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Fondée en 1880, la maison Tessendier, longtemps discrète dans l’univers du cognac, s’impose aujourd’hui comme l’un des acteurs les plus dynamiques de la scène multispiritueux française. À Jarnac, les frères Jérôme et Lilian vont bien au-delà de l’héritage avec une vision.

En Charente, il est difficile de peser face aux poids lourds du cognaçais. Et pourtant. Depuis plus de 25 ans, Jérôme et Lilian Tessendier, représentants de la quatrième génération, ont transformé cette distillerie familiale en laboratoire d’idées, de goûts et d’innovations. La liste est longue : cognac bien sûr, mais aussi whisky, gin, rhum, brandy, vodka : la liste s’allonge au fil des années, sans que l’exigence ne faiblisse. Une stratégie de diversification raisonnée, adossée à une infrastructure complète, qui place Tessendier à part dans le paysage hexagonal.

L’aventure commence en 1880, lorsque Gaston Tessendier, professeur de mathématiques, acquiert le domaine du Buisson à Javrezac. Aujourd’hui encore, le vignoble de 22 hectares, situé dans le cru confidentiel des Borderies, demeure le cœur battant de l’entreprise, qui se fait fort de tout gérer en interne. « Ce qui fait notre singularité, c’est l’intégration de l’ensemble de la chaîne de production », se félicite Jérôme Tessendier. Des vendanges à la mise en fût, tout est maîtrisé en interne. Une rareté, même à Cognac.

La distillerie compte six alambics charentais, 14 chais (pour une capacité de stockage de 12 millions de litres) dont un “Paradis” abritant des cognacs pré-1914 (près de 800 vieux fûts), une brasserie maison pour les spiritueux à base de céréales, et une capacité de production de 6 000 hectolitres d’alcool pur par an. Mais au-delà des chiffres, c’est une philosophie qui guide les Tessendier : « Innover tout en préservant le savoir-faire passé », résume Jérôme. La marque signature de la maison, Cognac Park, reflète cette synthèse entre tradition et modernité. Déclinée en VS, VSOP, XO, Borderies, Fins Bois bio ou encore Mizunara Finish, elle illustre un travail d’assemblage fin et patient. L’élevage se fait exclusivement en fûts de chêne français, avec des lots parfois affinés dans le Chai Paradis. Certaines références explorent des voies inédites — comme le vieillissement en fûts de chêne japonais Mizunara, longtemps réservé au whisky — qui séduisent un public curieux de spiritueux autour du cognac sans trahir les fondamentaux.

Arlett, le pari du whisky

Mais c’est bien avec le whisky qu’un nouveau chapitre s’est ouvert l’an dernier. Inaugurée en 2020, la brasserie permet désormais à la distillerie de tout produire sur place, du brassage à l’embouteillage. La gamme Arlett, lancée en hommage à la mère des deux frères, incarne cette ambition. « L’implication de ma mère, amatrice de whisky, a été une motivation supplémentaire. Ce n’était pas une rupture, mais une continuité », explique Jérôme Tessendier.

Avec ses finitions en fûts de Mizunara, de Pineau, de rhum ou encore de Xérès, Arlett cherche à combiner précision technique et singularité aromatique. Le blend, à un prix très acessible (autour de 26 €), cible une clientèle plus jeune, à la recherche d’un whisky facile d’accès, mais sans compromis sur la qualité.

Peut-on pour autant parler d’un style “whisky charentais” ? Jérôme reste prudent : « L’alambic charentais apporte une forme de style particulier, mais il est trop tôt pour parler d’école charentaise à proprement parler ». Une lucidité qui contraste avec certaines tentations de marketing régional excessif.

Une maison indépendante, lucide sur les enjeux

À contre-courant des grands groupes intégrés, Tessendier cultive une indépendance stratégique rare. « Nous ne pouvons pas dépendre uniquement du cognac. La diversification est une nécessité pour une PME comme la nôtre », assume Jérôme. Et c’est peut-être là la clé du modèle Tessendier : une agilité qui n’oublie pas la rigueur, une curiosité sans dispersion.

En témoigne le portefeuille de la Maison, qui s’est enrichi d’une nouvelle marque de whisky, Les Fratés… Rien n’est lancé sans raison. Chez Tessendier, le flair n’exclut jamais le temps long.

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