Après les whiskies la semaine dernière (ici), et avant la 3eet dernière salve à venir incessamment sous peu, voici quelques idées d’offrandes alcoolisées sélectionnées avec soin, à poser en cercle autour du sapin en psalmodiant pour que l’année se termine (enfin !) en beauté.
6 ou 7 rhums
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Mount Gay The Port Cask Expression
La plus-ancienne-distillerie-encore-en-activité (le mémo est ici, en direct de la Barbade) nous livre une expression très généreuse, très concentrée, avec cet assemblage de rhums de colonne vieillis en fût de porto Tawny, et de rhums distillés à repasse mûris en fûts de whiskey américain puis affinés en fût de porto Tawny. Laissez-lui le temps de se fondre dans le verre pour exulter les fruits secs (prunes, pruneaux, dattes), fruits à coque, vieux cuir, avant de le saisir à pleine bouche dans toute son onctuosité, avec le toffee moelleux, le cacao épicés qui se posent sur les marqueurs de l’olfaction. Un Bajan opulent, gourmand, sorti en édition limitée dans la Master Blender’s Collection.
70 cl, 55%, 150 €.
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HSE Port Cask Finish
On reste sur le porto (c’est à la mode), mais en finish et avec un rhum agricole cette fois (à base de pur jus, et non de mélasse comme le barbadien du dessus), distillé au Simon pour HSE en Martinique. Un nez qui met la barre sur les baies noires, les cerises à l’eau-de-vie aguichées de chocolat, de moka. Une pointe de miel et de réglisse s’invite à l’aération si vous parvenez à prendre votre temps. Quand on lui roule une pelle, on retrouve les mêmes notes enrichies de fruits secs, bien confits, roulés dans le chocolat. Un jus vibrant, opulent mais d’une grande fraîcheur, composé sur une base VSOP dopée par un finish de 8 mois en fûts de porto blanc et Tawny.
70 cl, 45%, environ 50 €.
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Neisson Profil 107 bio
Neisson poursuit son exploration de la canne bio et des chauffes de fûts avec un nouveau Profil qui ravira les adorateurs de la secte de la petite distillerie martiniquaise. Vieilli d’abord en fût de bourbon avant de passer par des barriques toastées sur mesure, le jus se faufile sur des notes beurrées de shortbread, de miel à peine vanillé, de fève tonka. La bouche se gorge d’abricots moelleux épicés, de jus de canne mûre saline, sans qu’à aucun moment on ne sente la brûlure de l’alcool, jusqu’à une finale astringente, titillée de réglisse et de chêne torréfié. Le rhum sous un profil flatteur.
70 cl, 53,8%, environ 80 €.
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Plantation Jamaïca single cask 2000 Clarendon MBK
Il va vous falloir ramer un peu pour les trouver, mais en matière de spiritueux la chasse ajoute parfois au plaisir. Dans la salve de single casks collaboratifs lâchée par Plantation à la rentrée, une paire de jamaïcains m’a fait de l’œil de façon appuyée. Un millésime 1996 (Long Pond ITP & HJC) affiné 6 mois en tonneau de rye new-yorkais de la NY Distilling Co (en rupture de stock), et un millésime 2000 (Clarendon MBK) qui a passé sa dernière année en barrique de vieux cognac Borderies. Celui-ci, en cherchant bien, y a moyen de moyenner. Floral (lilas, violette), rancioté, élégant en diable, voilà un Yardie très éloigné de la grosse caisse qui envahit le marché. Et à 115€ la quille de Jamaïque 20 ans, je ne comprends pas qu’il en reste une seule sur le marché.
70 cl, 51,6%, 115 €.
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Coffret Hampden 8 ans
La nouvelle icône jamaïcaine, Hampden 8 ans, se loge pour les fêtes dans un coffret en forme d’album en compagnie d’une paire de tumblers. Dans le flacon, un rhum de mélasse vieilli intégralement sous climat tropical, qui concentre un fruité mûr et exotique, une ossature épicée et torréfiée, et une gourmandise chocolatée. Les plus belles pages de la littérature ne se dévorent pas : elles se sirotent.
70 cl + 2 verres, 46%, 69,50 €.
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Sampan Overproof
Fraîchement embouteillé cet automne, le nouveau batch de rhum blanc de la Distillerie d’Indochine est un pur ravissement. Comme les précédents, il existe en versions (aussi réussies) 43% et Overproof 54%. Retenons celui qui envoie les watts, si vous le voulez bien, car justement, on ne les sent pas, les watts, tant l’alcool est finement intégré. Ce qu’on sent, rien qu’en le versant dans le verre, ce sont les arômes de jus de canne fraîche qui embaument littéralement la pièce. Sous une tension végétale montent la poire encore verte, la pêche blanche, enrobées d’une pointe fumée, avec une belle matière en bouche, sur le même registre que le nez, et une finale espiègle où le réglisse culbute le poivre. Un superbe boulot.
