Allez, venez. Empruntons nez au vent les chemins de traverse pour partir à la découverte des distilleries et des embouteillages plus confidentiels. Et pratiquons l’art délicat de voyager verre à la main sans bouger de son fauteuil ou de la chaise longue, pour passer l’été en agréable compagnie.
Par où commencer ce tour de France malté? Allez, cap sur l’Aveyron, pile au sud sans tourner à droite si on peut l’éviter. LANDA’S y distille en pots stills et à feu nu un whisky triple céréales (malt, orge crue et maïs) qui pour l’expression Saugane (46%) se roule sous chêne neuf puis en barriques de cognac avant de s’achever en fûts de porto ruby. Plongez dans un fournil de pain rustique généreusement épicé, tricoté de notes gourmandes et un poil vineuses.
On serpente jusqu’au monts ardéchois vers la DISTILLERIE DES FEUX DE SAINT-JEAN. Tandis que les purs malts maison prennent de l’âge, le quatuor du Champ des possibles ouvre la voie avec 4 single malts sourcés de 6 ans affinés localement. On choisira le finish fût de rhum ardéchois qui déroule sur une trame végétale bien grassouillette.
Empruntons la route du sud pour descendre dans les Alpes-de-Haute-Provence. LA DURANCE laisse s’échapper un single cask « Lot Alpha » (45%), belle découverte bio distillée dans le Vercors et affinée en fûts de vin rosé provençal – what???? Oui, sur le papier, moi aussi j’étais sceptique. Mais le nez très fin, sur les agrumes, le pamplemousse et l’orge tendre, fait écho à une bouche grasse, ronde, mâtinée de chocolat au lait épicé et de malt sucré, et ça vous emballe l’affaire en trois coups de cuillère à pot sous le parasol.
Prolongeons le séjour dans les Alpes-de-Haute-Provence, à la distillerie LACHANENCHE cette fois. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire du bien du millésime 2025 de Laverq (46%), et je réitère. Fruits secs, noix, amandes amères, le tout généreusement épicé servi sur caramel beurré signent ce single malt vieilli en fûts de vins blancs dans un ancien tunnel ferroviaire enterré à 1.000 m d’altitude: vive la fraîcheur.
Ne quittons pas l’accablante chaleur provençale puisque c’est dans le Vaucluse que LES CHINEURS DE MALTS ont établi leur distillerie. Leur nom prête quelque peu à confusion, puisqu’ils sont producteurs depuis quelques mois, mais pendant que leur whisky prend de l’âge dans leurs chais, ils élèvent et embouteillent des jus « chinés » aux six coins de l’Hexagone et aux quatre coins de France. Insulae (46%) en fait partie: ce single malt très réussi exhale la compote vanillée, avec un fruité plus confituré en bouche, sur le pain d’épices piqué de zestes d’orange confits, et une longueur en bec interminable.
Un détour par le Gers? Comment ça, c’est pas cohérent? Le chemin le plus rapide sur les routes du malt n’est jamais la ligne droite. La famille Lesgourgues a mis l’alambic armagnacais de Laubade au service du whisky pour créer MILHÒC à partir d’orge maltée et surtout de maïs local, cultivé sans irrigation, brassés pour l’essentiel chez Météor. On mise sur Le Premier Né (45%), rond et céréalier, floral et vanillé sous le pop-corn.
Nous voici en Charente-Maritime, à Bercloux, 500 habitants les années fastes et une distillerie qui doit son nom au village et nous fabrique – entre autres – le whisky BEAUCHAMP Triple Grain (46%) en mêlant orge, seigle et maïs. Bienheureuse création aux arômes de miche rustique engourmandés de miel et bombardée d’épices. Original, tendance pervers polymorphe, qui se savoure en dégustation comme en cocktail (à tester en Old Fashioned).
Restons dans le coin et poussons jusqu’à Saint-Palais alias SVE alias la distillerie de Chevanceaux qui distille ERNEST (40%), un jeune whisky de grain (maïs majoritaire, blé et orge maltée) aux rondelettes notes de chaume, de flan vanillés, de biscuit sucré, de noisettes caramélisées. Ça change! Le tout livré sous une ravissante étiquette vintage.
Beaucoup de choses à goûter dans la région, mais puisque je vous ai raconté la distillerie FONTAGARD pas plus tard que y a pas longtemps, allez visiter et tentez de mettre la main sur LUNR 9921-6, intrigante édition limitée dispo dès juillet dans sa bouteille noire. Au terme de son vieillissement sous chêne français, l’assemblage a été passé en amphores sphériques de verre exposées à 8 pleines lunes tandis que la team Fontagard réunie en pow wow dansait autour en hululant jusqu’à l’aube. Ah, non, juste l’exposition à la Lune, me glisse-t-on dans l’oreillette. Le résultat est dingue, et suscitera moult commentaires dans le futur, mais insistons sur la rondeur et le gras exceptionnels qui enveloppent le fruité.
On ondule en oblique, direction le Puy-de-Dôme, où la DISTILLERIE DES VOLCANS D’AUVERGNE nous livre Korma, un single malt (45%) élaboré à partir d’une orge locale. Distillation à repasse, élevage en ex-fûts de bourbon puis chêne neuf français nous troussent un fort joli galopin gras et céréalier, aux notes d’abricot mûr, de malt torréfié, épicé, de café servies sur une pointe pâtissière. Très chouette.
On trace jusqu’en Alsace, chez MICLO qui a rebaptisé Kaloui son single malt Welche’s Bourgogne. L’élevage en fûts de vins de bourgogne blancs lui a boisé le nez, par ailleurs fort épicé et chocolaté. Mais en bouche on tire sur le végétal doux-amer.
On boucle l’aventure entre Clichy et les alentours de Rennes, puisque VERSION FRANÇAISE, la gamme de French négoce de LMDW, embouteille un fort joli millésime 2020 de la brasserie-distillerie LA ROCHE AUX FÉES, vers Rennes. (Abonnez-vous à Whisky Mag pour lire le dossier spécial Bretagne!) Fermentation double levure – dont une pour bière blanche – pour ce single cask (50%, 129 quilles) citronné en diable, céréalier et chocolaté, relevé d’une rasade de poivre. Passez un bel été, pensez à vous hydrater <3.
L’image en ouverture de cet article a été réalisée par une IA