Chers producteurs et productrices, vous êtes à l’origine d’un formidable bouillonnement observé depuis quelque temps dans les spiritueux (et pas seulement le whisky). Nous sommes nombreux·ses à nous en réjouir follement de l’autre côté du stylo, du micro ou du clavier. Justement, c’est en tant que plume trempée dans la gnôle que j’aimerais vous glisser quelques recommandations. Comme d’hab, vous en ferez ce que vous voulez.
1 – Soignez le design (nous sommes futiles)
Vous nous croyez sans doute au-dessus de cela : erreur. Si votre jus se glisse dans une jolie bouteille frappée d’une étiquette soignée ou originale, vous partirez avec un avantage réel. On dit souvent que seul le spiritueux doit parler, mais c’est oublier à quel point la vue vampirise les autres sens. Surtout à l’ère des réseaux sociaux. Dans la presse non spécialisée, ce sera toujours le flacon le plus design qui occupera le maximum d’espace dans la page – sauf si l’annonceur en achète, de l’espace, mais c’est un autre sujet.
2 – Faites goûter vos gnôles le plus souvent possible
Organisez des dégustations. Encore, et encore. Si vous croyez en votre spiritueux, faites-le découvrir, ce sera votre meilleure carte de visite. Débouchez des quilles chez les cavistes, dans les clubs d’amateurs, dans les festivals et salons, lors de “save ze date” réunissant journalistes ou influenceurs (dans ce cas, choisissez bien le décor et pensez à la luminosité : les tables en laminé dans la cave sombre d’un bar, moyennement instagramable).
Pendant l’épidémie, les tastings sur Zoom ont pris la relève, et même les distilleries plus aguerries en profitent pour faire redécouvrir leur gamme : envoyez quelques kits de fioles et réunissez le troupeau derrière l’écran, vous verrez, c’est sympa.
3 – Faites goûter vos gnôles mais… attendez qu’elles soient prêtes
Journalistes et blogueurs spiritueux seront toujours ravis de goûter le distillat et le produit fini. Mais vous prenez des risques quand vous envoyez des fioles de “work in progress”, de produits non finalisés qu’il est parfois difficile d’évaluer.
4 – Prenez des photos en format largeur (et sans vos enfants)
Si vos spiritueux nous séduisent, nous aurons hâte d’en parler. Et si vous voulez qu’on en parle, il faudra les montrer. Ayez toujours un stock de photos de bonne facture (haute résolution de préférence) prêtes à être envoyées aux journalistes qui vous les demanderont. Surtout, surtout, cadrez essentiellement en format largeur. Les images en hauteur sont presque toujours inexploitables sur les sites/blogs internet, et statistiquement beaucoup moins utilisées en presse écrite que les photos largeur.
Pensez à prendre des visuels de la distillerie, des étapes majeures de la fabrication (les alambics, toujours très photogéniques), des gens qui ont donné vie au spiritueux…
Surtout pas de clichés qui attireront les foudres de la loi Evin : pas d’enfants (ne riez pas, il m’est arrivé d’en recevoir de très jolies), pas de scènes festives, de portraits de dégustateurs trop enjoués… Faites appel à un photographe professionnel si vous le pouvez : on n’ose pas vous le dire, mais les rafales à l’iPhone sous une mauvaise lumière ne donnent pas toujours envie de faire le voyage.
Indispensable : les visuels de vos bouteilles détourables (sur fond blanc). Vous voulez les prendre vous-même ? Faites au moins l’acquisition d’une lightbox – ou fabriquez-la (12.000 tutos sur internet avec un carton ou une caisse en bois) – afin d’éviter les reflets de votre salon sur le verre de la quille (je sais à quoi ressemble l’intérieur familial de certains distillateurs et distributeurs, suis prête à balancer).
5 – Ne nous bullshitez pas (trop)
Quoi qu’ils prétendent, amateurs et professionnels ne cracheront jamais sur un storytelling réussi, une histoire qui fait rêver, un marketing bien ficelé. A condition qu’ils ne s’éloignent pas trop des faits, car vous ne vous remettrez pas de l’effet boomerang. Communiquez, on ne vous en voudra pas, mais en donnant le plus d’informations possible : sur ses arômes (de nombreux journalistes non spécialisés écrivent sur les spiritueux, aidez-les par des notes de dégustation), son mode de fabrication, sa genèse… “Distillé deux fois et vieilli en fûts de bourbon”, ce n’est pas de l’info : c’est le minimum syndical !
Si vous présentez un produit atypique (par son goût, sa matière première, son mode de fabrication…), explique-le. Et n’ayez pas peur de donner trop de détails ! Prenez la parole. Plus vous incarnerez votre produit, plus vous le ferez vivre, plus nous aurons envie de raconter son histoire et la vôtre.
6 – Soyez cohérent
La communication sur le terroir, le développement durable, le retour à la nature, l’écolo-éthique touche une corde sensible chez les consommateurs comme chez les pro. Ne ruinez pas tout en expédiant vos bouteilles ou vos samples dans 12 couches de film bulles ou dans des étuis plastique. Bonnet d’âne pour les kits de Zoom tasting qui arrivent dans des boîtes multi-matériaux (carton aimanté pelliculé de plastique) impossibles à recycler.
7 – Abandonnez le digital
Digital : qui se rapporte aux doigts. Quand vous annoncez avec clairons et tambours que vous “passez au digital”, je crains toujours d’en apprendre trop sur votre vie intime. A chaque invitation pour un “tasting digital” je me demande quel doigt choisir – or chacun sait que le majeur n’est pas très poli et que le pouce dit stop. Entre nous, c’est à ce mot qu’on sait que vous n’y comprenez rien : en français, on dit “numérique”, et c’est désormais officiel.
Par Christine Lambert