70 cl, 54%, environ 60 €.
3 armagnacs
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Domaine d’Aurensan Carré des Fantômes
Si vous cherchez un armagnac consensuel habillé de velours côtelé, passez votre chemin. Car ce Carré des Fantômes vous invite plutôt à une dégustation roots. Au quatuor ugni blanc, colombard, folle blanche et baco, cet assemblage ajoute 6 cépages disparus : meslier saint-françois, plant de graisse, mauzac blanc, mauzac rosé, clairette de Gascogne et jurançon blanc, que le Domaine d’Aurensan a ressuscités sur une même parcelle. Le nez hyper oxydatif, très atypique, à la fois floral et sur les noix, les olives noires, rencontre une bouche emplie de fruits secs (pruneau, tomates vertes), fruits à coque en pagaille, réglisse, caramel dur presque chocolaté, avant un kick salin. Sans édulcoration ni filtration, le goût du passé se révèle très attachant.
70 cl, 46%, 55 €.
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Dartigalongue Récolte 1993
Dartigalongue lâche le polyamour avec ses cépages de prédilection – baco, ugni-blanc et folle blanche – pour une liaison torride et monogame avec cette dernière, la bien nommée folle blanche. L’enfant a 27 ans, élevé en fûts de chêne gascon, lâché brut de coffrage pour que vous profitiez de son bouquet floral qui, avec une grande fraîcheur, laisse percer un fruit compoté giflé de bois exotique, d’épices nerveuses, de noisettes. En bouche, l’attaque est gourmande : sous le caramel dur très (trop ?) présent, on picore les fruits séchés épicés, la réglisse, la noisette, le toffee au beurre salé. “Darti”, le contrat de confiance à chaque fois renouvelé.
70 cl, 46,3%, 145 €.
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Laballe Eau de Vie
Une autre plongée dans le passé, avec cette Eau de Vie blanche qui vient rappeler qu’à l’origine l’armagnac n’était pas vieilli. C’était un remède miracle confié aux bons soins des médecins et apothicaires, un antidépresseur qui, disait-on, arrêtait les larmes de couler. En cette année 2020, avouez qu’on en a tous besoin. Le Domaine de Laballe a replanté le cépage folle blanche il y a 3 ans, en bio, sur 1 ha, pour élaborer cette potion florale exubérante qui s’est fondue 6 mois en cuve inox. Lâchez vos insipides vodkas : armagnac is back, posologie à discrétion.
70 cl, 43%, 45 € (1.300 bouteilles seulement).
3 gins
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135° East Hyogo Dry Gin
Ce très joli gin nous vient du Japon, de la jeune distillerie Kaikyo, fondée il y a 3 ans à Akeshi par une famille de brasseurs de saké (whisky on the way, guys…). Pas tout à fait une nouveauté, puisqu’il est sorti il y a tout juste un an en France en exclusivité chez Nicolas. Mais dès janvier, hourra, vous le trouverez chez tous les cavistes. C’est un London Dry, marqué par la baie de genévrier, franc du collier, tranchant comme on aime, qui tend un pont vers l’Orient en ajoutant à sa recette quelques aromates nippons – feuilles de shiso, poivre sansho, yuzu…). Avec ses notes d’agrumes électriques, il fait convulser les Gin To en un temps, trois mouvements.
70 cl, 42%, environ 35 €.
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Coffret Botanist
L’un de mes gins préférés, distillé sur l’île écossaise d’Islay (Mecque des single malts tourbés) par Bruichladdich. Clean, frais, délicatement floral et serti d’agrumes, il est repassé par Uggly Betty, l’un des mythiques alambics Lomond survivants. Saviez-vous que des botanistes amateurs se chargent d’aller récolter localement une grande partie des plantes, fleurs et racines nécessaires à son élaboration ? En clin d’œil à cette passion, la bouteille se glisse malicieusement dans une jardinière de métal blanc gravée à réutiliser pour vos plantations. J’ai rarement vu plus efficace incitation au jardinage.
70 cl + jardinière, 46%, environ 45 €.
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Brewdog Distilling Lonewolf Cactus & Lime
Vous appréciez les bières de la brasserie écossaise Brewdog ? Connaissez-vous leurs spiritueux ? L’équipe d’Ecossais azimutés nous a sorti plusieurs gins, parmi lesquels ce très original Lonewolf Cactus & Lime. Koi t’est-ce ? Leur gin signature a été redistillé avec du kaffir (un citron vert asiatique parfois appelé combawa) et des fleurs d’épiphylle (what ?), un cactus sud-américain dont les efflorescences puissamment odorantes s’épanouissent de nuit, juste avant l’aube. Au nez et en bouche, ces fleurs apportent des notes exotiques, de la mangue juteuse, qui s’harmonisent ici sur une gamme citronnée titillée d’essence de pin. Du pin, justement, y en a. C’est d’ailleurs le seul ingrédient écossais que la distillerie d’Aberdeen a retenu, au milieu du genièvre de Toscane, des zestes de pamplemousse et de citron, du poivre rose, des amandes, de la lavande… Un seul regret : 40°, c’est un poil juste. A siroter sur glace assis sur un cactus. Pour le fun.
