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Porté par le succès de la gastronomie japonaise mais aussi par l’engouement pour les whiskies nippons, le saké séduit de plus en plus de Français. À commencer par les chefs et les sommeliers ou encore les bartenders. Il faut dire que cette boisson d’une grande subtilité offre une palette aromatique unique et se marie très bien avec la gastronomie qu’elle soit française ou japonaise.

Elle y songeait depuis de nombreuses années : c’est désormais chose faite. Au mois d’avril, Dassai, la célèbre maison de saké japonais, a enfin inauguré son adresse parisienne. À la fois pâtisserie, salon de thé, restaurant et bar à saké, ce nouveau lieu a été imaginé avec la complicité de Joël Robuchon, l’un de nos plus grands chefs français. Un artiste des fourneaux qui peut revendiquer pas moins de vingt-sept étoiles au Guide Michelin, dont sept à Tokyo. Mais ce n’est pas uniquement pour son talent que Hiroshi Sakurai, à la tête de Dassai, s’est associé avec Joël Robuchon pour ouvrir le tout premier flagship de sa maison. Son choix a également été guidé par l’attachement qui, depuis de nombreuses années, lie le chef français au pays du Soleil Levant. Si, pour Dassai, cette ouverture s’impose naturellement comme un moment fort de son histoire, un pari sur l’avenir, il s’agit aussi d’un véritable événement pour le monde du saké. Une catégorie à part, encore méconnue du grand public, qui ne cesse de faire des adeptes en France. Pour preuve, en cinq ans, les exportations de saké du Japon vers la France ont fait un bond de + 161 % en volume et + 238 % en valeur. Une très jolie performance dans un pays où le vin est roi.

La promesse d’accords inédits

Les prestigieux chefs français, Joël Robuchon en tête, ont été les premiers à tomber sous le charme de cette boisson japonaise ancestrale élaborée à base de riz et d’eau. D’ailleurs, quelques jours après l’inauguration de la boutique Dassai, Yannick Alléno dévoilait L’Abysse, son “comptoir à sushis moderne” installé au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen. Avec un nom faisant référence aux profondeurs des mers, sa nouvelle table rend un bel hommage au Japon, un pays dont l’excellence en matière de poisson fait l’unanimité. Pour l’accompagner dans cette aventure, il a fait appel à Yasunari Okazaki, un maître sushi japonais réputé. L’Abysse peut également se targuer de proposer l’une des plus belles cartes de sakés de France. Une carte qui réunit déjà une vingtaine de références, dont des bouteilles très rares, et doit rapidement s’étoffer.

Nos talentueux sommeliers, qui règnent en maîtres sur les caves des palaces parisiens et autres tables étoilées, ont également succombé au raffinement et à la délicatesse du saké. Xavier Thuizat, chef sommelier de l’hôtel de Crillon, fait partie de cette nouvelle génération de professionnels du monde du vin à s’être laissé séduire par le saké. Au-delà de mettre le saké à l’honneur de la carte de L’Écrin, il préside également le Kura Master, le premier grand concours de sakés japonais jamais organisé en France. L’Argentine Paz Levinson, l’une des plus grandes sommelières du monde, qui fait partie de notre équipe de dégustateurs et vient de rejoindre la team d’Anne-Sophie Pic en tant que chef sommelière exécutive, est elle aussi une grande amatrice de saké. Grâce à eux, depuis quelques années, il part à la rencontre de la gastronomie française et, il faut bien le reconnaître, en termes d’accords, il offre de nouvelles perspectives et des émotions inédites.

Aujourd’hui, le saké a même trouvé sa place sur les cartes de nos bartenders, qui ont su redonner ses lettres de noblesse à la scène cocktail française. Tentez l’expérience à La Mina (Paris 2e), chez Danico (Paris 2e), chez Fréquence (Paris 11e) ou encore à la boutique Dassai (Paris 8e) où le saké est également proposé en version cocktail. Cette année, grâce à Thomas Girard, l’un des consultants les plus pointus du monde du bar, le saké a même fait une entrée remarquée dans la sélection du Bar des Innovations du salon Cocktails Spirits. Une grande première qui prouve une fois encore la montée en puissance du saké en France. Mais si la boisson japonaise a incontestablement le vent en poupe, les clichés ont toujours la vie dure. Trompés par les pseudo restaurants japonais, ayant l’habitude d’offrir un spiritueux de piètre qualité dans un verre coquin à la fin du repas, nombreux sont ceux qui pensent encore que le saké est une boisson distillée. Il s’agit pourtant d’une boisson fermentée dont le titre alcoométrique dépasse rarement 16%. Vous l’aurez compris, le saké est une catégorie vraiment à part qu’il faut prendre le temps de découvrir.

