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Si le monde a longtemps ignoré le whoisky japonais, les collectionneurs, eux, se précipitent sur certains embouteillages d’exception. Comme ceux de Yamazaki, dont un flacon est parti à plus d’un quart de milion d’euros.

 

Lors de la vente Finest & Rarest organisée par Sotheby à Hong Kong le 27 janvier dernier, une bouteille de Yamazaki single malt âgé de 50 ans a pulvérisé le record du whisky japonais le plus cher au monde : le marteau est tombé sur une dernière enchère s’élevant à 2 337 000 dollars de Hong Kong (257 881 euros), soit un prix d’adjudication de plus du double de son estimation à 1 100 000 HK$ (121 380 euros).

On peut toutefois légitimement se demander pourquoi payer près d’un quart de million d’euros un unique flacon de whisky ? Pareille somme suffirait en effet à acquérir une belle résidence en province, et il resterait encore de quoi la meubler confortablement et acheter une voiture pour garnir son garage.

Et ce d’autant plus que, aussi loin que l’on s’en souvienne, le marché a très largement ignoré le whisky japonais durant de nombreuses années. Mais les modes évoluent, et vite. Depuis moins de cinq ans et la découverte par les amateurs de whisky de la qualité inhérente à bon nombre de ces whiskies japonais, ces bouteilles suscitent un intérêt sans précédent. Les prix et distinctions de grande notoriété qu’elles récoltent dans les concours internationaux d’importance ont contribué à les faire apprécier des marchés européens, parallèlement à la couverture médiatique dont bénéficie le Japon dans la presse magazine spécialisée et les livres consacrés au whisky. Une sensibilisation qui s’est accompagnée d’une meilleure compréhension et d’un intérêt croissant pour ce style.

Dans un second temps, les collectionneurs ont pris bonne note de la rareté des whiskies japonais plus anciens, qu’expliquent principalement d’importantes baisses de production intervenues il y a deux ou trois décennies, puis les investisseurs avisés ont rapidement conclu que les prix ne pouvaient que grimper. Les distilleries silencieuses comme Hanyu (fermée en 2000) et Karuizawa (en 2011) ont tout d’abord suscité le plus d’intérêt, mais d’autres whiskies japonais ont vite bénéficié de cet engouement.

Des valeurs recors « à faire pleurer »

Yamazaki en est un exemple typique. Peut-être le plus connu et le plus largement disponible des whiskies japonais, sa distillerie fondée en 1923 appartient désormais au groupe BeamSuntory, ce qui lui donne accès à des circuits de distribution mondiaux et à d’importantes ressources marketing. Yamazaki a longtemps été un chef de file, ayant lancé en 1924 ce qui fut très vraisemblablement le premier whisky authentiquement japonais ‒ White Label. Aujourd’hui, après un renforcement significatif de ses capacités de production en 2013, les douze alambics de la distillerie sont à même de produire annuellement quelque 7 millions de litres.

Et c’est cela, selon Andy Simpson, cofondateur du cabinet de conseil en investissement Rare Whisky 101, qui explique en partie son succès sur le marché des objets de collection. Outre ces « valeurs record, à faire pleurer » auxquelles on a assisté récemment, Yamazaki entretient l’intérêt des collectionneurs dans une fourchette de prix bien plus étendue qui offre aux amateurs à la tête de budgets plus modestes la possibilité d’entrer sur le marché.

Comme le souligne Andy Simpson, il faut compter au minimum pour l’achat d’une bouteille de collection quelque 1 200 £ pour Hanyu Playing Card, 525 £ pour Karuizawa (à l’exclusion des bouteilles Spirit of Asama plus largement disponibles, pour lesquelles on déboursera 1 475 £), ou 203 £ pour un Yamazaki plus abordable. Mais si l’on observe la moyenne des prix obtenus en salles de ventes, un Hanyu de la série des cartes vaut 3 890 £ et un Karuizawa 2 184 £.

De sorte que, « bien que ce ne soit pas encore une affaire », fait observer Simpson, « le prix moyen d’une bouteille de Yamazaki de collection ‒ à 1 223 £ ‒ se révèle plus avantageux ». Caractérisé par des prix plus modestes, une plus grande disponibilité et une gamme plus étoffée d’expressions commercialisée, on comprend pourquoi Yamazaki intéresse tant les collectionneurs.

Des prix en forte hausse

Mais les prix grimpent très rapidement et un certain nombre d’expressions très appréciées sont peut-être déjà hors de portée de nombreux amateurs. Fin 2014-début 2015 un flacon de Yamazaki 25 ans valait environ 800 £, mais il faut compter aujourd’hui environ 2 500 £. Toujours fin 2014-début 2015, nombre de single casks étaient disponibles entre 700 £ et 900 £, mais ils avoisinent aujourd’hui les 3 000 livres sterling ; dans certains cas, il faudra débourser près de 4 000 £ la bouteille, principalement pour les expressions puissamment marquées par le xérès. Ce sont des prix de transformation comparables à ceux obtenus par les emblématiques et classiques The Macallan, qui demeurent les chouchous des whiskies proposés en salle des ventes. Deux bouteilles The Macallan 60 ans ornées d’étiquettes dues à l’artiste pop britannique sir Peter Blake et au peintre italien Valerio Adami viennent d’être vendues au prix vertigineux de 1,2 million de dollars par Le Clos, un caviste de luxe installé dans l’aéroport international de Dubaï, ce qui fait du Yamazaki 50 ans une bonne affaire !

Cependant, selon l’indice établi par le cabinet Rare Whisky 101, Yamazaki demeure la marque la plus performante. De fin 2014 à fin avril 2018, ses prix ont enregistré une croissance remarquable de 165,44 %. Par comparaison, l’indice « Hanyu Cards » et l’indice « Japanese Icon100 » occupent les deuxième et troisième place, affichant respectivement une augmentation de 131,25% et 127,02%, tandis que l’indice Karuizawa occupe la quatrième place avec un gain de 88,98%.

Cette croissance est-elle pérenne ? Yamazaki demeure numéro un des ventes aux enchères de whiskies japonais au Royaume-Uni et sa dynamique haussière ne montre apparemment aucun signe de fléchissement comme l’indique le graphique. Le prix record récemment atteint par son expression âgée de 50 ans confirme la solidité des références de Yamazaki en matière d’investissement et ne pourra que susciter davantage d’intérêt et de concurrence parmi les collectionneurs : par conséquent, à condition de résister à l’envie de boire le contenu de ses flacons, l’avenir s’annonce prometteur pour cette marque.

Par Ian Buxton

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