Une petite liste 100% nouveautés (mais non exhaustive) de bouteilles à envelopper de papier cadeau juste avant de découper la dinde.
Commençons par l’Ecosse qui, se gaussant des Cassandre, maintient le plus haut niveau de qualité à défaut de nous surprendre. Dans les Highlands, TOMATIN élève sans prévenir son niveau de jeu avec un quatuor 2008 de 12 ans rassemblé dans sa “French Collection” (102€ chaque). Pas donnés-donnés mais tous très réussis : un Cognac Casks qui dépose un plein panier de fruits du verger, un Rivesaltes Casks oxydatif et salin en diable (miaou !), un Sauternes Casks concentré en fruits jaunes et un Montbazillac Casks, véritable pain d’épices de Noël liquide.
Cap sur le nord, on traverse Inverness et Black Isle pour une halte chez GLENMORANGIE, qui nous emballe deux séries limitées dont le ramage se rapporte au plumage : l’iconique 18 ans (environ 110€) enguirlandé de fleurs par l’artiste japonais Azuma Makoto, spécialiste de la sculpture botanique, qui tend là un miroir au bouquet intensément floral du single malt. Et le nouveau A Tale of Winter, emmitouflé dans son tricot : “le” whisky de noël, aux arômes de Christmas Cake bien épicé, qui se fond si bien dans les cocktails chauds.
Traversons par les lignes de fuite et échappons-nous vers la côte ouest. Face à l’île de Mull, se planque la jeune distillerie NC’NEAN (prononcer à peu près “nouc ni-ann”), créée par une jeune femme bien talentueuse, Annabel Thomas. Elle ne travaille qu’en bio et en développement durable, et nous régale d’un Organic (70€) tout en délicatesse florale et maltée, sur une jolie amertume.
Voguons vers les îles, laissons les lames nous déposer au fil des côtes déchiquetées par leurs colères et polies par leurs caresses. Sur Islay, KILCHOMAN nous offre juste à temps pour les fêtes le 11e batch de son 100% Islay (92€) où la tourbe réchauffe les notes maltées et florales posées sur les fruits secs. Toujours un plaisir de se laisser cueillir. Avec un budget plus étoffé, on fondra pour le 10 ans 2011 Sherry Hogshead 100% Islay (155€), un single cask dont je vous avais dit grand bien à l’issue du Whisky Live : concentré, camphré, presque médicinal, sur le caramel au beurre salé, le thé noir, le thym. Une pointe de soufre, mais même pas mal.
Islay toujours avec une nouvelle marque qui arrive en France : MAC-TALLA (“écho”, en gaélique), lancée par l’illustre famille Morrison. Strata 15 ans (90€), vieilli en fûts de bourbon et de xérès en-ouate (du verbe en-ouater, cherchez bien dans le dico. Cherchez mieux) de tourbe un fruit bien compoté et du cake aux raisins : onctueux, gourmand, l’Islay qui appelle le feu de cheminé.
Ils se donnent bien du mal, dans la jeune distillerie de l’ISLE OF RAASAY, mais les efforts paient, au centuple : R-02 (52€), un poil plus tourbé que son prédécesseur, recouvre de cendres des notes de baies noires, de toffee, de céréale sucrée avec beaucoup de finesse. Livré dans une bouteille au design original (moulé sur la pierre de l’île), ce qui ne gâte rien.
Sur Skye, TORABHAIG, la nouvelle distillerie d’une île qui depuis une centaine d’années n’en comptait plus qu’une met sur le marché une nouvelle salve d’Allt Gleann (60€), son 2e embouteillage, sorti cet été. La tourbe enfume le miel et les notes citronnées avec tendresse, et la vie est tout de suite bien plus douce.
Retour vers le cœur battant du scotch, dans le Speyside. A ABERLOUR, le cultissime A’Bunadh, maturé en fûts de xérès, s’est trouvé un frère – ou une sœur ? Je vous la fais woke pour emmouscailler l’Académie : iel se nomme A’Bunadh Alba (68€), et emprunte les mêmes codes que son aîné (brut de fût, non filtré). Mais Alba a vieilli exclusivement en fûts de bourbon – et Aberlour sous Quercus alba, cela vous donne une idée précise de la beauté du distillat ! Bref. Alba fait le poirier et vous met la tête à l’envers dans le citron, la pomme cannelle vanillée, la camomille et le chèvrefeuille. Un trait d’eau lui assouplira le cuir (60,9% tout de même) et fera fizzer le gingembre.
