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Avec le Borderline Finish Porto Blanc, la maison Darroze poursuit son exploration des affinages atypiques. Cette eau-de-vie, issue d’Armagnac mais ne pouvant plus porter cette appellation après son passage en fûts de Porto blanc, interroge sur les nouvelles pratiques de vieillissement et les frontières entre tradition et innovation.

L’identité de l’Armagnac repose en grande partie sur son terroir et son élevage en fûts de chêne. Mais que se passe-t-il lorsque cet affinage est poussé au-delà des limites définies par l’appellation ? C’est précisément ce que propose la maison Darroze avec son Borderline Finish Porto Blanc, un brandy français issu d’Armagnac, mais qui, après un passage en fûts de Porto blanc, sort du cadre réglementaire de l’Appellation d’Origine Contrôlée.

Avec cette initiative, la maison Darroze s’inscrit dans une tendance plus large qui voit de nombreux producteurs expérimenter des affinages inédits pour élargir leur palette aromatique. Une démarche qui interroge : innovation ou perte d’identité ?

Porto blanc : une prise de risque maîtrisée

La particularité de cette cuvée repose sur son vieillissement en fûts ayant contenu du Porto blanc, issu de cépages tels que le Gouveio, la Malvasia Fina ou le Moscatel Galego. Ces cépages, reconnus pour leurs arômes d’agrumes, de miel et d’épices, influencent inévitablement l’eau-de-vie qui y séjourne.

Le processus débute avec un lot d’Armagnacs millésimés 2018, élaborés à partir du cépage baco et élevés six ans en fûts classiques de 400 litres. En janvier 2024, en plein hiver, ces eaux-de-vie sont transférées dans des barriques de Porto blanc. Un changement de contenant qui agit rapidement : en sept à huit semaines, la transformation aromatique est déjà perceptible. L’affinage se prolonge ensuite pendant dix mois, le temps de stabiliser la structure et d’affiner l’équilibre général.

Si ce type d’expérimentation est devenu courant dans l’univers du whisky, il est plus rare en Armagnac. Cette pratique soulève une question essentielle : jusqu’où peut-on modifier un produit sans en altérer l’essence même ?

À la dégustation, le Borderline Finish Porto Blanc présente une robe dorée éclatante et un nez fin et floral, où se mêlent des notes de miel, de verveine et d’anis. En bouche, l’influence du Porto blanc se fait sentir à travers des arômes de cire d’abeille, de frangipane et de fleur d’oranger, portés par des tanins souples et un alcool bien intégré.

Si l’expérience est concluante d’un point de vue gustatif, elle pose néanmoins la question de l’identité du produit. En adoptant ces techniques, l’Armagnac risque-t-il de perdre son caractère distinctif pour se fondre dans un marché plus large des eaux-de-vie affinées ?

Une tendance qui se confirme

Le Borderline Finish Porto Blanc s’inscrit dans une tendance plus large d’exploration des vieillissements alternatifs. Whisky, rhum et désormais brandy jouent de plus en plus avec les types de fûts pour proposer de nouvelles expériences sensorielles.

Ces expérimentations répondent à une demande croissante de la part des consommateurs en quête de nouveautés. Mais elles posent également la question de la réglementation : faut-il adapter les cahiers des charges des appellations d’origine ou laisser ces produits évoluer hors de leur cadre traditionnel ?

Avec cette cuvée, la maison Darroze apporte sa propre réponse : plutôt que de s’enfermer dans une stricte tradition, elle choisit d’expérimenter, quitte à s’éloigner du cadre de l’Armagnac pour proposer une vision élargie du brandy français. Une démarche qui ne manque pas de faire évoluer les débats en bougeant les lignes.

 

Photos : Clément Garby

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