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La météo annonce une vague neigeuse en Ecosse : levons nos verres avec gratitude, car c’est le moment idéal pour s’y aventurer. Et, de préférence, en fonçant dans le nord. Pourquoi ? La réponse tient en un mot : còsagach. Laissez-moi vous expliquer.

La plupart des visiteurs guettent patiemment l’été pour découvrir l’Ecosse. Erreur de débutant. D’abord parce que l’été dure en moyenne une semaine, sans qu’on sache jamais à quel moment elle tombera d’une année sur l’autre : autant ne pas miser ses vacances sur une probabilité aussi faible. Ensuite parce que c’est en hiver que, paradoxalement, le pays se révèle dans toute sa douceur, dans toute sa chaleur. Croyez-moi, les Ecossais auraient dû copyrighter le mot « cosy ». Au lieu de cela, ils ont décidé de promouvoir le còsagach.

Inspiré par le succès du hygge danois, l’Office du Tourisme écossais, Visit Scotland (une mine d’info !), a décidé de mettre en avant ce mot gaélique désignant l’art de vivre au chaud quand la température extérieure cryogénise le paysage. Le còsagach vous invite donc à profiter du froid, à embrasser sa morsure, à se goinfrer du grand air, à s’enivrer du vent cisaillant en sachant que peu de temps après viendra le réconfort de la flambée dans la cheminée, du grog bien chaud partagé au pub, du plaid douillet, du scotch valeureux. Mais comme rien ne vaut la démonstration par l’exemple, voici un itinéraire qui souffle le chaud et le froid.

Une balade dans Inverness en plein février vous aura engourdi les orteils, surtout si la curiosité vous pousse à flânez entre les tombes pictes du vieux cimetière. En Ecosse, les cimetières sont vivants, ils s’habillent de mousse, jouent avec la lumière et parlent avec le vent.

Pour se réchauffer, une pause au pub MacGregor’s, suivie d’une halte dans l’une des plus belles librairies britanniques, Leakey’s, un fratras de livres d’occase qui repousse les coursives et dévale les escaliers sur deux étages, dans une ancienne église – la lecture, c’est sacré. Chauffage réduit au minimum, mais vous pouvez trouver refuge auprès du poêle à bois fumant qui nargue les vieux papiers.


En poussant un peu au nord-ouest d’Inverness, vous traverserez Black Isle, l’île noire. Qui n’est pas noire. Et qui n’est pas une île non plus, d’ailleurs. Sur cette péninsule claquée par la mer du Nord, les petites routes zigzaguent, ivres du grand air, entre les fermes, les pâturages et les champs d’orge. Allez chercher l’ambiance còsagach à la Black Isle Brewery, la première brasserie bio d’Ecosse, qui se visite et se déguste – pas forcément dans cet ordre. Au-delà de l’île qui n’en est pas une, les hordes de cerfs qui s’éparpillent vous montrent le chemin : et si on allait se réchauffer auprès des alambics de la distillerie Dalmore ?


En s’éloignant légèrement, à l’est de la capitale des Highlands, les panneaux pointent Culloden, théâtre de la dernière bataille terrestre menée en Grande-Bretagne, épisode noir qui changea profondément l’histoire de l’Ecosse. Le 16 avril 1746, l’armée anglaise massacra y quelque 1.500 jacobites au cours d’un sanglant affrontement qui dura moins d’une heure. La lande encroûtée de neige a fini par recouvrir les corps, mais ne vous y trompez pas, Culloden est une tombe à ciel ouvert.

Les familles se virent refuser le droit de ramasser les dépouilles, abandonnées sur place. Des rochers gravés aux noms des clans qui prirent les armes jalonnent aujourd’hui la lande, ces mêmes clans dont la bataille signa la fin. Une halte dans le passionnant musée du National Trust vous en apprendra davantage. Et vous réchauffera.

Il est temps de mettre les voiles sur le loch Ness, pas la halte la plus passionnante d’Ecosse, mais je vous connais : vous irez quand même. Sachez que la dernière apparition déclarée (à jeun) de Nessie remonte à 2011 : prévoyez un plaid si vous envisagez de planter le piquet – très peu de points sur l’échelle du còsagach cependant. Le plus passionnant s’offre au regard si vous vous enfoncez dans les terres, en longeant la rivière Beauly puis le serpent d’eau de la Glass jusqu’à Struy. De là, grimpez à Eagle Brae. (Cliquez sur le lien, et demandez qu’on vienne vous arracher à la tétanie devant l‘écran d’ici une heure.)


Mike Spencer-Nairn et Pawana, son épouse, née sur le toit du monde dans l’Himalaya, se sont installés en 2005 sur 16.000 acres de collines à l’écart du monde. Apportez vos provisions car une fois blotti dans les douillets chalets en bois qui embrassent la nature à perte de vue, grande sera la tentation de ne plus en bouger – certaines cabines sont même équipées d’un sauna. Mmmmm.

A la nuit tombée ou au soleil levant, en hiver, les ombres furtives des cerfs et des chevreuils s’approchent, cherchant leur pitance un peu plus bas vers la vallée. Aucun endroit mieux que ce nid d’aigle ne résume à lui seul le còsagach. L’unique concession au brouhaha de la vie ? Le wifi haut débit, que Mike a dû se résoudre à installer sur le domaine – quand l’homme moderne déconnecte, cet imbécile garde un fil à la patte et un chargeur dans sa besace. Eteignez le wifi, et rompez cet isolement bienvenu en descendant dîner à l’unique pub de la vallée, le Stuy Inn : Jim et Karen vous proposerons un whisky pour patienter près de la cheminée ; dites oui.


Il est temps de braver de nouveau le froid pour s’enfoncer dans Glen Affric, sans doute la plus belle vallée d’Ecosse, un titre pourtant fort disputé. De nombreux sentiers de randonnée balisés s’aventurent dans la forêt calédonienne, cathédrale de pins ouatés de neige.

Descendez vers le loch Affric ou le loch Beinn a’Mheadhain ou, plus spectaculaire encore, vers les Plodda Falls, une cascade qui plonge de 40m de hauteur quand l’hiver ne fige pas sa chute. Savourez le silence. Avez-vous pensé à glisser dans votre sac une petite flasque de whisky ? Always a good idea.

 

Par Christine Lambert

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