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Les Chais Saint Eloi 88 ont bientôt trois ans et font déjà du bruit dans le Landernau. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Saint Eloi, ancien ministre des Finances du bon roi Dagobert, est le saint patron des métiers de la transformation des métaux. Il est présent partout dans les incroyables bâtiments des Chais qui portent son nom. Reportage à Épinal de François de Guillebon (extrait du Whisky Magazine N°81).

 

Prenons l’histoire par le début. Et au commencement, il y a Honore SAS, créée par Dominique Honore, il y a de cela près de quarante ans. Le spectre d’activités de cette entreprise d’ingénierie et de construction a de quoi donner le vertige. Des unités de production d’éthanol pour des capacités allant jusqu’à 4 000 hlap/jour à partir de betterave ou de canne à sucre avec ateliers de fermentation, de distillation, de concentration des vinasses. Ou encore des centrales d’énergie et utilités, des unités de production d’engrais comme le nitrate d’ammonium, des stations d’épuration en sucrerie pour traiter les effluents avant rejet ultime dans l’océan, des unités de cogénération allant jusqu’à 50 MW. Chez Honoré on compte aussi des réalisations plus exotiques comme un simulateur d’accidents majeurs pour engin naval classé Secret-Défense, mais également en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord comme du Sud et en Europe, et bien sûr les unités pour les “alcools de bouche”.

 

Installation réalisée par les équipes de Honoré SAS en Guadeloupe pour la nouvelle distillerie Papa Rouyo

Parmi les belles réalisations, la livraison clés en mains, à Havana Club, de la nouvelle unité de production à San José de Las Lajas à Cuba, pour produire à partir de mélasse de canne à sucre 225 hectolitres d’alcool pur par jour… «Les unités de fermentation, de distillation et de concentration ont été entièrement montées à blanc et réceptionnées dans nos ateliers de Les Forges avant d’être installées sur place», explique Dominique Honore. Un projet qui a duré plusieurs années.

Avec lui, les affaires se traitent à l’ancienne. Pour lui, une poignée de main est bien plus sacrée qu’un document illisible pondu par des juristes… «C’est de l’humain à 100 %, d’homme à homme. Si le courant passe, on peut signer pour des années et des années. Après tout, nous avons une excellente réputation dans le milieu et nos références en attestent.»

En quittant Épinal, difficile de louper le groupe : à quelques kilomètres à l’ouest de la ville, une immense cathédrale industrielle s’impose dans la campagne vosgienne. Un bâtiment de 32 mètres de haut avec une capacité de levage de 120 tonnes, dans lequel les équipes de Dominique Honore et de son fils Thomas, président d’Honore SAS depuis 2017, conçoivent, fabriquent et assemblent entièrement des distilleries qui sont envoyées dans le monde entier. Pas des morceaux de distilleries, non des distilleries entières !

 

7 millions d’euros d’investissement

 

Un peu plus loin sur la même zone industrielle de la commune des Forges, il y a les Chais Saint Eloi 88, avec le premier d’entre eux, baptisé Chai n° 1 Pierre-Olivier Cogat, du nom de cet ingénieur mondialement connu et spécialiste de la distillation qui accompagne activement Dominique Honore depuis 1984. «Nous avons investi plus de 7 millions d’euros dans les Chais de Saint-Eloi 88», explique le “patron ouvrier”, comme il se définit lui-même. Et ça se ressent : ultramoderne, archi-sécurisé, équipé d’éléments de détection et de défense contre l’incendie, ce Chai n°1 peut accueillir l’équivalent de 8 000 fûts de chêne de 200 litres, soit en tout 1 600 000 litres de capacité de stockage.

La structure est impressionnante : un carré de 35 mètres de côté sous une hauteur au faîtage de 12 mètres, est abrité sous une charpente lamellée collée en épicéa des Vosges tandis que les racks en acier galvanisé autorisent facilement l’activité humaine et notamment celle du maître de chai. Christian Vergier et Clémence Pagnotta, leurs œnologues, accompagnent les Chais Saint Eloi 88 depuis le départ du projet, ils ont sélectionné les fûts avec environ 30 % de fûts neufs d’origine française en gros grains et grains fins et américaine en gros grains avec des chauffes sélectionnées mais aussi pour environ 70 % des fûts roux de cognac et de bourbon. C’est là que le TAF, ou travail à façon, trouve sa place. Plusieurs producteurs de whisky français font vieillir tout ou partie de leur production

En sortant du bâtiment, on aperçoit d’ores et déjà au sol le tracé du deuxième Chai qui devrait sortir de terre sous peu.

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Interview

Un immense atelier pour construire des distilleries, des chais pour un vieillissement à façon, un projet de distillerie dans les tuyaux ? Il n’en fallait pas plus pour piquer notre curiosité. Rencontre avec Dominique Honoré.

Whisky Magazine : En arrivant chez vous, on est surpris par cette tour de 32 mètres où vous montez à blanc des unités complètes de distillation, qui sont ensuite redémontées, expédiées en containers et remontées sur les sites finaux de vos clients, ceci dans un temps record. Avez-vous des concurrents sur ce marché ?

