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Sortez vos plus beaux verres et préparez de gros glaçons : l’heure est au ready to drink ! Entre la montée en puissance de la tendance “hometail” et le lancement de nouvelles marques très premium, tout semble en effet réuni pour que les cocktails prêts à déguster s’imposent sur le marché.

Vous avez peut-être déjà aperçu ces petites bouteilles colorées sur les étagères de votre caviste ou dans les rayons de votre épicerie fine. Si ce n’est pas encore le cas, vous n’échapperez probablement plus très longtemps au phénomène ready to drink, ces cocktails prêts à déguster de plus en plus nombreux sur le marché. Dans les années 90, ils ont déjà tenté une percée, sans succès. À l’époque, on parlait de prémix. Mais ce n’est pas seulement à cause de leurs noms que ces cocktails alors commercialisés en grandes surfaces ne sont pas entrés dans les annales du bon goût. C’est plutôt du côté de leurs recettes qu’il faut se pencher pour comprendre pourquoi ces drinks ne nous ont pas laissé un souvenir impérissable. Des spiritueux cheap, du sucre à gogo, des additifs en pagaille : tout était réuni pour que cette nouvelle catégorie n’émerge pas en France. On se demande d’ailleurs comment les industriels ont pu imaginer convaincre les consommateurs avec ce type de produits dans un pays où le vin est roi et la culture cocktail proche du néant. Depuis, les temps ont bien changé. La scène cocktail française a fait sa révolution et on ne compte plus le nombre d’amateurs de Negroni ou de Manhattan dans l’Hexagone. Depuis, les cocktails prêts à déguster misent sur un positionnement premium pour se faire une place sur le marché très convoité des “nouvelles boissons”. Depuis, la crise sanitaire qui a entraîné pendant plusieurs mois la fermeture des restaurants et des bars est passée par là… D’ailleurs, aujourd’hui, selon une étude Nielsen, 82 % des Français consomment plus ou moins régulièrement des cocktails. Si ce sont surtout les 25-44 ans qui sont adeptes de ces “boissons mélangées”, toutes les générations se laissent volontiers tenter. Les Français affirment même en siroter aussi bien dans les bars à cocktails, les bars d’hôtels et les restaurants (80 %) qu’à domicile (70 %).

Le développement de la tendance “hometail”

Lorsqu’il a dévoilé Balbine Spirits en 2016, une gamme de cocktails prêts à déguster qui compte cinq références – Negroni, Americano, Old Fashioned, Boulevardier et Manhattan (50 cl, entre 18 % et 25 %, 29 €) –, Julien Maingraud a été l’un des premiers se lancer dans l’aventure des ready to drink. Nighthawks et Ely’s ont suivi la même voie. Une voie encore discrète, pour ne pas dire confidentielle. Il y a deux ans, le lancement du Barteleur par Nicolas Varnier et Philippe Di Méo a fait davantage de bruit. Il faut dire que leur collection qui twiste les grands classiques est très aboutie et ultra lookée. Les deux complices ont également eu la bonne idée de miser sur des spiritueux français pour élaborer leurs short drinks : un argument de séduction supplémentaire. Avec leur Negroni pimpé par des notes de fenouil, de carvi et d’aneth ; leur Manhattan joliment marqué par les épices ; leur Mai Tai à l’exotisme rafraîchissant avec ses notes de kumquat et de yuzu ; et leur Hanky Panky envoûtant avec ses notes herbacées et poivrées et sa pointe de bois de santal, ils ont su convaincre bon nombre d’amateurs de cocktails (70 cl, entre 23,5% et 27%, entre 35 € et 44 €) . «Les cocktails ready to drink, c’est une catégorie un peu alternative comme les rhums arrangés, explique Thierry Bénitah, le Pdg de La Maison du Whisky qui distribue désormais Le Barteleur. Les gens n’ont pas vraiment le temps, ni le matériel pour les faire eux-mêmes : ils ont pourtant envie d’avoir accès à l’univers du bar à cocktails et à ses produits festifs à domicile. Il y a cinq ans déjà, Masters of Malt avait lancé une gamme de ready to drink que nous commercialisions. J’aimais beaucoup les produits, j’y croyais vraiment, mais c’était beaucoup trop tôt pour le marché français. Depuis, il y a eu la crise du Covid et les bars à cocktails ont proposé des cocktails à emporter. Aujourd’hui, le marché est prêt pour les ready to drink.»

