Avant de se risquer prudemment sur 2022, laissez-moi vous faire part de mes coups de cœur de l’année qu’on s’apprête à refermer avec hâte – entre nous, heureusement qu’il nous reste la gnôle… Livrés dans le désordre. Et sélectionnés sur deux critères : leur disponibilité en cette veille de fêtes et le nombre de <3 griffonnés sur mes notes de dégustation. Un choix d’autant plus subjectif que je n’ai évidemment pas goûté toute l’abondante production 2021.
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Waterford Luna 1.1
Il figurait en bonne place parmi mes trophées de la rentrée, et je persiste et signe. Le “premier single malt issu d’une orge cultivée en biodynamie” (sans commentaire) laisse fondre la céréale sur une trame tendue de fruits, d’agrumes et de chocolat. Avec un gras incroyable en bouche, équilibré d’une jolie acidité. Seul regret : le sample était vraiment minus !
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Port Charlotte Islay Barley
Il en a des choses à raconter, cet érudit tourbé de la distillerie Bruichladdich ! Un nez de fumée de feu de bois, de cuir, un petit profil animal, une tourbe terreuse qui en bouche enveloppe un fruité salin gourmand, de la noix de coco laiteuse, des notes d’amande écrasée, de banane séchée, de chêne. Yum ! L’orge provient de 7 fermes d’Islay, le jus a vieilli 8 ans en fûts de bourbon et de Pessac-Léognan. A l’arrivée, une très jolie complexité s’enroule sous les voiles de fumée.
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Benriach Malting Season
Entre le Smoke Season et le Malting Season mon cœur balance, mais il faut bien choisir. Une fois l’an, Benriach malte elle-même son orge, sous l’iPhone des touristes ravis de cette scène intagrammable d’antan. Et voilà qu’enfin la distillerie du Speyside nous régale de sa première cuvée totalement home made. Un single malt grassouillet qui exsude la céréale bien sucrée (récolte et distillation 2012) posée avec peps sur un plein panier de fruits du verger bien juteux et délicatement poivré, après un élevage en fûts de bourbon et de chêne neuf. Voilà pour le résumé.
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Domaine des Hautes-Glaces XO° ou Confluens
Entre le X0° (le premier 10 ans des Hautes-Glaces, dont il reste quelques flacons) et Confluens, mon cœur balance, et à quoi bon choisir ? Je vous parlais du premier à la rentrée et comme souvent femme varie (du moins me dit-on) je vais à présent louer le second, un brut de fût 100% malt d’orge élevé en tonneau de Croze-Hermitage blanc nature de Dard et Ribo. Pâtissier, céréalier, chocolaté, rustique, tendu comme une corde de funambule entre deux pics des Alpes. Ça goûte bien, cette jolie chose.
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Glen Keith 30 ans 1991 Signatory Vintage
Tout en finesse, tout en délicatesse. Les notes subtilement exotiques fondues aux fruits jaunes, posées sur un fil de soie herbacé et torréfié. Superbe et contemplatif pour peu qu’on laisse s’éterniser le verre. Si vous devez déplomber votre PEL + votre Assurance-vie, c’est pour cette bouteille.
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Kavalan 2008 Oloroso sherry cask
Oh my ! Avec la régularité d’un métronome, la distillerie taïwanaise nous drope une sherry bomb dont elle a le secret. Concentré, camphré, ce single cask S081224007 demande à respirer dans le verre avant de se laisser déguster. Quelques gouttes d’eau, pas plus, pour lui assouplir le cuir et huiler les gonds (58,6% tout de même), et… ô merveille. Il faudrait des pages pour en décrire la symphonie aromatique.
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Cognac Grosperrin Fins Bois 52-22
Je vais encore me faire vanner. Oui, un cognac Grosperrin. Encore. Evidemment. Un assemblage d’eaux-de-vie de Fins Bois distillées pour 80% en 1952 et pour 20% en 1922. Et je vais me contenter de recopier ce que j’en disais sous le choc de mon coup de foudre au Whisky Live, car à y bien penser je ne trouve rien à ajouter : « Avant cette rencontre, j’ignorais qu’on pouvait tomber raide dingue in love d’une eau-de-vie. Alors voilà, c’est écrit devant témoins (oui, vous) : je suis amoureuse. C’est un peu court comme note de dégustation, mais paraît que l’amour ne s’explique pas (si, quand même, les bourgeons de cassis…) ».
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Pira Le Gin de Christian Drouin
Est-ce une poire, est-ce un gin ? Avec sa patte inimitable, la maison de calvados Drouin brouille les pistes pour mieux nous enjôler. Séductrice, ronde et gourmande, l’édition limitée Pira place “l’autre fruit emblématique de la Normandie” au cœur de sa recette, en le chatouillant de vanille, de citron, de poivre noir, de racine d’iris – j’allais oublier le genièvre, pourtant bien présent comme j’aime. Chaque aromate est macéré et distillé séparément, avant assemblage des distillats. Top en dégustation digestive pure, mais supporte le tonic sans moufter.
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Pastis XO Château des Creissauds
Guillaume Ferroni se donne bien du mal pour concocter un breuvage qu’on siffle habituellement en visant le cochonnet. Mais en parlant de boules – de Noël cette fois –, ce pastis-là va vous expédier en des cieux bien au-delà du 7e. Les herbes fraîches sont toutes cueillies au Domaine des Creissauds, à Aubagne, puis mises en macération sans attendre. Et l’assemblage se fond en foudre pendant un an. Mais le XO passe en plus 5 ans en fûts de cognac. Chaque récolte imprime ses notes particulières, mais sachez en outre que le pastis évolue en bouteille. Et en parlant de bouteilles… Crise du verre oblige, vous trouverez peut-être cette quille sous une forme peu ordinaire. Mais après tout ce n’est pas un pastis ordinaire.
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Longueteau Genesis vieux 2016
Il va falloir vous battre pour en toper une quille, mais la lutte sera récompensée. Ce rhum enfûté brut de colonne souffle encore à 71,7% après 4 ans en barriques de chêne français, mais je vous mets au défi de sentir l’alcool. Le fruit tendrement caramélisé à feu doux compote sous les échardes épicées de bois, alangui de zestes, porté par une texture grasse. Clean, sans fioritures. Et c’est seulement à la troisième gorgée que, les neurones bombardés, vous songerez à vérifier le taux alcoométrique volumique – mais ce n’est qu’un détail. Attention, édition très limitée.
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Le verre Bhlas de The Whisky Lodge
Je vous en ai déjà parlé à moult reprises (ici la dernière fois), et si le verre Bhlas revient dans l’actualité, c’est qu’il se dote enfin d’un étui présentable ! Cet outil de geek nécessite un tour de main – déposer une quantité suffisante de spiritueux, le faire tournoyer pour réveiller les arpèges aromatiques qui s’échappent du vortex. Et vous vous décapsulerez les cervicales en renversant la tête en arrière pour siroter l’eau-de-vie. Mais c’est la Rolls du verre à dégustation, souvent imitée (coucou, The Whisky Exchange), jamais égalée.
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Un Pass Whisky Live Paris 2022
Le meilleur moment de l’année à prix early bird tombé de la branche haute, en offre spécial Noël. Pô, pô, pô ! (S’)offrir un Pass pour la Grande Halle de la Villette (ici, c’est la certitude de saliver pendant près de 10 mois en sautillant comme un Marsupilami fraîchement trépané. Coup de cœur forever.
Par Christine Lambert