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Au commencement il y a l’amour. L’amour du beau, du bon et surtout, l’amour du whisky. En 2003 Frédéric Revol opte pour un retour à la terre, il quitte la ville, les écrans d’ordinateur pour utiliser ses mains. Il rêve d’installation agricole capable de produire des breuvages. Le projet du Domaine amorce lentement mais sûrement sa germination.

 

Chercher le génie

 

Un retour à la terre vécu comme un songe et une quête à la fois. Le songe d’une installation agricole capable “de créer des breuvages qui goûtent l’âme du génie des lieux”

Le concept ne vient pas de lui, il date de l’Antiquité, période pendant laquelle les Romains considéraient que chaque lieu abritait un esprit protecteur de la terre et des hommes.

Au fil de ce beau livre, paru aux éditions Terre Vivante, nous voici, en quelques chapitres, embarqués dans cette quête…  parcourant les champs et les plaines, rencontrant les hommes et découvrant le plateau du Trièves. Cette petite région de montagne au cœur méridional des Alpes françaises est une découverte ou plutôt un rendez-vous, tant la vision de l’homme s’aligne avec l’endroit. Ici, “la modernisation des exploitations” ne s’est jamais vraiment adaptée. Plus qu’un terrain de jeu, c’est un terreau d’espoir qui guidera Frédéric dans sa recherche du bon et du beau, une sorte d’eden agroécologique.

“…emprunter d’autres chemins de production, qui remettraient les céréales et le lien à la terre au cœur de ses processus d’élaboration…”

Ne pas considérer les contraintes environnementales comme des obstacles infranchissables qu’il faudrait annihiler totalement, mais bel et bien créer et innover à partir de ce que la nature nous propose, en restant à son écoute. 

La mise en circulation du Domaine des Hautes Glaces (nom dont le lyrisme fait partie de notre bréviaire et qui trouve une origine littéraire dévoilée dans le livre) connaîtra plusieurs actes et rebondissements. Si le décor est idyllique, l’apprentissage de la paysannerie n’est pas intuitif pour Fred, pourtant ingénieur agronome de formation. 

Dans de nombreux cas, les pages nous rappellent à quel point l’improvisation est capitale lorsque que l’on fait face à la nature et qu’une portion immense de la réussite du Domaine est aussi et surtout le fruit de l’humilité et de la patience. 

“Mon envie est aussi de laisser un peu de place au sauvage, de pouvoir sentir qu’il se passe des choses qui m’échappent, m’émerveillent.”

Un aboutissement que l’on doit aussi aux rencontres avec les femmes et les hommes du Trièves. Car si les saisons passent depuis des millénaires sur la région, les hommes y habitent depuis des siècles, façonnant les territoires à leur manière en suivant souvent l’instinct de préservation au détriment du grand capital quand il s’agit d’agriculture.

Des rencontres mises en exergue et auxquelles le récit du Domaine des Hautes Glaces se rattache.

On pense à l’émouvante rencontre de Fred avec François Chabert, agriculteur voisin de la première ferme des Hautes Glaces. C’est lui qui mit le pied à l’étrier du jeune paysan Revol sur les techniques culturales simplifiées (TCS), travaillant ainsi la terre de manière moins violente. On pense également aux frères de la ferme Gabert, Eric et Thierry, ou encore à Christophe Barret, compagnons des premières heures et dont la présence accompagne toujours le quotidien du Domaine.

Objectif : de beaux whiskies avec le minimum de ressources

 

Un récit passionnant où l’orge incarne la figure héroïque. Incontournable dans le Trièves à l’instar de l’Ecosse et de l’Irlande, elle offre aussi un formidable terrain d’exploration gustatif pour notre protagoniste. Mais le Domaine se transforme également en toile de fond pour magnifier d’autres variétés de céréales comme le seigle ou l’épeautre. 

 

“Il s’agit d’entendre et de sentir ce que les céréales ont à nous dire, comment elles réagissent à la saison, aux climats dans lesquels elles ont poussé”

 

Une mise en pratique vécue de l’intérieur et ponctuée d’un précis technique fouillé dans lequel l’auteur revient sur les différentes étapes qui constituent l’élaboration du whisky à travers les âges. Le lecteur découvrira au fil des pages, le procédé de production de la précieuse eau-de-vie, que les illustrations de Maëlle Le Toquin ponctuent avec tendresse en parfaite équation avec le sujet. 

Notons également le travail de la photographe Céline Clanet, qui saisit en nuance l’ambiance, les lumières et les reliefs aussi bien que les hommes du Trièves.

Une bibliothèque spiritueuse vient conclure les quelque 230 pages de ce bel ouvrage en parcourant (photos à l’appui) l’ensemble des flacons produits par le Domaine. Une façon de présenter le travail opéré par le Domaine à un instant donné mais qui, au rythme des saisons, est amené à évoluer.

De moins en mieux

 

Quelques centaines de pages donc, disponibles aux éditions Terre Vivante, éditeur par ailleurs du magazine Les 4 Saisons. Whisky de Montagne rappelle à quel point “le combat pour le goût et le bon sont deux faces d’une pièce” qu’il est inutile et obsolète de vouloir opposer.

L’ouvrage réussit le pari de nous transporter dans l’histoire, la géographie et la sociologie d’un endroit : le Trièves. Il apporte par ailleurs, et c’est bien là aussi la preuve de sa réussite, un formidable outil de réflexion face aux épisodes récurrents de dérèglement climatique qui ponctuent désormais notre quotidien.

“L’écologie est un combat intime, qui se joue à l’échelle de nos fermes, à l’intérieur de nos vies…nous force à l’humilité… un combat qui mène autant à l’éveil de nos sens qu’à l’augmentation de nos cœurs.”

 

Frédéric Revol

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