Avec les confinements successifs, la tendance “hometail a en effet pris de l’ampleur. Pendant ces “lockdowns”, que ce soit à Paris, à Lyon, à Toulouse ou encore à Marseille et à Lille, de nombreux bars à cocktails ont mis en place une carte de cocktails à emporter. Les bartenders ont également été très actifs sur les réseaux sociaux et n’ont pas hésité à partager leurs recettes. Les Français, qui se sont activés en cuisine et se sont même aventurés à élaborer leur propre pain, n’ont pas hésité à jouer les mixologues en herbe. Mais, avec le retour à une vie à peu près normale, si le cocktail à domicile est une réalité, en dehors du Gin Tonic ou du Spritz, rares sont les amateurs qui tentent des créations plus complexes. Parce qu’ils ne sont pas équipés du matériel nécessaire. Parce qu’il manque toujours une bouteille pour pouvoir réaliser le drink tant convoité. Et parce que la mixologie, c’est un peu comme la pâtisserie : mieux vaut s’en tenir à la recette et éviter les impros toujours périlleuses. Alors, maintenant que les bars ont rouvert et remballé leur offre à emporter, pour se faire plaisir “at home” avec un cocktail pointu, les ready to drink tombent à pic. D’autant que de nouvelles marques sont arrivées sur le marché.

De nouvelles marques très premium

Nicolas Julhès, le fondateur de la Distillerie de Paris, pour qui l’expérimentation est un véritable mode de vie, a créé Karini avec l’équipe du Little Red Door, l’un des bars à cocktails français les plus créatifs. Vu le profil de la team, ne vous attendez pas à des classiques revisités. “What if the christmas spirit is real ?”, leur première création sortie à l’occasion des fêtes de fin d’année, promettait l’esprit de Noël en bouteille. Élaborée à partir de cannelle, de clou de girofle, d’orange de Séville, de cardamome, de réglisse, d’eucalyptus et de poivre rouge du Cambodge, elle était parfaite pour pimper un Gin To ce qui demandait tout de même un peu de boulot. Cet été, ils ont sorti Karini Rosé né de l’assemblage d’une infusion de fruits distillés et d’une macération de coquelicot, le tout gazéifié (75 cl, 13,5%, 26 €). Une création très fraîche qui, cette fois, se déguste simplement avec des glaçons, un peu à la façon d’un rosé piscine.

 

Dugas, un acteur majeur de la distribution de spiritueux, s’est également lancé dans l’aventure ready to drink en créant sa propre collection baptisée Hybou. Dévoilée ce printemps, cette nouvelle gamme se compose de cinq recettes, des grands cocktails classiques revisités par le bartender Pedro Martinez, qui sont élaborés à base de spiritueux premium de son portefeuille : Metropolitan Manhattan, Tropical Negroni, Gimlet Normand, Ruby Rumble Sour et L’Aperitivo (70 cl, entre 17,5% et 30,5%, 35 €). «Nous avons tous un goût différent et il y a peu de cocktails qui font l’unanimité auprès de tous les palais. Ayant travaillé derrière le comptoir pendant de nombreuses années, j’ai appris à reconnaître quelques profils et typicités prédominantes. J’ai pris le parti d’exploiter des saveurs hétérogènes pour créer un panel de recettes variées qui séduira plusieurs palais», explique le créateur des recettes.

