Sept single malts et cinq rhums, sortis à la louche dans l’année et pour la plupart ces dernières semaines : voyez comme Whisky Mag vous gâte. S’il vous prenait l’envie de piocher dans cette sélection pour la Fête des Pères, nul ne vous en voudra. Si vous comptez vous la jouer perso, personne ne vous le reprochera.
Twelve Basalte
Le premier batch avait placé la barre en altitude, le second se montre à la hauteur. La distillerie Twelve n’en finit pas de nous réjouir avec son whisky d’Aubrac. Assemblage des single malts de 3 ans vieillis dans 5 types de fûts (porto, bordeaux rouge, calvados, rhum, chêne neuf), la deuxième mise de Basalte se goinfre de notes de noix et d’amande amère, de fruit riche, de raisins secs au miel. Et… essuyez-moi ce petit filet de salive qui s’échappe de la commissure des lèvres rien qu’à la lecture.
50 cl, 48%, environ 70 €.
Distillerie de Paris Rice Whisky
D’abord les touches florales, les épices affûtées, puis la rondeur du biscuit, la fève tonka gourmande mais point trop, le sureau, les effleurements d’agrumes, et enfin le boisé typique de la Distillerie de Paris. Elaboré à base de riz camarguais, ce whisky de riz (du saké distillé, donc) inédit et original ouvre une nouvelle voie dans le bouillonnement créatif du whisky français. Attention, il est livré au compte-gouttes (240 bouteilles).
50 cl, 43%, environ 70€.
Waterford Single Farm Origin Lakefield 1.1
La distillerie irlandaise poursuit son exploration des micro-terroirs avec une orge (variété Irina) cultivée par la ferme de Lakefield, au centre de l’île, sur de petites parcelles limoneuses cloisonnées et vallonnées. Embouteillé à 3 ans et 7 mois, le premier batch souffle d’abord un nez très floral, qui s’ouvre sur des notes pâtissières à mesure qu’il prend l’air. On retrouve en bouche la patte de Waterford, le malt tendre et la texture grasse, sur un fruité subtil et rondouillard. Un whisky vivant, planté dans la terre autant que dans le verre.
70 cl, 50%, environ 80 €.
Nc’Nean Organic Single Malt
Dans la beauté sauvage d’un bout du monde des Highlands de l’ouest, sur un lambeau de côte déchiqueté (pléonasme, car on cherche encore les rivages rectilignes en Ecosse) se planque la distillerie Nc’Nean. Derrière cette distillerie, il y a une femme, Annabel Thomas, une orge intégralement cultivée en bio et toute une philosophie ancrée dans le développement durable. Les ingrédients qui se combinent à des modes de fabrication doux pour élaborer un whisky plein de tendresse, un plein panier de fruits du verger, de pousses de céréales sucrées, de fruits secs épicés avec délicatesse. Superbe.
70 cl, 46%, environ 70 €.
Hautefeuille Esquisse n°5
Sans le moindre doute l’une des plus prometteuses en France, la petite ferme distillerie picarde sème avec précision des cuvées qui tournent autour de la notion de terroir et, pour la série Esquisse, tracent un chemin vers la parcelle. Le n°5 fond avec onctuosité des notes pâtissières sur une orge tendre et des fruits confits riches, gourmand mais pas tapageur, même si la finition en fûts de PJ (du PX écrit à l’espagnole) imprègne bien le jus. Attention, édition tout aussi recommandée que limitée (2.000 quilles).
70 cl, 43,3%, environ 49 €.
Vivant Silène
Silène, c’est le nom du whisky et Vivant, celui de quelques bonnes volontés qui ont joint leurs forces pour produire des alcools respectueux de la nature. Avec son nom de papillon des bois ou de dieu grec murgé, Silène éclot en Charente à la distillerie Bercloux avec une orge bio cultivée et maltée dans les parages, avant de vieillir sous chêne français. Un CV de premier de la classe ! Il roule en bouche avec le fondu des réductions lentes, les fruits jaunes léchant le tilleul, le miel d’acacia et une volée d’épices, avant de s’échapper en douceur. “Faire de chaque gorgée une offrande à la terre”, propose la contre-étiquette, mais si je puis vous suggérer mieux : la boire.