Une boisson complexe et subtile

Toshiro Kuroda, le regretté fondateur de l’épicerie Workshop Issé dans le 2e arrondissement parisien, a longtemps œuvré pour faire découvrir aux Français toutes les subtilités du saké, cette boisson dont le processus d’élaboration basée sur une double fermentation est très technique et complexe. Il est d’ailleurs à l’origine de la démocratisation de la boisson nippone en France. Youlin Ly, le fondateur de La Maison du Saké, et Sylvain Huet, le créateur du Salon du Saké et de l’Académie du Saké, font également partie de ces connaisseurs tout aussi pointus que passionnés toujours prêts à partager leurs connaissances.

Les importateurs, de plus en plus nombreux à miser sur le saké, jouent aussi un rôle essentiel dans son développement en France. Grâce à La Maison du Whisky qui distribue la maison Dassai, Dugas qui commercialise les sakés d’Hiroshima et Whiskies du Monde qui importe les sakés Ichidai Misen, Ichiban Shizuku et Omachi Mai mais aussi des acteurs spécialisés à l’image de Madame Saké réputée pour avoir le portefeuille de producteurs le plus pointu du marché français ou encore Perles du Monde, qui représente Enter Saké, le choix de sakés disponibles sur notre marché ne cesse de prendre de l’ampleur. De quoi éveiller la curiosité des consommateurs.

Si désormais le saké trouve assez facilement sa place sur les cartes des restaurants français, le découvrir dans des restaurants japonais est aussi très appréciable d’autant que de nombreux chefs nippons extrêmement doués ont élu domicile à Paris. C’est surtout l’occasion de le consommer dans des verres traditionnels japonais, qui ont naturellement une influence sur la dégustation. C’est également dans les adresses japonaises que vous aurez l’opportunité de goûter des sakés à différentes températures : une approche très intéressante pour découvrir toutes les facettes cette boisson. Jin, 1 étoile au Guide Michelin, fait partie de ces tables japonaises incontournables. Pour sa carte de sakés bien sûr mais aussi pour les incroyables sushis et sashimis du chef, Takuya Watanabe. Quant à Ryohei Kawasaki, aux manettes de Ken Kawasaki, également étoilé, sa carte donne la part belle aux sakés d’Hiroshima, la région où il a grandi.

Ryoko Sekiguchi, écrivain et journaliste culinaire, qui vient de publier Le Voyageur affamé, Le Japon à Paris aime aussi s’attabler chez Abri Soba. Comme son nom l’indique, ce comptoir nippon imaginé par Katsuaki Okiyama met à l’honneur les nouilles au sarrasin servies chaudes ou froides. Mais ce sont surtout ses petites assiettes inspirées, rappelant à Ryoko son Japon natal, qu’elle aime partager en compagnie d’une bouteille de saké. Sagan ouvert il y a un an par l’équipe de l’izakaya Lengué (devenue Beige mais toujours fidèle à l’esprit izakaya et sa jolie carte de sakés) fait également partie de ses spots favoris en particulier pour leur sashimi de cheval à savourer avec un verre de saké.

Sylvain Huet, de son côté, a eu un véritable coup de cœur pour Enyaa du chef Daisuke Endo, venu de Kyoto. Une adresse qui ne manque pas d’originalité puisqu’on y déguste de très beaux plats japonais mariés à du saké ou… du champagne. Plus étonnant encore, Capri Bazar. Si cette épicerie fine revendique fièrement ses origines italiennes que ce soit à travers sa jolie sélection de produits qu’il s’agisse de charcuteries, de fromages ou encore de pâtes, ou même son équipe toujours partante pour discuter en VO, elle peut être très fière de sa sélection de sakés d’artisans. D’ailleurs, chez Capri Bazar, le yuzushu Hoôbiden, une liqueur japonaise élaborée à base de saké et de yuzu, a même détrôné le limoncello des étagères. Si ce n’est pas un signe de la montée en puissance du saké en France, ça y ressemble – très – fortement.

Par Cécile Fortis

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