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La tradition chrétienne des calendriers de l’Avent fait depuis quelques années l’objet d’une dévotion commerciale devenue incontournable. A défaut de spiritualité, il était temps de remettre un peu de spiritueux derrière les petites fenêtres en carton. Mais avant de retourner en enfance, n’oubliez pas l’évangile apocryphe : à consommer avec modération.

 

 

Outre l’invention du bretzel et du Slyrs, l’Allemagne a eu l’excellente idée de nous léguer sa tradition de calendriers de l’Avent, née au XIXe siècle, quand on offrait aux enfants des images pieuses pour les faire patienter jusqu’à noël. Dès le 4e dimanche avant Noël, et pendant 22 à 28 jours, les chères têtes blondes apprenaient les vertus de la patience en soulevant chaque jour un opercule du calendrier, tout en testant leur résistance à la tentation – celle d’ouvrir sauvagement ou en loucedé toutes les fenêtres de la façade.

Il s’agissait ce faisant de préparer l’avènement (Avent) du messie promis aux hommes depuis le péché originel d’Adam et Eve, qui fricotèrent méchamment à une époque où on ne connaissait pourtant pas la vodka-pomme à l’Happy Hour – enfin, la pomme, si.

Anyway. A partir des années 1950, confiseries et chocolats s’invitent dans le calendrier et, depuis quelques années, entre le marteau du Black Friday et l’enclume de noël, la tradition enfantine s’est transformée en piège pour adultes. L’Avent se décline à toutes les sauces aigres-douces : thés, maquillage et produits de beauté, chocolats et confiseries, bougies, café, croquettes pour chats (existe en version “lapin, cochon d’inde et autres rongeurs”), CBD, chaussettes roulées en boule, Harry Potter ou Marvel, céréales et muesli (corn flakes le 3 décembre, Frosties le 4, triste vie, oh, une édition luxe spécial porridge – no kidding)… Sans oublier les calendriers fromages (à conserver dans le bas du frigo en croisant les doigts pour que le maroilles ne se planque pas dans la case 23 décembre) et “coquins” (tiens, un œuf vibrant qui n’attendra pas Pâques…). Misère.

Depuis peu, heureusement, certains calendriers de l’Avent ont remis derrière les volets en carton une dose de spiritueux, à défaut de spiritualité. On doit l’initiative aux apôtres de Drinks by the Dram, chez Atom Brands (Master of Malt, That Boutique-y Whisky Company…), qui sortent en 2012 leurs premiers calendriers whisky et gin, deux curiosités appelées à faire jaser (la même chose que buzzer en plus vintage) sur les réseaux sociaux. Dès 2016, That Boutique-y lance à son tour ses Advent calendars Whisky (176€) et Gin (59€), 2 kg de fioles chacun, devenus les best-sellers maison grâce à leurs façades joliment dessinées dissimulant des choix pointus et plutôt bien vus (Moonshot Gin, people !).

Sept ans plus tard, rien que pour 2019, Drinks by the Dram aligne 22 nouveaux coffrets en carton operculé qui viennent s’ajouter aux classiques, et les prévisions de ventes annoncent un bond de 200% par rapport à l’Avent d’avant. Et après ?

Scotch, Bourbon, Irish, japonais, single casks, whiskies du monde, éditions (Very) Old & (Very) Rare présentées dans une sacoche de cuir (où les fioles de Karuizawa Noh 1976, Ladyburn 40 ans 1974, Yamazaki Sherry 2012, Glenfarclas 60 ans & Co attendent la main innocente qui aura cramé sa CB)…

Le whisky se taille la meilleure part du Christmas pudding chez Drinks by the Dram. Mais les amateurs de cognac, gin, tequila, rhum, vodka… sont invités eux aussi à se planter les ongles dans le carton pour arracher leur toast quotidien. Sous le hashtag ad hoc, les réseaux sociaux communient chaque soir pendant 12 ou 24 jours (oui, il existe des versions demi-Avent pour semi-abstinents) en ouvrant de concert la petite fenêtre sur une fiole coiffée de cire. Tout ça pour finir en janvier à la Saint-Yorre… Pffff.

Depuis deux ans, l’Avent qui met tout le monde à l’envers porte la griffe Jack Daniel’s. Un collector joliment foutu qui réussit l’exploit de remplir 24 cases avec un nom vendu à 80% sur une seule bouteille, l’Old N°7. Chapeau bas. La première édition n’était sortie qu’au Royaume uni, mais la nouvelle attaque sur tous les fronts.

Enorme carton, enfin, et dans tous les sens du terme (le calendrier pèse un âne mort, 15 kg à l’épaulé pas jeté) pour les calendriers bière, ce liquide désaltérant qui précède et suit volontiers le whisky tels les rois mages crapahutant à la queue leu-leu vers la crèche. On les trouve entre autres en déclinaison Bières du monde chez Nature & Découvertes, en version communautariste bretonne chez Penn Ar Box, en 3 thématiques chez Une Petite Mousse, qui suggère des accords culinaires et convoque un biérologue connecté.

Et en Beery Christmas chez Saveur Bière, qui vous invite cette année à résoudre une énigme quotidienne pour savoir sur quel opercule diriger le décapsuleur. Uh. A ce train-là, on y sera toujours à Pâques, et je ne dis pas ça pour l’œuf vibrant.

 

Par Christine Lambert

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