Dominique Honoré

Dominique Honoré : Sur ce concept-là, de la distillerie 100 % étudiée, construite, montée à blanc, démontée, expédiée et remontée avec mise en service et formation du personnel, avec prise en main à distance de l’automate, à notre connaissance, nous sommes les seuls au monde à intégrer toutes ces compétences en interne et ceci sans sous-traitance. Nous l’avons fait sur de nombreux projets à Cuba, en Guadeloupe, à l’Ile de La Réunion, à l’Ile Maurice, au Sri Lanka, au Mexique, au Maroc, etc. Cette méthode permet de limiter le coût et la durée des projets par des effectifs et des frais très optimisés à l’exportation. C’est ma conception de la construction et même sur des chantiers en métropole, tout ce qui peut être préfabriqué en atelier l’est. En faisant ainsi, il y a des gains énormes et nous sommes très compétitifs.

WM : Quelle est la première distillerie pour laquelle vous avez travaillé ?

D.H. : En tant qu’Honore SAS, c’était la distillerie Savanna à La Réunion en 1992. À l’époque, nous travaillions beaucoup en sucrerie avec une entreprise d’ingénierie à Thomery près de Fontainebleau, qui s’appelait Solutions et Réalisations. Ils ont eu l’opportunité de faire cette opération pour Monsieur de Chateauvieux à Saint-André de la Réunion. Pour cette opération clés en mains, nous avons déménagé l’ensemble de la distillerie de Saint-Paul à Bois de Nèfles vers le nouveau site de Bois Rouge à Saint-André et avons réalisé de nombreux équipements complémentaires comme deux bacs à mélasse de 2 500 m3, tout un ensemble de cuves de stockage en inox pour le rhum ainsi que toutes les tuyauteries process et utilités. Depuis 1992, nous sommes basés à la Réunion, où nous avons des conteneurs. Tous les ans, sauf l’année dernière à cause de la pandémie, nous envoyons des équipes sur de gros chantiers. Pour 2022 nous sommes en attente de plusieurs projets importants, toujours dans le domaine du rhum.

 

 » Nous sommes sur plusieurs projets de whiskies français »

 

WM : Donc Savanna vous a lancé dans les spiritueux, vous entraînant vers de folles aventures…

D.H. : Oui, comme en 2007, où nous nous sommes occupés de la plus grande distillerie d’arrack au Sri Lanka, qui produit grosso modo 140 millions de bouteilles par an. On y fermente et on y distille la sève de la fleur du cocotier pour un volume quotidien de 100 m3 récolté sur une exploitation de près de 2 millions de cocotiers avec 2 000 cueilleurs. La fermentation se fait de manière naturelle dans des dizaines de bassins en bois d’une capacité unitaire de 4 m3, sur une durée de 24 heures sans apport de levure, ni acidification, c’est uniquement la flore bactérienne présente dans l’air qui transforme le sucre en alcool. La distillation se fait au moyen d’un alambic à pression atmosphérique de 8 m3 couplé à un second alambic fonctionnant sous vide poussé, cet alambic étant chauffé gratuitement par les vapeurs alcooliques du premier alambic. L’économie d’énergie réalisée par ce procédé breveté étant de 50 %.

 

WM : En plus de votre activité, vous avez créé les Chai Saint-Eloi 88, pour le travail à façon mais aussi pour le vieillissement de vos propres spiritueux…

D.H. : Pour moi c’était la suite logique. C’est aussi un défi de faire un aussi bon vieillissement en Europe comparé à ce qui se fait dans les îles et pays chauds. En tout cas la part des anges est bien inférieure sur notre site à ce que l’on connaît par ailleurs. La sélection rigoureuse des fûts neufs et roux avec leurs chauffes spécifiques permettra également d’atteindre nos objectifs de qualité.

WM : Qui est de quel pourcentage ?

D.H. : Environ 2 % à 2,5 % plus ce que “pompe” le fût neuf ou roux au premier remplissage. De plus, notre hygrométrie est de 85 % dans le Chai, qui est comme je vous l’ai dit, bien tempéré. Notre système d’isolation, avec des murs en briques réfractaires chargées en laine de roche, font de ce Chai un bâtiment passif. S’il fait 40 degrés dehors, il fera 15 degrés dans le Chai, s’il fait moins 25 degrés, il fera 13 degrés dans le Chai.

WM : Y aura-t-il prochainement dans la tour de montage des beaux projets de distilleries dont vous pourriez parler ?

D.H. : Tout à fait. Nous travaillons actuellement sur d’importants projets de distilleries de rhum en Afrique de l’Ouest, aux Antilles et dans la zone Océan Indien. Ces unités seront forcément montées à blanc ici, avec alambic à colonne ou multicolonnes, cela dépend du procédé retenu et de la capacité nominale de l’unité. Nous sommes également sur plusieurs projets de whiskies français mais nous ne pouvons pas communiquer sur le nom des investisseurs.

Par François de Guillebon – extrait du WHISKY MAGAZINE N° 81

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