L’autre marque avec laquelle il va falloir compter, c’est My Cocktails qui a vu le jour à Grasse. Après avoir créé son gin 44°N, Comte de Grasse a en effet lancé une collection de ready to drink qui revisite elle aussi les grands classiques comme le Negroni, le Martini, l’Aviation ou le Gimlet. Divine Orange, Explosion Florale, Baies Sauvages, Agrume Doré ou Fraise Suave : ces nouvelles créations ont été imaginées par Marie-Anne Contamin, la maître distillatrice, avec la complicité de David Palanque, le chef barman du Harry’s Bar de Cannes, Meilleur Ouvrier de France 2019 (25 cl, entre 29,3% et 31,7%, 15 €). «Avec My Cocktails, nous souhaitons offrir une approche différente de notre gin 44°N dans un format plus facile à explorer qui puisse à la fois séduire les connaisseurs mais aussi plaire aux novices à la recherche de découverte, raconte Audrey Mathey, la brand ambassadrice. Comme pour donner naissance à notre gin, nous avons intégré le savoir-faire de la parfumerie pour imaginer les recettes avec un souci d’équilibre et de contraste. D’ailleurs, les noms de nos créations évoquent l’univers du parfum. En plus de notre gin, nous avons travaillé essentiellement avec des spiritueux français. Les recettes de nos cocktails qui sont très colorés et très cristallins ne contiennent aucun colorant, ni conservateur.» Thierry Richard, le fondateur de la société de distribution Vintage Spirit Garage, bien connu des professionnels du monde du bar pour son talent de dénicheur, grand amateur de cocktail, lance lui aussi un Negroni ready to drink baptisé Dr Morfos.

Quand les bartenders entrent en scène

Un autre acteur, et pas des moindres, a également fait son arrivée sur le marché des ready to drink cet été : Chandon avec Garden Spritz : «une innovation qui redéfinit l’univers du Spritz» revendique la marque de vin mousseux propriété de LVMH (70 cl, 11,5%, 20 €). Ce Spritz ready to drink est le fruit d’un assemblage de Chandon brut produit à Mendoza, sur les contreforts des Andes argentines, auquel est ajouté un macérat produit à partir d’extraits naturels d’écorces d’oranges, d’herbes et d’épices, sans aucun arôme de synthèse, ni colorant artificiel. Aperol est également entré en scène. Même si elles ne sont pas encore disponibles en France, le célèbre bitter, qui est à l’origine du succès de ce cocktail originaire d’Italie, est également au rendez-vous des ready to drink avec ses petites bouteilles de Spritz individuelles.

 

Quant aux bartenders, s’ils ne proposent plus de cocktails à emporter, certains n’ont pas totalement abandonné le ready to drink à l’image de Marc Bonneton. À la tête de L’Antiquaire et de L’Officine à Lyon, il est même passé à la vitesse supérieure avec le lancement de Cockorico. Negroni, Gin Garden, Espresso Martini, Porn Star Martini, South Beach, Moscow Mule, Cosmopolitan, Clear Milk Punch : s’il propose ses créations en fûts pour les professionnels, il a également imaginé une collection en bouteilles pour les particuliers (entre 50 cl et 70 cl, entre 12% et 24,5%, entre 29,90 € et 35,90 €). Germain Canto et Flavien Faure, qui officient derrière le comptoir du Bar Louise, le premier bar à cocktails à ouvrir à Cognac en 2012, ont aussi développé une gamme de ready o drink, Airmail Cocktail, qui se distingue avec six créations inédites (entre 27 cl et 54,5 cl, entre 12,5% et 17%, entre 15 € et 28 €). De son côté, la team de l’Experimental Cocktail Club, considérée comme la pionnière du renouveau du cocktail dans l’Hexagone, s’apprête à dévoiler sa collection de ready to drink baptisée Travellers Cocktails, créée en collaboration avec La Maison du Whisky. Paris, Venezia, New York : les trois premières créations du trio à la tête de l’Experimental Group rendent hommage aux villes où ils ont ouvert un hôtel et elles ont la particularité de dévoiler l’ensemble des spiritueux composant leurs recettes sur leurs étiquettes.

Maintenant que vous avez l’embarras du choix côté ready to drink, il ne vous reste plus qu’à sortir vos plus beaux verres, à soigner vos glaçons – n’oubliez pas que plus vos glaçons sont gros, plus la dilution sera lente – et à déguster ! Évidemment un cocktail ready to drink ne remplacera jamais l’expérience dans un bar entouré de ses amis mais cela peut permettre à certaines personnes de découvrir l’univers de la mixologie. Avec le développement des ready to drink, la démocratisation du cocktail est enfin en marche.

Par Cécile Fortis

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