J’aime GLEN GRANT. J’adore Glen Grant. Ses très vieux whiskies sont d’une noblesse incomparable, et la distillerie continue à proposer quelques-uns des plus jolis single malts à des prix d’une courtoisie attentionnée. Le nouveau 15 ans(moins de 65€) demande quelques minutes pour se réveiller d’un sommeil chiffon et déployer sa puissance inhabituelle (50%). Et là, le fruit, les poires pochées vanillées, les zestes de citron, les épices adoucies de toffee et posées sur un peu de bois, les fruits à l’eau-de-vie, le chocolat amer… Bien des voiles à soulever ! Cela vous occupera pendant que les enfants défrisent le Bolduc au pied du sapin.
Un petit saut en Irlande, à Dublin, où TEELING lâche dans la cheminée le 4e batch de Brabazon (120€), 13 ans, 2 ans de finish en tonneaux de porto blanc : sweet, onctueux, hyper gourmand – fruits trempés dans le chocolat au lait. Pour la moitié du prix, on peut glisser sur l’Amarone Wine Cask (55€). Sur une base de Small Batch (le blend phare de la gamme) roulé 16 mois en fûts d’amarone, un vin de paille italien, ce bougre se sirote tout seul, rond, gourmand, fruité et chocolaté.
Atterrissage au bercail. Le whisky français, cette année, vit une folie qui tague “mission impossible” toute velléité de tenir les comptes des nouveautés (lire ici tout de même, point 2). Ma façon alambiquée (sic) de vous prévenir : je vais en oublier ! Honneur aux anciens, aux pionniers bretons. WARENGHEM a mis au monde un Armorik 16 ans (189€) rare, au nez bavard qui raconte tous les secrets des chais. Dans l’aromatique bien fondue, on retrouve la signature fumée des Armorik Old school, sur un presque rancio de vieux fruit. Interminable en bouche.
LA DISTILLERIE DES MENHIRS dévoile de son côté un Eddu 17 ans 2004 (149€) m’a fait tomber de ma chaise : ainsi donc, vient un moment où, au terme d’un long vieillissement, le blé noir qui sert de matière première se transforme radicalement, changeant la physionomie d’Eddu. Capiteux, très concentré, exotique dans l’âme, cacaoté et presque médicinal : une beauté, rarissime en outre puisqu’il s’agit du plus vieux whisky français.
En Lorraine, ROZELIEURES présente le premier aboutissement d’une aventure de longue haleine qui prend la forme de whiskies parcellaires (73€ chaque) : les Limoneux (malté, mentholé, herbacé) et les Argileux (fruits jaunes, menthe, chocolat au lait), deux single malts grassouillets aux terroirs géologiques différents – en principe, leur nom devrait vous mettre sur la voie–, mais difficile de choisir. A offrir par paires, donc.
La ferme-distillerie picarde de HAUTEFEUILLE dessine deux nouvelles Esquisse très céréalières : #6 (59€), tourbée, ma préférée, tendre et saline, et #7 (49€), non tourbée, chatouillée par un finish Pedro Ximenez qui ajoute du fruit.
Dans l’Aubrac, on retiendra chez TWELVE un single cask ex-pineau rouge, Améthyste, puissant (57%), animal, gourmand tendance sweet, un whisky à l’ancienne. Et le batch 3 de Basalte, oxydatif, mais cependant moins marqué que les précédentes cuvées.
Enfin, on accueillera une nouvelle marque, POINTE BLANCHE (49€), un single malt français au packaging poétique, distillé en Charente. Sous les copeaux de chêne s’avancent les raisins mûrs, la confiote de coings, le chèvrefeuille dans un bel équilibre entre douceur et amertume. Et parce qu’il n’y a pas que le whisky dans la vie – du moins me dit-on –, on se retrouve la semaine prochaine pour les “autres spiritueux” cadeaux.
Par Christine Lambert