinidad 1996. Lorsque nous avons reçu les fûts fin 2020 , ils n’étaient pas en très bon état, à tel point que je me suis sincèrement posé la question de savoir si nous devions les utiliser. Chose que nous ne faisons jamais pour le réemploi d’anciens fûts, j’ai décidé de passer ces fûts à l’eau dans un premier temps et les ai laissés en eau pendant environ 15 jours. J’ai ensuite dégusté l’eau de chacun de ces fûts afin de repérer d’éventuelles déviations aromatiques. Le résultat était qualitatif, et m’a permis de sélectionner un calvados de 18 ans, tout en puissance pour remplir ces 6 fûts. Les premières dégustations en 2021 du calvados après quelques mois d’affinage furent un très beau moment. L’alchimie a parfaitement fonctionné et nous aurons bientôt une des plus belles éditions de la gamme Expérimental à proposer. Il y a des paris un peu audacieux qui donnent le sourire lorsqu’on les réussit.
Ton « dram » de la Saint-Sylvestre ?
Un millésime de 1970 dont je ne me lasse pas, tant il offre de complexité et de profondeur aromatique. Cest une nouvelle dégustation à chaque verre.
Tes projets ?
Il est encore un peu tôt pour en parler, mais nos travaillons sur différents projets, avec toujours au cœur de notre philosophie, le fruit normand qui nous définit, la pomme !
« Le monde des spiritueux s’est ouvert, des frontières sont tombées »
Tes attentes pour 2022 ?
Futs de Caroni
Lorsque je suis entré dans le monde du calvados, les frontières étaient beaucoup plus cloisonnées. Un producteur de calvados produisait du calvados, les maisons de Cognac se concentraient sur le Cognac. De la même façon, les consommateurs étaient également très fidèles à leurs goûts et il était difficile de faire découvrir autre chose que du whisky à un amateur de whisky. Le monde des spiritueux s’est ouvert, des frontières sont tombées et le savoir-faire des distilleries s’exerce désormais souvent à travers plusieurs spiritueux. Les amateurs prennent le temps de nouvelles
Futs de Caroni découvertes. Dans ce contexte, rien ne semble plus impossible aujourd’hui en terme de création. C’est à la fois excitant, mais peut-être aussi un peu inquiétant, car il me semble qu’un nouveau projet doit avant tout être porteur de sens.
Un souhait pour l’année à venir ?
D’une façon générale, le retour à une société plus humaine, moins divisée, dans laquelle les échanges créent du lien, de la bienveillance. Une meilleure acceptation de la diversité, des courants de pensées. Une société plus généreuse qui se nourrisse de la mixité des points de vue. Sur un plan plus personnel, réussir à garder le recul et l’inspiration pour de beaux projets dans un monde qui exige toujours plus d’immédiateté. Garder un équilibre de vie entre la sphère professionnelle et la sphère familiale.
Propos recueillis par Nicolas LE BRUN