70 cl, 41, 2%, environ 50 €.
X by Glenmorangie
Vous l’achèterez, parce qu’en temps normal pour ce prix on ne décroche même pas un pin’s chez LVMH. Et vous l’offrirez, car ce n’est pas un single malt de dégustation. X a été pensé sans complexes pour les cocktails – et, oui, moi aussi j’ai d’abord pouffé. Puis j’ai testé le Glenmo x pamplemousse (whisky, jus de pamp’, sirop d’érable, glace, le tout topé d’eau gazeuse), et cela fonctionne joyeusement dans une carambole de notes… de poire – don’t ask. La joie classée x est parfois bien agréable.
70 cl, 40%, environ 25 €.
HSE Whisky Kilchoman Cask Finish 2013
Pour faire la transition entre le malt et la canne à sucre, et si vous posiez les lèvres sur un rhum tourbé ? OMG mais pourquoi, allez-vous me demander. Parce que, vais-je vous répondre. Parce que c’est HSE, parce que c’est Kilchoman. Parce que leurs âmes se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles s’effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. D’à peu près Montaigne, mais vous voyez où je veux en venir.
50 cl, 44%, environ 68 €.
Neisson 15 ans batch 3 (2020)
Si vous trouvez un billet de 500 (je n’en ai jamais vu mais il paraît que cela existe), misez-le sur cette bouteille. Les yeux fermés. Les sens en alerte. Et apprêtez-vous à affronter l’un des plus beaux puzzles aromatiques du rhum. La tâche n’aura rien d’aisé, je préfère vous avertir : elle a déjà quasiment disparu, haut potentiel collector oblige. Mais, bon, les billets de 500 aussi paraît-il…
70 cl, 48,7%, prix très fluctuants à partir de 360 €.
La Favorite La Digue 2020
La preuve qu’un simple Ti-Punch peut vous faire escalader en une gorgée 7 cieux jusqu’au paradis se trouve en Martinique. Laissez la canne subtile se déshabiller voile après voile, les notes d’agrumes, les zestes de citron, le pamplemousse percuté de poivre. Laissez cette douceur incroyable porter le roseau fruité, encouragée par la réglisse, le tilleul, les baies roses, le poivre noir, à peine un soupçon d’amertume. La seconde édition de ce monovariétal 100% canne roseau tutoie les sommets. Allez, deuxième gorgée, reste à toucher les étoiles.
70 cl, 52%, environ 40 €.
Sampan Full Proof
Oui, au niveau watts, on peut craindre l’électrocution. Mais, surprise, pas la moindre brûlure ne se fait sentir, ni à l’olfaction ni en bouche, tant l’alcool est parfaitement intégré pour porter l’aromatique gourmande de canne confite, de mangue mûre, de poire et de fleurs blanches posée sur une matière exceptionnelle. La Distillerie d’Indochine, au Vietnam, nous livre une bombe fruitée pur jus hyper expressive, embouteillée brut de décoffrage, à dégoupiller en daïquiri explosif pour démater papa.
70 cl, 65%, environ 65 €.
Navi Cassiopée
Avec l’ambition de réunir le meilleur de deux mondes – le bar et la dégustation –, Alexandre Beudet (fondateur d’Excellence Rhum) et Baptiste Bochet (Fondateur des ateliers colada.fr) tendent la main aux amateurs de “ron latino” en proposant des “navi rhums” french touch édulcorés d’une main légère et logés dans de plaisantes carafes. Cassiopée assemble donc des jus barbadiens et jamaïcains titillés de grand arôme martiniquais. Les fruits exotiques caramélisés percutent les oranges confites et le cacao, avec une ambition dévorante : vous culbuter un Mai Tai de dingue. J’ai tenté. Je navigue encore, à la dérive. Surtout, ne venez pas me chercher.
70 cl, 41,5%, environ 46 €.
Par Christine Lambert