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D’aussi loin que peuvent être produits les whiskies de Sullivans Cove, leur justesse et leur équilibre nous sont étrangement familiers dès la première dégustation. La destinée de cette distillerie de Tasmanie attise la curiosité autant qu’elle excite nos papilles. Lors du récent passage de Heather Tillott, la distillatrice en chef et blender maison, Whiskymag.fr s’est penché sur l’intrigante épopée de cette minuscule distillerie du bout du monde.

C’est sur les ruines d’une ancienne briqueterie d’un quartier d’Hobart, qu’est né Sullivans Cove. Personnage central de cette histoire : Bill Lark. L’homme parvint à faire annuler une loi interdisant la production de whisky en Tasmanie alors en vigueur depuis 1838.

La cause ? Une loi émise par un gouverneur zélé mettant fin à la distillation sur l’ensemble de l’île. Le prétexte ? Une mauvaise influence sur la colonie. Précisons que les colons d’alors sont en majorité des militaires et des bagnards. Un mix social qui, au contact de la gnôle, en ce début du dix-neuvième siècle et à l’autre bout du monde, est très certainement vite devenu ingérable. Résultat : 150 ans de sécheresse pour les papilles !

En 1990, le fameux Bill Lark, fougueux entrepreneur, fait annuler la loi et établit la distillerie Lark, relançant ainsi en 1992 la distillation en Tasmanie.

L’Ecosse du bout du monde

Quand on y pense, l’État insulaire de 70 000 km² situé au sud-est de l’Australie, bénéficie d’un climat océanique (doux, humide et pluvieux) et dispose en abondance d’eau pure des montagnes et de terres fertiles pour la culture de l’orge. Un bout d’Ecosse à 30 heures de vol d’Edimbourg. Lark ravive une flamme qui ne demandait qu’à être rallumée. 

 En 1994 Sullivans Cove voit le jour, et si les débuts sont peu prometteurs, l’entrée en scène de Patrick Maguire en 1999 remet en selle la fabrication. Il quadruple alors la production et améliore considérablement la qualité des whiskies et de fait, l’image de la marque.

En 2004 l’alambic déménage à Cambridge, dans la banlieue d’Hobart, non loin de la Cascade Brewery qui malte l’orge issu des champs du nord de l’île, donnant aux whiskies une structure huileuse et florale. 

Avec le American Oak, Sullivans Cove reçoit en 2007 le prix du meilleur single malt (whiskies hors d’Écosse) aux World Whiskies Awards à Londres.

En 2014, les mêmes World Whiskies Awards décernent le meilleur single malt du monde au fût numéro HH0525, un nom de code désormais indissociable du whisky de Tasmanie.

Aujourd’hui Sullivans Cove est surtout connu pour ses whiskies Single Cask primés.

“Nous construisons nos lots Double Cask comme vous pourriez créer un parfum, chaque fût représentant un élément critique du produit final.”

Figure de cette nouvelle génération à la tête de la distillerie, passionnée autant que  passionnante, Heather Tillott pilote Myrtle, l‘alambic de type charentais fabriqué sur l’île. “La première distillation produit des « low wines » d’environ 20% rechargés ensuite dans l’alambic pour le « spirit run » titrant lui à 70%” commente Heather.

Passe ensuite l’étape de la dilution de l’eau-de-vie à 63,5 % d’alcool. La majorité des whiskies sont ensuite vieillis dans des fûts de chêne américain ex-bourbon de 200 litres ou des fûts de chêne français ex-tawny de 300 litres. Les fûts vieillissent pendant neuf et dix-huit ans.

“…il faut rester à l’écoute de chaque fût. Certains d’entre eux veulent être autonomes – ils sont complexes, bien arrondis, bien équilibrés et intéressants, ce sont ceux que je considère comme des vedettes, des superstars. Mais ces fûts sont minoritaires, ce sont nos Single Casks. La majorité des fûts, en revanche, sont excellents lorsqu’ils sont jumelés à plusieurs. Ce sont les joueurs en équipe, ils travaillent ensemble et se complètent”.

L’excellent travail opéré par Heather et ses équipes se reflète notamment à la dégustation du Double Cask. Une combinaison de fruits exotiques (litchi) et de d’eau de rose tout en subtilité sur le nez, de la violette en bouche pour une texture d’une incroyable souplesse et une finale florale. Un réel moment de plaisir !

Fin 2020, avec une nouvelle génération de distillateurs, la distillerie s’installe sur un nouveau site au bord de la rivière Derwent, à quelques mètres du site d’origine de la distillerie. Il surplombe la zone où les premiers bagnards ont débarqué à Sullivans Cove.

On pourra donc, sans hésiter, se pencher sur les prochains embouteillages et se dire qu’au final, le whisky est aussi bon ici qu’à l’autre bout du monde. 

4 Questions à Heather Tillott : 

Comment avez-vous débuté le whisky ?

Je viens du vin à la base et puis j’ai déménagé en Tasmanie en 2015. Il y avait ici une communauté de producteurs de whisky petite mais passionnée et finalement en échangeant  avec eux j’appris que le poste de distillateur chez Sullivans se libérer. J’ai postulé et je n’ai pas regretté !

Pourriez-vous décrire une de vos journées types ?

Nos journées commencent toujours par le démarrage de notre alambic (que nous appelons affectueusement Myrtle), suivi de notre panel de dégustation, où nous sentons et dégustons des échantillons de fûts, afin de surveiller la maturité. Après cela, il y a une multitude d’opérations de maintenance sur l’alambic, la gestion de la cave, de réduction ou de post-maturation, la gestion et les relations fournisseurs. Et bien sûr, de nombreuses tasses de thé avec l’équipe.

Selon vous, en quoi Sullivan Coves se différencie t-il des autres whiskies ?

Je pense que la texture de nos distillats est l’une des caractéristiques les plus intéressantes. Nous faisons partie d’une communauté croissante de producteurs de spiritueux qui ne pratiquent aucune forme de filtration à froid, mais optent plutôt pour des techniques douces et lentes tout au long des processus de production privilégiant la texture finale des whiskies. La préservation de ces éléments assure une plus grande expression du terroir, et une belle expérience pour le consommateur ! Notre approche douce et réfléchie est très inspirée du Cognac, où chaque détail est soigné avec affection et des résultats extraordinaires.

Dites-m’en plus sur vos fûts – d’où viennent-ils ? Comment choisissez-vous le bois ?

Nous remplissons principalement des fûts de chêne américain ex-Bourbon, provenant directement du Kentucky, et des fûts de Tawny australiens, que nous achetons directement grâce à des relations avec des producteurs de vin fortifié australiens. Le bois et le liquide contenu précédemment (Bourbon, Tawny, Chardonnay, etc.) doivent être d’une qualité exceptionnelle. De même, la manière dont le bois est traité à la tonnellerie est déterminant pour le résultat du produit final. Nous travaillons donc exclusivement avec les meilleures tonnelleries d’Australie.

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