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Plusieurs multinationales des spiritueux s’engagent à communiquer la valeur énergétique et la liste des ingrédients de leurs produits. Mettant fin à l’une des dernières exceptions dans l’industrie alimentaire. Enfin… presque.

Aujourd’hui, quand vous achetez une conserve de cassoulet, un sachet de muffins ou un pot de sauce tomate, vous savez à peu près ce que vous glissez dans votre assiette. Mais lorsque vous débouchez un spiritueux, du vin, du cidre ou une bière, bon courage pour deviner ce qui vous humecte le gosier et vous réjouit les papilles. Les boissons alcooliques forment en effet la dernière catégorie de produits alimentaires à pouvoir entretenir un mystère existentiel sur leur composition. Elles ne sont pas tenues d’indiquer les ingrédients qui se poseront sur vos lèvres ni les calories qui se logeront sur vos… oui, là, un peu plus bas sur le corps. Mais réjouissons-nous, cette exception vient de prendre fin. Ou presque.

Mardi 4 juin, 31 associations et 6 multinationales des spiritueux se sont entendus pour signer un protocole d’accord dans lequel elles s’engagent à l’avenir à inscrire sur leurs étiquettes les valeurs énergétiques de leurs produits et à fournir sur leurs sites internet une liste complète des ingrédients entrant dans leur composition. Prenez 30 secondes pour digérer la bonne nouvelle. Et à présent, grattons un peu – oui, je sais, c’est le deuxième épluchage de texte en peu de temps, la prochaine tournée est pour moi.
Ce protocole (consultable ici) prône les vertus de l’autorégulation, c’est-à-dire qu’il s’appliquera sur la base du volontariat, sans caractère obligatoire. Diageo, Pernod Ricard, Moët Hennessy, Bacardi-Martini, Rémy Cointreau et Beam-Suntory ont ainsi signé le protocole d’accord, mais Campari, Brown-Forman et Edrington (pourtant membres de la même association défendant les intérêts du secteur, SpiritsEUROPE) n’ont pas levé le doigt pour monter à bord.

Dites-le avec des pictos

Les signataires s’engagent à ce que, à horizon 2021, 66% des spiritueux mis sur le marché suive le protocole. Cela nous laisse potentiellement 34% de quilles pour jouer à Keskonboi-mystère-et-bouledeug (un genre de Scrabble mais avec des verres et rien qui compte triple). Evidemment, il n’est pas interdit de penser qu’en maintenant la pression les consommateurs susciteront un vertueux effet boule de neige. L’exigence de transparence et de traçabilité qui monte au sein de la société plaide en ce sens.
L’industrie des spiritueux a méchamment brainstormé pour trouver en quelle langue vous communiquer le nombre de calories sans vous inciter à reposer fissa la bouteille sur l’étagère. *Spoiler : ce sera plutôt avec des pictos (perso, j’aurais bien vu des émojis, mais on ne me consulte jamais)*. L’idée générale : imprimer en petits caractères le nombre de calories calculé sur 100 ml (règle qui s’impose au reste des produits alimentaires) et indiquer en gros chiffres sur un picto la valeur “par dose identifiable par le consommateur”, soit 30 ml pour un spiritueux, 100 ml pour un verre de vin et 250 ml pour une bière, ces 3 exemples contenant la même proportion d’alcool. Je compte sur vous pour prévenir tonton Henri, 30 ml = 3 cl, et non pas un demi-tumbler sans glaçons – fin de l’aparté.
“Le nombre de calories pour 100 ml induit le consommateur en erreur, il n’est pas pertinent pour les boissons alcooliques qui rassemblent au sein d’une même catégorie des produits très différents – bière, vin, spiritueux, cidre, prémixes –, qui ne jouent pas dans la même cour. C’est source de confusion”, se défend-on dans l’industrie. Mais tellement ! Allez, avouez, combien de fois vous est-il arrivé, au rayon produits laitiers, de confondre 1 litre de lait entier avec une boîte de 12 œufs ou une bûche de chèvre ? On se laisse si facilement distraire.

Damned, il y a du gin dans le gin !

Un œil sur le tableau des calories intégré au document de travail de SpiritsEurope va tout de suite vous éclairer : 100 ml d’un spiritueux à 40% = 224 calories, 100 ml de vin à 12% = 74 calories et 100 ml de bière à 5% = 43 calories. Mais, en revanche, une “dose identifiable par les consommateurs” (hors tonton Henri, donc) représente, pour 3 cl de spiritueux, 77 calories, pour un verre de vin 74 calories et pour un demi de bière 106 calories. Inversion de la courbe du stress, admirez le tour de passe-passe. Evidemment, plus le degré d’alcool augmente, plus l’affichage calorique prendra une claque, mais j’ai dans l’idée que les cask strength vont rejoindre en CDI les 44% de quilles non tamponnées.
Ceci posé, j’ai beau ironiser, il va de soi qu’afficher une valeur aux 100 ml sur un spiritueux excède de loin les recommandations de consommation responsable plaidées par l’OMS, auxquelles j’adhère pleinement.

Passons à la liste des ingrédients, qui sera quant à elle plutôt indiquée par un code QR renvoyant vers un site internet. Les additifs, aromatisants et sucre devront en principe s’afficher – et avouez que vous avez hâte de connaître les volontaires. A condition qu’ils aient été ajoutés au cours de la fabrication, et non mesurés sur le produit fini. Un rhum plus sweet qu’un shamallow fondu pourra donc afficher 0 sucre s’il tire son édulcoration des sucres résiduels apportés par une maturation en fûts de vins doux naturels, et ça peut vite chiffrer en barriques de pedro ximenez ou de sauternes. Amis blogueurs, ne cassez pas les hydromètres.
Attention cependant, “ingrédients” ne signifie pas “matières premières”. L’indication de ces dernière reste facultative, sauf pour la vodka. Pour exemple, la composition du whisky se déclinera ainsi : “whisky (distillat de céréales), eau, couleur : caramel E150a“. Celle du gin ? “Distillat de grain (gin), plantes et aromates, eau.” Il y a du gin dans le gin, dites donc, on a bien fait d’attendre !

 

Par Christine Lambert

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