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C’est en trio sur canapé avec Alexandre Ricard et l’un des créateurs de la marque que la star américaine a lancé à Paris Nocheluna, le premier sotol à traverser l’Atlantique. Verdict ? Il est canon (oui, le sotol aussi).

Le canapé se fait la malle par l’escalier pendant qu’on atermoie dans la cour de l’hôtel particulier du Marais, auprès des cactus rempotés pour l’occasion. « La star » est un peu en retard, ce qui, sur l’échelle de la staritude, revient à dire qu’elle est presque en avance. L’entourage a lâché le couperet : le canapé ne convient pas. Et le mobilier sacrifié par le verdict s’esbigne donc piteusement. Le cuir fauve, ça ne va pas avec tout, et je peux le comprendre ; moi-même ayant eu un peu de mal à accorder mon rouge à lèvre à ma chemise le matin, je n’imagine même pas s’il avait dû être raccord avec le pouf du salon.

Je vais vous dire : on s’en fout d’attendre, parce ce que le moment est historique. Lenny Kravitz est à Paris pour présenter son sotol, Nocheluna, à l’Europe entière. Oui, moi aussi j’ai dû googler sotol. Mais je ne venais pas vraiment pour le spiritueux. Et je dois vous avouer qu’en vrai il est canon (oui, le sotol aussi).

Nocheluna, l’esprit du désert

Dans le juteux business des gnôles de people, Lenny Kravitz joue une partition ambitieuse et à part. Renonçant à lancer la énième tequila ou le ixième mezcal, le musicien américain choisit de porter un spiritueux mystérieux et inconnu au bataillon.

Mais il n’est pas à l’origine du projet. « En pleine épidémie du covid, je reçois une bouteille énigmatique avec un sticker et un message. Intrigué, je goûte. Je n’avais jamais entendu parler du sotol [you and me, Lenny, nda], alors qu’il s’en fabrique depuis des centaines d’années au Mexique. Je suis allé dans le Chihuahua voir de près… and I was sold, it’s the true spirit of the desert. »

Le sotol, donc. Imaginez un crypto-mezcal artisanal originaire du nord du Mexique, tiré du dasylirion, une plante grasse de la famille des agavacées, une boule hérissée de fines feuilles – disons un genre d’agave poilue-hirsute. Comme pour le mezcal, on cuit le cœur
à l’étouffé dans un trou creusé au sol, sur des pierres chaudes, le tout recouvert de terre, avant de le broyer pour recueillir la pulpe. Fermentation spontanée pendant une semaine, un peu plus en hiver quand il fait froid, et double distillation en alambics de
cuivre.

Au goût, à l’aveugle, le sotol – ou plutôt Nocheluna, le seul à mon palmarès de dégustation – se confond avec un mezcal herbacé et minéral, légèrement fumé, élégant, à l’os. Lenny Kravitz : « Il est sophistiqué et sauvage quand on le déguste sec, mais ne perd
pas son intégrité quand on le mixe en cocktail. » J’ai vérifié. Abondamment. Pour être sûre. Et je confirme. En Martini sur un trait de Lillet, ou en long drink avec jus de pamplemousse, un trait de liqueur de piment topé d’eau gazeuse. Téléportation dans le
désert et fumée ouatée dans les neurones. « Là où il y a de la fumée, il n’y a pas besoin de
feu », conclut la star en se levant du nouveau canapé fauve qui a remplacé l’ancien
canapé fauve.

Pernod Ricard ouvre la voie du sotol

Derrière Nocheluna, on trouve Casa Lumbre, un créateur de marques mexicain cofondé par Moises Guindi et Ivan Saldaña, à l’origine du whisky de maïs Abasolo ou du mezcal Ojo de Tigre.

Avec le sotol, le duo sentait poindre la cause perdue à moins d’arrimer un nom connu à l’affaire. Enter Lenny Kravitz. Un produit nouveau, créatif, à l’écart des sentiers battus et du big business ? Le New-Yorkais dit banco à cette eau-de-vie qui fait écho à sa musique. Et contre toute attente, s’implique énormément dans le projet. La preuve, le voilà en train de parler abondamment sur le canapé fauve (le nouveau).

La star : check. L’assise à présent – non, pas le canapé. Case Lumbre s’est arrimé à Pernod Ricard la mise sur orbite. Et on se demande ce que le géant français aux 240 marques est allé renifler dans cette niche. « Justement, c’est plus qu’un nouveau produit à lancer : c’est une nouvelle catégorie à installer, jubile Alexandre Ricard. One of a kind. »

Au moment où tequila et mezcal peinent à fournir, victimes de leur succès, on comprend l’intérêt de voir émerger un spiritueux d’agave supplémentaire, sans aire géographique contraignante, avec un potentiel d’expansion. « Il existe une DOC [l’équivalent d’une AOC, nda] sotol, précise Ivan Saldaña. Mais elle est mal contrôlée, et peu respectée : le sotol reste très méconnu y compris au Mexique, il n’y a pas vraiment de marques commerciales, et peu de producteurs. A l’état sauvage, la plante elle-même pousse aussi lentement que les agaves, 6 à 8 ans, et dans Nocheluna, certaines ont plus de 20, 25 ans. L’avantage : elles fleurissent et repoussent plusieurs fois dans leur vie, contrairement à l’agave. »

Casa Lumbre a commencé à domestiquer le sotol, et entrepris de planter des champs. Si le produit décolle à l’export, il faudra cultiver le dasylirion. Et apprendre à l’orthographier. Un dernier verre avant de quitter la soirée en suivant le chemin du canapé fauve ?

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