La distillerie du Speyside, propriété de Gordon & MacPhail, dévoile un exceptionnel compte d’âge mûri en fûts de xérès.
« The future is shaped by what you do today », disait George Urquart, emblématique directeur de Gordon & MacPhail, disparu en 2001. C’est ce que vous faites aujourd’hui qui écrit le futur. Aujourd’hui, c’était hier, le 13 décembre 1972. Et ce jour-là, l’embouteilleur indépendant loge dans de beaux butts de xérès le distillat acheté à la distillerie proche de Benromach. Le futur n’est qu’une question de temps ; le whisky aussi, cela tombe bien.
Le sablier des décennies nimbe les fûts de cette poussière de temps qui, dans l’ombre humide des chais, polit le single malt, le berce dans son vaisseau de chêne. Attendre, surtout attendre.
Aujourd’hui, c’était hier, en l’an 1998, la vieille maison d’Elgin acquiert Benromach, pressentant que le fol engouement pour les single malts fera bientôt évoluer le modèle du négoce, exigera qu’il se détache de sa soumission totale aux distilleries tierces.
Aujourd’hui, qui se rappelle ce qui se murmurait dans les chais au temps de 1972 ? Dans les distilleries écossaises, on le sait bien, on fabrique encore parfois le whisky qu’on ne boira jamais, et le précieux compte d’âge 50 ans qui sort en ce mois de septembre 2024 est doublement signé Benromach.
Un Benromach rendu à sa distillerie d’origine. Son nez profond, complexe, dense, exhale le temps qui passe, les arômes de patine qui ne viennent qu’avec l’âge, inextricables. Le fruit cuit, les fruits tropicaux confiturés, la mangue séchée réveillés par les zestes d’orange, enrichis de copeaux de chocolat noir, de fève tonka, sablés à la poussière de chêne, les notes de tabatière, de noisette. Un concentré de bonheur.
La bouche, étonnamment puissante pour un compte d’âge aussi élevé, intense, d’une époustouflante longueur, ose à peine s’éloigner de l’olfaction. Confiture de baies rouges, bois précieux, cake aux raisins dansent, mutent, évoluent sans cesse dans le verre, révélant de nouvelles facettes avant la finale exotique, claquée de poivre noir, à peine habillée d’un soupçon de fumée que les années emportent. Interminable.
Un tel single malt méritait un écrin à sa mesure, sans apparat, dans toute la simplicité du luxe quand il sait s’effacer devant le liquide : les 248 bouteilles éditées ont donc été soufflées à la main et partiellement retaillées dans le style battuto par les maîtres verriers. Uniques. Le futur ne raconte jamais le passé. Tout juste peut-il écouter son témoignage, et parfois le goûter.
Coffret Benromach 50 ans (1972-2003), 248 exemplaires, 70 cl, 54,6%.