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Il y a collectionneur de whisky… et collectionneur de whisky. Ceux qui débusquent les bouteilles par amour, ceux qui les traquent par obsession, ceux qui les accumulent pour placer leur argent, ceux qui les guettent pour les revendre aussi sec, ceux qui les plaquent au mur en guise de papier peint, ceux qui les dépucèlent pour en jouir sans entraves… Et vous ? Quel serait votre profil ?

1) Les amoureux

Leur histoire commencent par le même il était une fois : un jour, ils visitent une distillerie, Glenfarclas, Laphroaig, Strathisla, Longmorn, Bowmore… Et en tombent raides dingues. Le coup de foudre. L’amour au premier regard – ou à la première gorgée. Ils se passionnent pour son histoire, son fonctionnement. Commencent à rassembler quelques embouteillages au gré de leurs séjours, et sans même y penser se retrouvent devant un début de commencement de collection. En moins de temps qu’il en faut pour écrire Bunnahabhain sans coquille, ils connaissent tout le staff par leurs prénoms, le master blender devient le parrain de leur aîné. Car les amoureux se font des amis pour la vie.

Ils ont ouvert un blog ou un site internet pour sceller cet amour fou, consacrent parfois quinze ans à écrire “le” bouquin exhaustif sur leur passion. Et puis, parce qu’on s’est aimés comme on se quitte, tout simplement sans penser à demain – pour citer Jo Dassin, mon philosophe préféré –, un beau matin qui vient toujours un peu trop vite ils divorcent sans chagrin. Et revendent leurs bébés, leurs vieux Mac, Laga ou Laffies. #SalutLesAmoureux

 

2) Les compulsifs

Chacun ses tocs. Certains se lavent les mains trente-sept fois par jour (avant le Covid du moins ; depuis, la peau est tombée), trient le muesli du petit-déj par céréales, rangent les bouquins par maison d’édition, compilent les notes de dégustation sur tableau Excel… Eux collectionnent. Le whisky, de toute évidence, mais pas que. Le compulsif ne peut s’empêcher d’accumuler – les BD, les nains de jardin, les boules à neige, les vinyles, les montres, les voitures de sport, le mobilier Art Déco… liste à compléter selon les goûts et les budgets.

Il est capable de tracer 5.000 bornes à travers 4 pays en deux jours pour aller récupérer chez un caviste confiné à Glen Tataouine-lès-Highlands “la” quille qu’il ne peut risquer de voir partir par la Poste. Ce profil obsessionnel est bien sûr “complétiste” : il ne lésinera devant rien, y compris lâcher une fortune contre un flacon médiocre, pour parachever sa collection. Une mission vouée à l’échec, bien sûr : le compulsif incarne la frustration permanente. #IcanGetNoSatisfaction

 

3) Les investisseurs

Collectionneurs aux poches profondes, ils voient dans le whisky un placement alternatif aux juteux rendements, au même titre que les voitures de course rétro, les grands vins, les œuvres d’art ou les céramiques chinoise. Plus tangible que les crypto-monnaies, moins risqué à moyen et long terme. Ils suivent l’index Knight Frank à la virgule près, se jettent sur les vieux scotchs élevés en fûts de sherry et, plus largement, les Macallan, Dalmore, Springbank, Ardbeg, Lagavulin, Bowmore ou Brora dont les expressions rares ont vu leur valeur prendre +564% en dix ans. Et apprennent par cœur les cotes de Rare Whisky 101.

Leur quête ? Les bouteilles uniques, introuvables mais recherchées, les très vieux vintages, les comptes d’âge supérieurs à cinq décennies – achetées bien souvent aujourd’hui par les fonds d’investissement. Des flacons aux prix prohibitifs, devenus les valeurs refuges d’un monde en roue libre. De plus en plus souvent, ils placent leurs mises sur les fûts de new make, faisant fi des cycles de l’histoire maltée. Ils ne connaissent pas toujours le goût d’un Longmorn Gordon & MacPhail 1972 ou d’un Laphroaig Samaroli 1967, mais ils peuvent vous donner leur cote et calculer leur rendement annuel de tête. #LiquiditésDisponibles

 

4) Les spéculateurs, ou flippers

Eux aussi cherchent la rentabilité, mais là, tout de suite, maintenant. Les spéculateurs, également connus sous leur sobriquet anglais de “flippers”, entendent doubler leur mise à court terme, même s’il s’agit d’empocher 100€ de profit. Ils se jettent plutôt sur les éditions limitées hype, celles qui font le buzz sur les réseaux sociaux, pour les revendre dans la semaine sur le second marché.

On peut les classer parmi les collectionneurs, insiste Serge Valentin (interview à lire ici), car en général, ils accumulent leurs échecs, en quelque sorte. C’est-à-dire les bouteilles, caisses ou palettes qu’ils n’ont pas réussi à revendre très vite avec un profit suffisant. Ils vont alors attendre, en respectant le fameux adage qui veut que le long terme est un court terme qui a échoué. En réalité, c’est la catégorie inférieure des collectionneurs, que tout le monde hait. De vulgaires vers de terre !#Headshot.

 

5) Les décorateurs

Une fois encore, c’est Serge Valentin qui en esquisse le profil avec beaucoup de tendresse, cette fois : “Les enfants partis ou une nouvelle maison achetée, ils se réservent une pièce ou la cave et la transforment en pub privé, qu’il va falloir remplir au plus vite de bouteilles jolies. L’industrie vise de plus en plus cette clientèle, ceux qui achètent l’esthétique, réelle ou supposée, des bouteilles de whisky. Il faut désormais se munir de lunettes de soleil pour regarder certaines nouvelles mises, notamment en Asie ! Mais c’est drôle…

Ils chinent les fauteuils clubs, récupèrent de vieux fûts pour décorer, hésitent pendant des semaines en prenant Twitter et Facebook à témoin : vitrines ou placards ? Plutôt étagères pour les plaquer au mur en guise de papier peint ! “Mais ils ne pensent jamais à investir dans des étagères qui ne ploient pas après deux mois !, renchérit Whiskyfun. Car ils oublient toujours qu’une bouteille c’est 2 kg, et que 20 bouteilles, c’est donc 40 kg. Sur du contreplaqué d’1cm d’épaisseur et de 1,5m de large, c’est chaud.” #WhiskyDeCharpentier

 

6) Les jouisseurs

Ces olibrius ouvrent leurs bouteilles, y compris les plus rares, pour les déguster, les déboucher entre amis. La vie est bien trop courte, autant en savourer la moindre goutte. Certains les débouchent moyennant participation financière lors de séances de dégustation où le plaisir l’emporte sur le profit. J’en connais un qui confond collection et placard à alcools, impossible de lui faire comprendre que dans la première les quilles doivent rester scellées. Un poète qui collectionnerait les timbres pour envoyer des lettres !

Beaucoup ont commencé à acquérir leurs bouteilles en des temps plus cléments pour les portefeuilles, espérant en jouir “plus tard”, l’heure de la retraite sonnée. Autant dire que la flambée des prix incite désormais à laisser les bouchons en place. #CoitusInterruptus

 

A lire dans le n°80 de Whisky Magazine, notre article : “Comment commencer une collection de whisky”. Avec tous les conseils des plus grands collectionneurs. Disponible ici via l’e-shop.

 

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