70 cl, 40%, 39 €.
1 porto
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Andresen Colheita 1980 (40 ans) Special Selection
Une merveille que cette cuvée anniversaire célébrant les 40 ans du distributeur Dugas. Que dis-je, une tuerie. Ce colheita, assemblage d’une année 1980 exceptionnelle, livre avec volupté, une fraîcheur et une complexité inouïes ses notes de noix fraîche, d’épices troublantes, de fruits secs parfaitement fondus. Attention, 500 bouteilles seulement, à un prix ridicule compte tenu de la qualité et de la rareté du liquide, laissé en sommeil pendant quarante ans en fûts fatigués.
50 cl, 20%, environ 70 €.
3 cognacs
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Coffret Frapin VSOP
Chacun·e ses tics. Vous, vous vous grattez peut-être l’oreille dans le train ; moi, je ne peux pas dresser une liste de Noël sans un flacon de Frapin. J’ai essayé, croyez-moi : pas moyen. Le VSOP, vous le connaissez par cœur, tendu comme une arbalète avec sa trame florale enrichie de fruits, asticotée d’écorces d’orange confits et réveillée d’épices affutées, parfaitement intégrées. Mais, ô joie, la carafe se glisse pour les fêtes dans un joli coffret dont l’ouverture vous occupera 20 mn tant les éléments sont bien emboités, livré avec 2 verres tulipes aux armoiries de la maison. Cœurs sous le sapin..
70 cl + 2 verres, 40%, environ 80 €.
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Rémy Martin XO édition Gold
Le cognac dans sa version statutaire, celle qui a fait la réputation d’excellence des grandes maisons à travers le monde. L’iconique flacon du XO s’habille pour les fêtes d’un coffret et de reflets d’or qui fera bel effet au pied du sapin. Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est le liquide qui lui donne toute sa valeur : son fondant de velours, ses attaque florale, son fruité riche et intense sur lequel s’accrochent les épices en myriades et les fruits à coque bien secs. Un XO (les eaux-de-vie de l’assemblage ont au moins 10 ans) traditionnel, qui apprécie qu’on le culbute en douce en Old Fashioned.
70 cl, 40%, 215 €.
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Planat Overproof
Les as du shaker vont adorer ce jeune cognac livré en version doigts dans la prise, à 65%. Son profil intensément exotique (des fruits tropicaux en pagaille) et sa pêche (pas le fruit, la patate – mais pas le légume non plus) apportent un twist miraculeux sur les Tikis. Achat hautement recommandé !
70 cl, 65%, environ 90 €.
1 liqueur
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Amaretto Adriatico Bianco et Roasted
Pas tout à fait nouveau-nouveau puisque sorti en 2019, mais avec les diverses surprises que nous a réservées 2020, vous êtes certainement passés à travers. Et c’est ballot. Adriatico nous vient d’Italie, des Pouilles, et cette jeune marque d’amaretto aux ingrédients naturels revisite avec bonheur la célèbre liqueur aux amandes avec 2 versions : un Bianco lacté, doux et crémeux (les amandes pilées sont macérées) et un Roasted intense, salin, et précis (qui intègre un distillat d’amande). C’est curieusement ce dernier qui, à l’olfaction, vous plonge les narines dans le pot de colle Cleopatra de l’enfance (les vrais savent). A savourer sec, à l’ancienne en digeo, ou en sour puisque vous avez eu le temps d’apprendre 2 ou 3 ficelles du cocktail pendant les confinements.
70 cl, Roasted 28%, Bianco 16%, 35€ chaque et 60 € en coffret.
1 livre
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Alcools et Liqueurs maison, d’Anne-Laure Pham
C’est le bouquin le plus punk de la rentrée ! En une centaine de pages bien assénées, Anne-Laure Pham vous incite à fabriquer vous-même vos gnôles at home (vive le 3econfinement… Nan, je déconne). Bidouiller son pineau, sa liqueur de myrte, son ratafia de châtaigne, son pastis, ses bitters ou sa bière ? Beaucoup plus simple que vous ne l’aviez imaginé. Bref, en 2021, on passe aux travaux manuels avec cette bible futée dont on a envie d’apprendre par cœur tous les versets.
130 p, 24,90 €, éditions Hachette.
Par Christine Lambert